Ils "soufflent sur les braises" du désenchantement

Des institutions de plus en plus discréditées

Ces libéraux qui veulent cadenasser les cerveaux

Tribune libre

L’arrestation de personnes liées au monde de la politique "politicailleuse" m’amène à réfléchir sur le mouvement de discrédit et de défaveur qui atteint et ébranle certaines institutions, quand même assez importantes.

Je me demande, très souvent, comment il peut se faire que les politiciens semblent se comporter comme s’ils ne percevaient pas le fait que de plus en plus nombreux sont les citoyens qui font de moins en moins confiance à la politique et aux politiciens. De très nombreux "électeurs potentiels" ne vont pas voter, et plusieurs personnes suggèrent carrément de ne plus aller voter. Arrêter de voter non pas parce qu’on est sous-politisé, mais parce qu’on est très politisé, voire surpolitisé, parce qu’on a des rêves qui semblent peu pris en compte par les opportunistes réactionnaires qui gouvernent.

Dangereuse est cette crise de confiance, lorsqu’il s’agit de la société québécoise, société qui a besoin de se battre sur tous les fronts, si elle veut perdurer, si elle veut rayonner.

Dans le fameux roman «Soumission» de Michel Houellebecq, œuvre de fiction, le contexte sociopolitique et culturel qui est présenté est caractérisé par le fait qu’en France les dirigeants politiques, de la droite "républicaine" ou de la gauche dite modérée, ignorent, de plus en plus, les préoccupations, les frustrations, les espoirs et les attentes de très nombreux citoyens, ce qui ouvre la porte à une très nouvelle donne électorale et sociologique.

Quand Jean-Marc Fournier suggère, avec, apparemment un certain "ravissement", que la corruption n’est pas seulement le lot des libéraux, que tous les partis sont corrompus, il "souffle sur les braises" du désenchantement de la population, et il ouvre la porte à la dépolitisation généralisée. Dans nos sociétés contemporaines, le désenchantement (on parle parfois de cynisme) est éminemment corrosif.

Une autre institution a, me semble-t-il, beaucoup de plomb dans l’aile. Il s’agit de Radio-Canada, chaîne télévisuelle et radiophonique qui a, pendant longtemps, été considérée comme présentant, assez souvent, du contenu de grande qualité. Par le biais de mes lectures diverses et dans le sillage de plusieurs conservations, je constate que nombreuses sont les personnes qui trouvent que la SRC présente de plus en plus de nombreuses émissions marquées au sceau de la médiocrité, une médiocrité parfois extrême. On dirait, souvent, que cette vieille chaîne est orientée vers le rire, vers le rire insignifiant, vers le rire démobilisant, vers le rire du désespoir. Et les téléjournaux sont de plus en plus minables: peu de nouvelles et nouvelles bien "orientées".

Les humoristes et l’humour grossier semblent de plus en plus être le triste apanage de la SRC.

Personnellement, je regarde encore quelques émissions de la SRC. Ce qui me déconcerte, ce sont les «annonces» faites pour promouvoir diverses émissions, comme «Tout le monde en parle», comme «Prière de ne pas envoyer de fleurs», comme «Les enfants de la télé», comme «Ti-Mé Show» (et j’en oublie). On nous montre, presque toujours, des personnes riant à gorge déployée. Le rire semble épidémique, pour ne pas dire obligatoire. Ce rire, il ne m’intéresse pas. Je sais qu’il irrite de très nombreuses personnes et qu’il en ravit d’autres. À force de trop proposer un humour étriqué et chétif, on finit par faire oublier l’humour subtil, raffiné, sophistiqué, exquis, révélateur et sagace. Ce rire, trop souvent "crétinoïde»", il est susceptible de rapetisser culturellement le peuple québécois, et il est un facteur potentiel de régression et de dégénérescence.

