Duceppe trahit le Québec

De défenseur du Québec à Ottawa, Gilles Duceppe deviendra défenseur d'Ottawa au Québec.

Coalition BQ-NPD-PLC


N'ayons pas peur des mots, si la coalition formée du Parti Libéral et du
NPD prend le pouvoir avec l'appui du Bloc québécois comme prévu, il
s'agira à proprement parler d'une trahison. De défenseur du Québec à
Ottawa, Gilles Duceppe deviendra défenseur d'Ottawa au Québec. En effet, en
s'engageant à ne pas faire tomber le gouvernement de coalition avant 2010,
il s'engage à défendre des décisions à venir de cette coalition, même
lorsqu'elles ne feront pas l'affaire du Québec, même lorsque le premier
ministre du Québec jugera qu'elles ne vont pas assez dans le sens des
intérêts du Québec.
Et qu'est-ce que M. Duceppe obtient en échange dans le cadre de cette
entente? Des concessions intéressantes pour les travailleurs et les femmes
certes, mais rien qui vaille d'un point de vue nationaliste, puisque la
Bloc semble avoir renoncé à obtenir l'abrogation de la Loi sur la clarté,
le respect de la Loi 101 par les entreprises fédérales ou la
non-application de la Loi sur le multiculturalisme au Québec. C'est un peu
comme si la croyance en l'existence d'une nation québécoise avait autant de
conséquences chez Duceppe qu'elle en a chez Harper... Mais il y a pire, car
en plus de ne pas obtenir ces gains, Duceppe consent à ce qu'il y ait
davantage d'ingérence fédérale dans des champs de compétences vitaux pour
la nation; c'est-à-dire là où il faut non pas plus d'ingérence fédérale
mais des retraits avec pleine compensation du fédéral!
Évidemment, certains répondront que cette entente est bonne non pas par
ce qu'elle apporte, mais par ce qu'elle nous permet d'éviter: le plan
diabolique d'Harper. Or, selon Gilles Duceppe lui-même, ce plan consiste
essentiellement à tout faire pour tuer le Parti Libéral du Canada, d'où les
coupures dans le financement public des partis, mais surtout dans les
finances de ce parti en situation financière difficile et en plein course
au leadership potentiellement très coûteuse. Oui, vous avez bien entendu,
Gilles Duceppe a conclu cette entente en sachant très bien qu'elle risque
de sauver le Parti Libéral du Canada. Pourtant, jusqu'à preuve du contraire
ce parti est celui de la conscription, du rejet du biculturalisme, de la
Loi sur les mesures de guerre, du rapatriement unilatéral de la
Constitution, de l'imposition de la Charte canadienne qui a permis
d'invalider des pans entiers de la Loi 101, du sabotage de Meech, du vol du
référendum de 1995, de la Loi sur la clarté et des commandites, bref le
parti de Pierre Elliott Trudeau, de Jean Chrétien et de leur fils spirituel
difforme Stéphane Dion. Autrement dit, c'est le parti de toutes les
trahisons contre le Québec que Gilles Duceppe appuie aujourd'hui.
Que doivent faire, et surtout ne pas faire, les nationalistes dans ce
contexte? Premièrement, ils doivent, selon leur tempérament, dénoncer cette
manoeuvre et-ou faire pression sur les bloquistes pour que ces derniers
obtiennent des gains vraiment significatifs dans le cadre de cette
coalition, dans l'éventualité où elle prend le pouvoir, et ce concernant ce
qui compte le plus pour eux, soit la langue, la culture et l'intégration
des immigrants. Deuxièmement, ils doivent éviter de se laisser emporter par
une rage légitime qui les amènerait à supporter les conservateurs (ou
encore les adéquistes). Bien que cela soit sans doute tentant pour les
nationalistes de droite, il s'agit d'une option à éviter à tout prix. En
effet, si on peut reprocher au Bloc notamment de promouvoir l'application
de la Loi 101 aux entreprises fédérales lorsqu'il est dans l'opposition
pour mieux y renoncer lorsqu'il se trouve au seuil du pouvoir, on ne peut
oublier que les conservateurs s'y opposent peu importe qu'ils soient dans
l'opposition ou au pouvoir et que tant que cela, entre autres, ne changera
pas, aucune alliance ou appui n'est envisageable. De ce fait, supporter
les conservateurs maintenant sous prétexte de bloquer la voie à Stéphane
Dion serait aussi inapproprié que d'appuyer les libéraux pour renverser
Harper... ce qui n'est pas peu dire!
Guillaume Rousseau

Sherbrooke
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Guillaume Rousseau35 articles

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L'auteur, qui est candidat au doctorat en droit à l'Université de Sherbrooke, a étudié le droit européen à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV. Actuellement, doctorant à l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 décembre 2008

    Duceppe ne trahit pas le Québec, au contraire.
    En élisant une forte députation souverainiste à Ottawa, il n'est pas question de donner au Québec ce que seule le peuple souverain du Québec peut se donne en fondant l'État qu'il désire. Ce dont il est question est de bloquer l'élection d'une députation majoritairement fédéraliste afin que la députation du Québec dans l'ensemble, élue à Québec et Ottawa, soit majoritairement souverainiste. Cela, pour ne pas que l'argument de Trudeau à l'effet que seule compte les décisions de toute la députation du Québec, puisse être à nouveau invoqué pour imposer au peuple souverain du Québec un État qui s'abstient de le nommément consulter.
    Le mieux que puisse faire le Bloc, est de s'assurer que le gouvernement du Canada soit celui qui le mieux, puisse d'ici la fondation de l'État du peuple souverain du Québec, correspondre à ses intérêts. Il ne s'agit pas d'obtenir quelque chose que seule la création de l'État du peuple du Québec peut permettre de mettre en place, à savoir, l'entière souveraineté linguistique sur son territoire.
    Le Bloc ne peut prétendre imposer au Canada, au gouvernement du Canada, la volonté du peuple du Québec. Le mieux qu'il puisse faire est de limiter les dégâts. Le gouvernement de la coalition PLC-NPD est un tel gouvernement. M. Duceppe ne trahit ni le Québec ni les souverainistes.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 décembre 2008

    Je ne suis pas un adepte, mais là, pas du tout, de la ligne que développent certains de nos nationalistes dogmatiques, à savoir que les sacro-saints principes doivent primer sur le bien commun. Si j'ai bien compris, le BLOC aurait dû demeurer silencieux, sous-prétexte qu'on ne s'allie pas à l'ennemi. Si le BLOC avait agi ainsi, sous prétexte qu'il est souverainiste, il n'y aurait pas de crise aujourd'hui, et Harper pourrait nous faire entrer dans la gorge ce qu'il veut. Êtes-vous conscient que le BLOC ne défend pas seulement les souverainistes, mais qu'il a aussi le devoir de répondre aussi aux aspirations des québécois qui ne le sont pas? En tant que premier parti du Québec, il est de son devoir de défendre les intérêts du Québec, et ce dans son ensemble. 41% des québécois ont voté NPD-PLC, et 38% ont bloqué. Le PC a obtenu un peu plus de 20%. Et c'est ce dernier parti qu'il nous faudrait endurer, sous prétexte qu'on doit demeurer pur idéologiquement (immobilisme et dogmatisme, donc)? Ouf, ouf et re-ouf!
    Vous dites aussi que le BLOC, en appuyant la coalition, s'engage à soutenir les décisions de cette coalition. Soit vous êtes démagogiques, soit vous ne connaissez pas le fonctionnement du parlement. Les votes de confiances concernent les budgets, ou toute autre question majeure. Pour le courant et autres projets de loi, le BLOC pourra voter contre à sa guise, négocier des amendements et être libre de ses actes. Laisser croire que le BLOC sera le béni-oui-oui de la coalition est est une tentative de désinformation de votre part, je le crains.
    Pour vous, appuyer le PLC et le NPD, c'est une trahison. Désolé, ce que s'apprêtait à nous servir Harper était inacceptable. Le laisser faire est en soi une trahison. À mon avis, répondre à du dogmatisme de droite par du dogmatisme nationaliste n'est pas la solution. Votre position ressemble trop à celle de Mario Dumont, et elle ressemble encore plus à celle - déconnectée - de VLB. Je préfère de loin m'associer au PQ et à Quécec Solidaire, qui eux n'ont pas peur de s'engager dans la tourmente et d'appuyer le BLOC. La politique, c'est l'art du possible, pas un concours pour puristes.