Dossier Aveos : ce qu'on ne dit pas ...

AVEOS

Par André Parizeau (*)
Il y a quelque chose qui cloche très sérieusement dans le dossier Aveos et cela ne semble pas sentir trop bon. Tout le monde, à l'exception des Conservateurs à Ottawa, semble convenir que la fermeture des opérations d'Aveos contrevient à la loi et qu'il y aurait matière pour forcer Air Canada à respecter ses engagements légaux vis à vis du maintien des opérations d'entretien de ses avions dans les grands centres que sont d'abord Montréal, mais aussi Mississauga et Winnipeg. Tous en conviennent, mais rien ne bouge en même temps.
À Québec, l'ensemble des députés, y compris les libéraux de Jean Charest, ont voté une motion se disant prêts à prendre tous les moyens nécessaires pour faire respecter la loi et permettre aux travailleurs et travailleuses de faire ce à quoi ils excellent, soit le fait d'entretenir les avions d'Air Canada. L'administration municipale à Montréal s'est également dit préoccupée par ce qui arrive. Pourtant rien ne bouge.
Encore aujourd'hui, l'Union internationale des machinistes (AIM-FTQ) qui représente les travailleurs et les travailleuses d'Air Canada, tenait un point de presse, en compagnie de représentants du Parti Québécois, pour réaffirmer leur espoir que le gouvernement du Québec traduise en actions concrètes ce à quoi il s'est déjà commis; le syndicat demande formellement au gouvernement de déposer une demande d'injonction contre Aveos afin de bloquer toute tentative de démantèlement des opérations à Montréal, et pour forcer en même temps Air Canada à s'en tenir à ses propres engagement. Le syndicat, disent-ils, appuiera immédiatement après une telle démarche. Pourtant, du côté du gouvernement Charest, c'est toujours le silence par rapport à ce qu'ils auraient l'intention de faire.
Ailleurs, la situation est aussi la même. C'est aussi bien le silence à Winnipeg, qu'à Mississauga ou Toronto. Le fait que Denis Coderre, du côté des libéraux fédéraux fasse quelques sorties bien senties ne change pas le fait que le Parti libéral, de son côté, soit à peu près aussi tranquille. Même impression, quand on regarde du côté du NPD. Considérant tout ce qu'on a pu jusqu'ici dire du nouveau chef, Thomas Mulcair, on se serait certainement attendu à plus de sa part.
En fait, et si on fait abstraction du soutien assez clair des partis et forces souverainistes au Québec pour une telle injonction, la réaction ailleurs demeure somme toute assez timorée. C'est comme s'il y avait anguille sous roche.
Le fait est qu'il pourrait effectivement y avoir anguille sous roche. Si vous prenez en effet la peine de regarder ceux qui composent le conseil d'administration d'Air Canada, vous serez frappé par un certain nombre de choses troublantes. C'est comme si ces gens avaient non seulement de profondes affinités avec les Conservateurs de Stephen Harper, mais auraient également des liens avec d'autres partis, nommément les libéraux et même le ... NPD.
Premièrement, sur les dix membres du Conseil d'administration, au moins 4 d'entre eux, dont le président directeur général -- celui-là même qui vient de recevoir un bonus de 5 millions de dollars, ce qui en soi est un autre scandale -- semblent avoir des connections ou venir de milieux très étroitement associés au Parti libéral du Canada, et ou le Parti libéral du Québec.
Aussi bien Calin Rovinescu, qui est l'actuel président directeur général d'Air Canada, que Jean Marc Huot, qui est administrateur depuis 2009, proviennent en effet de la firme d'avocats Stikeman Elliott, qui est elle-même une importante source d'appuis pour les libéraux. Parmi les autres personnalités connues et issues de cette firme d'avocats et qui furent aussi liées aux libéraux, on peut notamment mentionner les noms de Donald Johnston, un ex-ministre fédéral libéral, qui alla ensuite se recycler pendant presque dix ans en tant que secrétaire-général de l'OCDE, ainsi que Suzanne Côté, soit l'avocate qui représentait le gouvernement du Québec, lors de la célèbre commission Bastarache; cette dernière a depuis quitté ce bureau d'avocats, mais cela ne change rien à ce qui est mentionné plus haut.
Et puis, il y a aussi cette dame, Mirabel Paquette, qui était à un momement donné directrice des communications pour le Parti libéral du Québec, et qui fut ensuite repêché par Stikeman Elliott.