J’ose espérer que les ressources accordées par le gouvernement du brave "boy scout", appelé Justin vont conduire Radio-Canada vers la recherche d’émissions de plus grande qualité. Mais la mission historique de la SRC reste quand même, par monts et par vaux, la promotion du fédéralisme canadien, du «multiculturalisme» à la sauce britannique et «trudeauiste», du communautarisme délétère, du ghettoïsme asphyxiant, du «différencialisme» benêt et du «séparationnisme» malsain.

On parle beaucoup, avec un enthousiasme parfois benêt, de la splendeur de la diversité. Personnellement, j’aime beaucoup la diversité, au sein d’une société. Mais cette diversité devient un poison lorsqu’elle est basée sur le principe du «vivre les uns à côté des autres», ou du «vivre les uns contre les autres». Les Québécois, selon moi, apprécient et acceptent la diversité, lorsqu’elle va de pair avec le «vivre ensemble», avec la «convergence culturelle», avec le partage d’un ensemble de règles communes et acceptées.

Une autre émission qui savoure, ou subit, un certain discrédit, c’est l’institution policière. Bien analyser cette institution demanderait beaucoup d’explications, de rigueur et de nuances. Mais "on" fait de moins en moins confiance aux flics. L’épisode de la fameuse matricule 728 a démontré un sérieux problème, une inculture, une hargne, une prédilection pour la répression, pour la matraque et pour le contrôle violent. Si la "fliquette" avait été seule, on aurait pu faire croire qu’il s’agissait d’un acte isolé et malheureux. Mais les autres membres des forces de l’ordre (l’ordre fédéraliste et néolibéral) ont oublié d’intervenir et de calmer leur brillante collègue.
Pendant une période d’indignation, d’insatisfaction et de volonté de changement, l’institution policière devient le bras armé de ceux qui sacralisent l’ordre établi et sont prêts à le défendre, coûte que coûte.

Je pense qu’il y a, à l’heure actuelle, un gigantesque problème sociétal qui rapetisse et mine certaines institutions. Le gouvernement Couillard, très "harperien", tente de «désocialiser» la société québécoise et de nier sa spécificité.

Et le système électoral rend difficile l'élection d'un parti moins destructeur.

C’est dommage! C’est tragique! Que faire?

Jean-Serge Baribeau, sociologue des médias


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3 commentaires

  • JaDe Deziel Répondre

    3 avril 2016

    Votre analyse est malheureusement fort juste. On aimerait tellement qu'il en soit autrement, mais force est d'admettre que vous avez raison. L'abêtissement devient de plus en plus manifeste chaque jour.
    Quand une nation atteint un certain niveau de déprime, elle dit «je ne veux plus rien savoir», et elle atteint son objectif à 100%: elle ne sait plus rien.
    Épais et fiers de l'être, cocus et contents.
    Vous en donnez un bel exemple: je vous cite,
    «Quand Jean-Marc Fournier suggère, avec, apparemment un certain "ravissement", que la corruption n’est pas seulement le lot des libéraux, que tous les partis sont corrompus, »...
    Si ce n'est pas l'aveu que son parti est corrompu, que nous faut-il pour comprendre? Et que dire de cet argument idiot : Nous sommes corrompus, mais les autres itou ... Est-ce que cela légitimise la corruption? C,est un props digne d'une cours d'école primaire, très très primaire, «j'pas le seul, toé tou» . Très typique de fournier; c'est du calibre mon père est aussi sale que le tien !
    Désolée, désolant, et comme vous dites : que faire ? Un vote minoritaire nous les a foutu là pour 4 ans, majoritaires.

  • Serge Jean Répondre

    3 avril 2016

    Superbe de belle analyse très juste; effectivement c'est le rire cheap névrosé de surface et tellement pauvre d'esprits contaminés de préjugés qui prend la cote incroyablement.

  • Archives de Vigile Répondre

    3 avril 2016

    150 milles fois d'accord avec vous très juste!