La scène se déroule régulièrement durant la saison de hockey au Centre Bell. Marc Joannette, Justin Saint-Pierre ou Frédérick l’Écuyer, pour ne nommer que ceux-là, s’arrêtent devant le banc des pénalités, allument leur micro et signalent en anglais à la foule majoritairement francophone une punition infligée à un joueur ou la raison d’un but refusé.
Lors du match de jeudi contre les Coyotes de l’Arizona, un journaliste américain est venu me glisser à l’oreille sa pensée sur cette situation.
«Ça fait bizarre de voir Éric Furlatt, un arbitre québécois francophone pure laine, né à Trois-Rivières, s’exprimer uniquement en anglais devant des milliers de ses compatriotes, m’a-t-il dit.
«Il pourrait le faire aussi en français par respect et par courtoisie pour les spectateurs.»
J’ajoute par respect pour lui-même.
Question de relations publiques
Personne ne conteste que l’anglais est la langue de travail dans la Ligue nationale de hockey.
L’arbitrage est la responsabilité de la ligue, mais quand les arbitres s’adressent aux spectateurs, cela relève du domaine des relations publiques.
À l’époque des Nordiques, il y avait bien des journalistes anglo-saxons qui se plaignaient que les messages livrés par l’annonceur maison n’étaient dits qu’en français. Mais les buts et les pénalités étaient annoncés dans les deux langues sur la galerie de presse.
Je ne sais pas si la LNH a fait des pressions auprès de Marcel Aubut, mais les Nordiques n’ont jamais modifié leur politique.
Pas de changement en vue
Pourquoi les neuf arbitres francophones de la Ligue nationale de hockey, qui ne sont pas tous Québécois soit dit en passant, ne pourraient-ils pas s’adresser à la clientèle du Centre Bell dans les deux langues officielles du Canada?
J’ai posé la question hier à Colin Campbell, vice-président des opérations hockey de la ligue.
Aussi bien vous le dire tout de suite, sa réponse m’a donné la nette impression que la ligue n’entend rien changer.
Campbell insiste pour dire que ce n’est pas un désaveu envers la langue française et qu’il s’agit exclusivement d’une question d’uniformité et de logistique.
«Nous voulons être uniformes dans ce que nous faisons, a-t-il expliqué.
«Que ferait-on avec les officiels qui ne parlent pas français?» a-t-il demandé.
Qu’ils procèdent en anglais seulement, c’est tout, lui ai-je répondu.
Campbell a parlé aussi d’une question de temps, prétextant que cela aurait un effet sur la durée des matchs.
Voyons donc!
À l’heure de la mondialisation
La LNH est un circuit international.
Les Québécois, bien que moins nombreux aujourd’hui, y sont depuis longtemps.
La ligue l’a finalement compris en créant un site web francophone, un geste digne de mention.
Le site est aussi disponible en langues russe, finlandaise, tchèque, slovaque et allemande, signe de ce que la LNH est devenue ces 35 dernières années.
La planète s’est transformée en grande banlieue.
Des Asiatiques jouent dans les Ligues majeures de baseball et dans la NBA où on retrouve aussi des Européens et des Africains.
Des joueurs de soccer européens et sud-américains jouent aux quatre coins du globe.
À Los Angeles, les matchs des Dodgers sont radiodiffusés en espagnol avec l’ancien grand lanceur gaucher Fernando Valenzuela au micro.
Les spectateurs d’origine mexicaine se comptent par milliers au Dodger Stadium.
Comme les Francophones dans les estrades du Centre Bell.
Où allons-nous si un arbitre francophone n’a pas le droit de communiquer publiquement avec nous dans notre propre langue?
Le Canadien pourrait faire quelque chose
Bien que l’arbitrage relève de la LNH, le Canadien pourrait faire quelque chose en ce qui a trait au sujet dont je vous entretiens aujourd’hui.
C’est du respect de sa clientèle qu’il s’agit après tout.
Geoff Molson respecte les francophones et leur parle dans leur langue.
Son chef de l’exploitation, Kevin Gilmore qui est natif d’Arvida, parle français comme vous et moi.
P.K. comprend
Les joueurs du Canadien ont accès à des cours de français.
P.K. Subban se défend bien. Comme Bob Gainey, Larry Robinson et Bobby Smith l’avaient fait dans le temps, Subban s’est adapté à la société québécoise.
Il fait son possible pour parler français et va lui-même au-devant des gens. Il est conscient du fait français.
Michel Therrien et son personnel d’adjoints sont bilingues.
Therrien parle aux arbitres francophones en français durant les matchs.
Certains soirs, on peut très bien lire sur ses lèvres des patois bien de chez nous, si vous comprenez ce que je veux dire.
Ne pas laisser tomber
Ce serait bien si David Desharnais n’était pas le seul franco dans le vestiaire.
Or, depuis que l’équipe s’est remise à gagner, on ne fait plus trop de cas de la représentativité québécoise dans l’équipe.
Comme si ça n’avait plus aucune importance.
Le Canadien gagne, c’est tout ce qui compte.
Les temps ont changé, certes, le monde est en perpétuelle évolution.
Non seulement les joueurs québécois sont peu nombreux dans la LNH, mais la situation risque de ne pas s’améliorer de sitôt.
Le confrère Mario Morissette nous apprenait cette semaine que plus de 40 pour cent des joueurs de la Ligue de hockey junior majeur du Québec sont nés hors de la province.
Au bout du compte, tous les faits évoqués ci-haut ne veulent pas dire qu’on ne doit pas préserver notre identité là où on le peut.
On a le droit d’être fiers.
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