C'est vrai que Mario Dumont s'est tenu bien loin de la bataille entre le PQ et le PLQ sur le budget cette semaine. En fait, on a entendu le nom de Pauline Marois plus souvent que celui de M. Dumont dans les échanges de la période de questions. À court terme, c'était peut-être habile de la part du chef adéquiste, mais à long terme, c'est moins évident. La question que devraient maintenant se poser les adéquistes est la suivante : vont-ils abolir ces baisses d'impôts, qui prennent effet le 1er janvier 2008, s'ils sont appelés à former le gouvernement l'an prochain ?
La question n'est pas farfelue : M. Dumont s'est refusé à toute négociation sur le budget de Monique Jérôme-Forget, parce qu'il est profondément convaincu qu'il faut s'attaquer à la dette avant de se lancer dans de nouvelles dépenses ou de réduire le fardeau fiscal des Québécois. Mais en laissant au PQ, un parti affaibli, le fardeau de faire la bataille pour obtenir des changements à ce budget, il a du même coup laissé passer une importante baisse des impôts qui privera le gouvernement de revenus substantiels dès la prochaine année financière. M. Dumont peut toujours prétendre que Jean Charest aurait refusé de faire un compromis avec l'ADQ, mais il n'a même pas essayé de le convaincre. La politique de la chaise vide, ce n'est pas toujours payant.
À court terme, Mario Dumont a gagné du temps. Un temps précieux pour donner de l'expérience à son équipe de députés, pour recruter de nouveaux candidats et regarnir la caisse de son parti en vue de la prochaine campagne électorale. Mais comme il est douteux que le PQ dirigé par Pauline Marois appuie à nouveau un budget libéral en mars prochain, la prochaine campagne électorale pourrait bien survenir dès le printemps 2008. À moins d'un accident de parcours sérieux, M. Dumont aura des chances réelles de prendre le pouvoir. C'est alors qu'il sera confronté à la dure réalité budgétaire que lui prépare le budget de Mme Jérôme-Forget.
Les libéraux ont amené les fonctionnaires des Finances en point de presse, jeudi, pour démontrer que les baisses d'impôt ne mettraient pas les finances publiques en péril à plus long terme. Ce qui, soit dit en passant, n'était pas très élégant de la part du gouvernement.
Les prévisions à long terme du ministère des Finances confirment que les prochains gouvernements seront en mesure de présenter des budgets équilibrés si la situation économique ne nous réserve pas de mauvaises surprises. Mais l'histoire nous a appris depuis longtemps que les prévisions économiques sur une longue période sont rarement correctes. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les gouvernements canadien et québécois ont cessé d'en présenter lors du dépôt annuel de leurs budgets.
Ce qui nous ramène donc à la question de départ : Mario Dumont osera-t-il abolir les réductions d'impôts des libéraux s'il prend le pouvoir l'an prochain ? S'il est sérieux dans les objections qu'il a soumises hier encore à la période de questions, il devrait s'engager immédiatement à le faire. Les documents budgétaires montrent que ces baisses d'impôt représenteront un manque à gagner de 1,2 milliard $ pour le gouvernement. Comme l'entrée en vigueur de la plupart de ces baisses d'impôt est prévue pour le 1er janvier 2008, le nouveau gouvernement aurait encore le temps d'en récupérer une portion importante dès la prochaine année financière.
La question sera d'autant plus incontournable que l'ADQ aura besoin de ressources financières importantes pour aller de l'avant avec son programme politique. À elle seule, la promesse d'une aide aux familles de 100 $ par semaine pour la garde de leurs jeunes enfants à la maison entraînerait des débours annuels de plusieurs centaines de millions de dollars. M. Dumont peut toujours prétendre qu'il coupera dans les dépenses de l'État, les efforts en ce sens des libéraux, depuis 2003, ont démontré qu'il est plus facile d'en parler que de le faire. Même chose dans le domaine de la santé. Le recours au privé et la mise en place de frais modérateurs pourront peut-être réduire un jour la facture gouvernementale, mais pas du jour au lendemain.
Au fond, Jean Charest a lourdement hypothéqué la marge de manoeuvre du prochain gouvernement en procédant immédiatement à une baisse d'impôt aussi massive. Il réserve ainsi à son successeur le même sort que lui avait réservé le gouvernement de Bernard Landry.
Pour joindre notre chroniqueur : glavoie@lesoleil.com
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé