Éloignez ce calice

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?

D'un chef à l'autre, le délai entre les congrès nationaux du PQ ne cesse d'allonger. Sous la gouverne de Lucien Bouchard, il avait fallu attendre quatre ans. Bernard Landry avait réussi à reporter l'échéance à cinq ans. Pauline Marois fera encore mieux: six ans sans congrès.
Il est vrai que, depuis la fondation du parti, les congrès se sont transformés le plus souvent en véritable calvaire pour les chefs péquistes. Sans remonter aux supplices infligés à René Lévesque, M. Bouchard est venu à un cheveu de démissionner en novembre 1996 et M. Landry a été brutalement mis à la porte en juin 2005. On peut comprendre que Mme Marois ne soit pas pressée. Éloignez de moi ce calice...
En principe, le congrès devait se tenir à l'automne 2010, mais il est maintenant reporté au printemps 2011. Officiellement, la direction du parti n'a pas eu suffisamment de temps pour préparer la «proposition principale», qui aurait dû être transmise aux militants à la fin de l'été, de manière à ce qu'elle puisse cheminer dans les diverses instances du parti.
Comme ses prédécesseurs, Mme Marois aura donc réussi à repousser le plus loin possible le douloureux moment où il faudra -- encore! -- redéfinir (ou escamoter) la démarche à suivre pour mener le Québec à la souveraineté. Depuis 2005, les statuts du parti prévoient que les congrès doivent être tenus tous les quatre ans, mais il y a longtemps qu'on ne s'embarrasse plus des statuts au PQ.
À l'occasion du conseil national de mars 2008, Mme Marois avait réussi à étouffer le débat sur la tenue d'un référendum en lui substituant la stratégie mi-chair mi-poisson dite de la «gouvernance nationale» dans le respect du cadre constitutionnel actuel.
À l'époque, le PQ en était encore à panser les plaies laissées par le règne aussi désastreux que bref d'André Boisclair. Éliminer l'ADQ et récupérer le statut d'opposition officielle pouvait sembler un objectif satisfaisant à court terme. Dans cette perspective, Mme Marois a choisi de «jouer fessier» en envoyant le message qu'il n'y avait aucun risque à voter pour le PQ puisqu'il ne tiendrait pas de référendum.
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Elle ne croyait sans doute pas ce qu'elle disait cet hiver quand elle a soutenu que la crise économique était particulièrement propice à la pédagogie souverainiste. En tout cas, on ne peut pas dire qu'elle ait fait beaucoup d'effort pour profiter de ce moment privilégié.
Les péquistes ont beau avoir l'habitude de passer pour des extraterrestres, il ne semble pas très indiqué de relancer le débat sur l'article 1 au moment où on s'inquiète plutôt de son emploi ou de ses épargnes. Le gouvernement Charest serait certainement ravi d'une telle diversion.
D'ailleurs, pourquoi précipiter les choses, alors que le paysage politique canadien et québécois risque de changer considérablement d'ici deux ans? Que les élections fédérales aient lieu à l'automne ou au printemps 2010, il y a de bonnes chances que Michael Ignatieff devienne le prochain premier ministre du Canada. Au printemps 2011, on devrait également être fixé sur les projets d'avenir de Jean Charest.
Tôt ou tard, il faudra pourtant que le PQ se branche. L'économie semble vouloir prendre du mieux et, aux prochaines élections, ses chances de reprendre le pouvoir seront bien réelles. Les souverainistes et la population en général seront en droit de savoir s'il entend offrir un «bon gouvernement» provincial ou mettre carrément le paquet pour faire l'indépendance.
La «gouvernance nationale» ne permet ni l'un ni l'autre. Elle garantit plutôt des années de chicanes stériles avec Ottawa qui risquent de desservir le projet souverainiste, comme elles l'ont fait après le dernier référendum. Les péquistes ont toujours prétendu avec raison que la proposition autonomiste de l'ADQ ne menait nulle part. Il faudrait être un peu cohérent.
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En août dernier, François Legault avait créé une commotion en déclarant que le PQ devrait mettre la souveraineté en veilleuse pour se concentrer sur les problèmes qui préoccupent davantage les Québécois.
Ce point de vue est parfaitement légitime. Qu'il s'agisse de santé, d'éducation, d'environnement, de développement régional ou encore de la protection de la langue française, sans parler de l'éthique gouvernementale, il y a certainement moyen d'améliorer les choses même sans disposer de tous les outils. Selon le dernier sondage CROP, seulement 37 % des Québécois sont disposés à voter OUI. Faut-il attendre une bien hypothétique victoire avant d'agir?
Le problème est que le PQ a été fondé d'abord et avant tout pour réaliser la souveraineté. On peut souhaiter qu'il se situe plus à gauche ou plus à droite, mais Marc Laviolette et Pierre Dubuc ont raison: «Sans l'échéance d'un référendum, le mouvement souverainiste risque la dispersion, le fractionnement, l'étiolement.»
Indiquer clairement qu'il interprétera une victoire électorale comme un mandat de tenir un référendum, sans nécessairement s'y engager de façon formelle, coûtera certainement des voix au PQ, mais cela vaut peut-être mieux que de perdre son âme. Mme Marois peut éloigner le calice encore un temps, mais elle devra éventuellement le boire jusqu'à la lie, comme l'ont fait ses prédécesseurs.
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mdavid@ledevoir.com


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