Ça se passe à Laval, dans la circonscription de Laval–Les Îles. Une circonscription où on compte beaucoup de citoyens d’origine grecque. Le Parti libéral a dû se trouver une autre candidate pour remplacer Raymonde Folco, qui a annoncé qu’elle ne se représentait pas, juste avant le déclenchement de l’élection fédérale. Le PLC, évidemment, s’est retrouvé dans le pétrin. Trop tard pour organiser une investiture, afin que les militants choisissent un(e) candidat(e). Le parti de Michael Ignatieff a donc désigné une candidate, Karine Joizil.
Joizil est une avocate d’origine haïtienne. Laval-Les Îles est un quartier multiethnique. Parmi les ethnies présentes : les Grecs. Or, les Grecs ne sont pas contents. Ils auraient voulu que le Parti libéral choisisse une candidate grecque, en la personne d’Eleni Bakopanos, ex-députée libérale d’Ahunstic, battue par la bloquiste Maria Mourani. Jusque là, nous sommes dans le sectarisme soft, dans le repli identitaire. Mais ça n’en reste pas là : le Congrès hellénique du Québec a demandé à ses membres habitant la circonscription de ne pas voter pour le PLC, parce que celui-ci a choisi « une candidate d’origine non-grecque » (article de Jean-Christophe Laurence, dans La Presse).
Ok.
On prend une grande respiration.
On se calme.
On se pince.
Bon…
Je vais mesurer mes mots : ceci, camarades grecs, est une incitation au vote ethnique. Il n’y a pas d’autres façons de décrire cela. Oui, Laval-Les îles abrite une grande communauté grecque, la troisième langue parlée est le grec dans la circonscription. Mais les arabes, les italiens, les arméniens sont également très présents. On ne les a pas vus faire de crise d’enfant gâté pour autant, devant cette Haïtienne nommée qui représente le PLC.
Pour ajouter au sectarisme, le Hellenic Congress of Canada, section Quebec, a cru bon de faire étalage d’un peu de stupidité, par la voix de son représentant, Peter Georgakakos, qui est monté sur le Grand Cheval Blanc de l’Indignation, en entrevue au Devoir (papier d’Hélène Buzzetti) : En entrevue avec Le Devoir, le président du Congrès, Peter Georgakakos, était furieux de se faire demande s’il était normal de baser une recommandation de vote sur l’ethnicité. «Pourquoi me posez-vous cette question? Pourquoi ce deux poids, deux mesures? Le mouvement syndical fait cela continuellement au Québec, recommander de voter pour certains candidats. Vous ne connaissez pas votre histoire du Québec.»
Lorsqu’on lui demande s’il sous-entend par là que les syndicalistes invitent les gens à voter pour des Blancs, il s’emporte. «Ne me lancez pas cette merde! Ça n’a rien à voir avec la couleur. Il y a 30 000 Grecs dans cette circonscription et ils nous prennent pour acquis.» Mais n’y a-t-il pas aussi une importante communauté haïtienne? «Non, il n’y a pas d’Haïtiens. Les Haïtiens sont dans une autre partie de la ville.»
Belle petite mentalité, M. Georgakakos ! Un candidat grec dans l’ouest de Laval, un Noir dans l’est, un Tremblay dans le nord. Comment on dit ghetto, en grec, au fait ?
Imaginez, maintenant, un autre scénario. Imaginez qu’au Lac-Saint-Jean, des Bleuets qui s’offusqueraient du fait que le PLC ait nommé, en catastrophe, une Québécoise d’origine italienne, haïtienne ou grecque pour le représenter, sans investiture, parce que la députée sortante aurait choisi de ne pas se représenter, la veille du scrutin. Imaginez qu’une association de Bleuets recommande de ne pas voter PLC pour cause de sélection d’une « non-Québécoise de souche », genre.
Imaginez l’émoi.
Imaginez le Globe, imaginez le National Post, imaginez The Gazette et tous les autres faire des crises d’épilepsie causées par leur indignation devant cette position qu’ils assimileraient à du racisme et, pourquoi pas, à du talibanisme…
J’ai peut-être raté les éditoriaux indignés dans le Globe, le National Post. Mais ça m’étonnerait. Silence radio. La Gazette couvre l’affaire aujourd’hui. J’espère que ses éditorialistes vont dénoncer ce sectarisme répugnant. Même si beaucoup de grecs, anglophones, lisent The Gazette…
L’affaire a fait une victime : Fabrice Rivault, qui travaillait aux communications pour la campagne de Martin Cauchon, a traité les membres du Congrès hellénique de « fascistes », les invitant à retourner en Grèce. Je dis « victime » mais j’exagère : le bénévole a couru après son congédiement, qui était inévitable : le fascisme est une chose trop sérieuse pour faire de telles comparaisons. Je note que M. Cauchon a qualifié les mots de son ancien bénévole d’« inadmissibles, inacceptables, choquant ».
Ce qui est juste.
Mais on aurait aimé que le PLC utilise les mêmes termes pour qualifier le sectarisme dont le Congrès grec fait preuve à son égard.
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