Une autre personne -- celle-là plus connue -- est Pierre Marc Johnson qu'on pourrait très certainement affubler du titre de pire vire-capot qui soit, puisque ce très "digne" personnage, qui était ministre péquiste sous la gouverne de René Lévesque et devint même pendant un court laps de temps chef du PQ, après le départ du chef, s'est depuis tourné vers Jean Charest afin de devenir un de ses importants conseillers. C'est d'ailleurs lui qui pilotait au nom du gouvernement Charest les négociations en Europe pour un éventuel nouveau traité de libre-échange avec les pays de la Communauté européenne. C'est en même temps un des adminstrateur d'Air Canada ayant le plus d'ancienneté, puisqu'il est là depuis ... 2006 ! Il a donc nécessairement participé à toutes les tractations et prises de décisions ayant finalement amenées ce qu'on vit maintenant. C'est en même temps le frère de Daniel Johnson, qui fut de son côté et pendant un certain temps aussi, chef du Parti libéral du Québec. C'était juste avant que Jean Charest, qui était alors avec les Conservateurs fédéraux, décide de faire le saut vers le Parti libéral du Québec.
Mais là ne s'arrête pas les incongruités, car Roy Romanow, qui est un des pilliers du NPD, un ex-premier ministre de la Saskatchewan, en même temps qu'un de ceux ayant particulièrement magouillé avec Pierre Elliot Trudeau et Jean Chrétien, durant la fameuse "nuit de longs couteaux", et qui a donc amplement participé à ce honteux événement que fut le rapatriement de la Constitution canadienne, fait sur le dos du Québec en 1982, fait aussi partie des administrateurs d'Air Canada depuis ... 2010.
Je ne sais pas si vous commencer à vous poser des questions comme j'ai également commencé à le faire en apprenant tout cela, mais il y a de quoi.
Je continue. Parmi les autres administrateurs d'Air Canada, on retrouve aussi un dénommé Arthur H. Porter qui fut pendant des années le PDG du Centre de santé universitaire de McGill (de 2004 à 2011) -- c'est d'ailleurs lui qui est en même temps le président du Comité de gouvernance et des affaires de l’entreprise --, ainsi David I. Richardson qui fut pendant un certain temps, avant de passer du côté d'Air Canada, président de Nortel Networks, de même que président de la firme Ernst & Young. Cela adonne en même temps que la firme Ernst & Young est un autre terreau pour le Parti libéral; 100 de ses employés auraient donné au Parti libéral du Canada au moins 76 000$ durant la seule année 2008, selon des chiffres en provenance d'Élections Canada.
Il pourrait également être utile de rappeler que Nortel, que monsieur Richarson dirigea pendant un certain temps, est cettte fameuse compagnie qui fit beaucoup parler d'elle dès suite de plusieurs scandales entourant ses administrateurs; ses actifs furent ensuite revendus, pour la plupart, à d'autres compagnies, et Nortel demeure encore sous le coup de la loi sur les faillites.
Un dernier point : tous les autres membres du CA d'Air Canada -- cela en fait 4 --proviendraient d'autre part de l'extérieur du Canada; cela incluerait Bernard Attali, qui est en même temps président du Conseil honnaire du Groupe Air France, et Michael N. Green, qui est en même temps chef de la direction de la société d'investissement américaine Tenex Capital Management et qui a aussi siégé sur le CA de General Electric.
Air Canada est aujourd'hui connu comme un des employeurs au Canada ayant un des profils les plus anti-syndicaux qui soient. Les informations ci-haut en disent en même temps assez long sur l'ampleur des ramifications que les dirigeants de cette société, maintenant privé, peut entretenir avec toute sorte de gens dans le monde politique.
Chaque année, il y a près de 50 millions de places qui sont vendus par Air Canada pour l'ensemble de ses vols. Reste à savoir maintenant qui inspectera désormais et entretiendra tous ses avions, et dans quelles conditions ... si rien ne devait continuer à se faire, comme cela semble effectivement être le cas.
J'ai une autre et dernière question. Se pourrait-il, enfin de compte, que ceux et celles qui disent appuyer la cause des travailleurs et des travailleuses d'Aveos, mais tardent à poser un geste concret, comme Jean Charest, agissent ainsi d'abord et avant tout pour ne pas nuire à certains de leurs "amis" ?...
(*) André Parizeau est le chef du Parti communiste du Québec (PCQ) et ce texte est aussi diposnible à partir du site du PCQ au www.pcq.qc.ca.
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Chef du Parti communiste du Québec (PCQ), membre fondateur de Québec solidaire, membre du Bloc québécois, et membre de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal (SSJBM)





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