Éducation

Enseigner, c’est semer l’avenir

Évolution quand tu nous tiens!

Tribune libre



S’il est un sujet qui a fait les manchettes au cours des dernières semaines c’est bien la longue négociation des conditions de travail des enseignantes et des enseignants avec le gouvernement, notamment la lourdeur de leurs tâches due, entre autres, à l’insertion des élèves à besoins particuliers dans les groupes réguliers.

Dans des circonstances aussi conflictuelles, il n’est donc pas surprenant que la profession a perdu toute forme d’attractivité de la part des candidats en sciences de l’Éducation et, qui plus est, d’enseignants d’expérience qui quittent la profession après 5 ans et même 10 ans d’expérience.

L’enseignement est en manque d’amour, il a perdu ses lettres de noblesse au gré des réformes en éducation qui sont venues balayer les sources qui alimentent la profession d’enseignant. Et pourtant, si on remontait en amont de la problématique et que en remettant le focus sur le rôle essentiel de l’enseignement, à savoir qu’enseigner, c’est semer l’avenir, peut-être parviendrions-nous à recréer cette attractivité pour la profession.

Les enseignants bénéficient d’un immense privilège, à savoir celui de travailler sur une matière première riche et foisonnante, des êtres humains incarnés par les élèves. Ces jeunes leur sont confiés dans le but de les faire grandir, intellectuellement, socialement et psychologiquement. De ce fait, pourquoi des rencontres entre des professeurs d’expérience et des étudiants en sciences de l’Éducation ne seraient-elles pas organisées régulièrement dans le but de remettre tout le lustre perdu sur la carrière d’enseignant. En réalité, l’enseignement a besoin d’être replacé sur les rails de l’attractivité, et ce n’est qu’en lui octroyant sa mission de «semeur d’avenir» qu’il parviendra à se hisser dans le peloton des professions recherchées.

Évolution quand tu nous tiens!

Emporté par le tsunami de la sacrosainte évolution, les jeux dehors pour les enfants ont été emportés par les jeux électroniques, les tables de mathématiques ont été substituées par les touches des calculatrices, la persévérance et l’effort par la réussite sans effort, les échanges téléphoniques par les messages électroniques, les rencontres aléatoires par les rencontres exploratoires, le personnel sympathique des institutions bancaires par les guichets automatiques.

Aujourd’hui, certains journaux troquent la version papier par la version numérique pour faire toute la place à l’évolution. Eh bien, au risque d’être traité de dinosaure, je dois humblement vous avouer que la version papier me maque déjà. Quel plaisir j’éprouvais de m’asseoir à la table de cuisine avec un bon café et de feuilleter une à une les pages de «mon» journal. Les articles des journalistes sortaient de l’imprimerie, et le camelot nous les livraient avec un beau «bonjour». Pour tout vous dire, j’aime feuilleter un journal avec mes mains. Et que dire des personnes âgées habituées depuis des décennies au journal papier et se familiariser tant bien que mal avec l’électronique?

Samedi le 30 décembre 2023 marquait la fin de l’édition papier du Soleil du samedi. Depuis des années, à tous les samedis, je me faisais un devoir de m’atteler à la résolution de la «grille des mordus», une grille de mots croisés sophistiqués qui contribuaient grandement à garder mes neurones en forme. Le 7 janvier, elle va me manquer terriblement à la manière d’une tradition qui s’est envolée, emportée par l’évolution.

L’évolution des technologies a permis à bien des secteurs de l’activité humaine de réaliser des découvertes fort utiles à la société, notamment dans le domaine médical. Or, en ce qui concerner l’arrivée de la version numérique des journaux, j’ai peine à croire qu’elle saura suppléer au plaisir que j’éprouvais à tourner les pages de mon journal avec mes doigts, une relation corps-papier exclusive, voire irremplaçable... Évolution quand tu nous tiens!


Henri Marineau, Québec


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Henri Marineau2093 articles

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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com





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1 commentaire

  • François Champoux Répondre

    11 janvier 2024

    Bonjour M. Marineau,


    Encore merci de votre réflexion.


    Le pire actuellement à mon humble avis c’est que nous avons un ministre de l’Éducation qui est complètement édenté: incapable a-t-il été d’exiger de la part des enseignants qu’ils reprennent à même de journées de non-enseignement à venir (journées pédagogiques, semaine de relâche, Pâques) la perte de temps des journées de semence d’avenir lors des journées de grève. Le tout en dilapidant plus de 300 millions de dollars en faisant croire qu’on va remettre à niveau les plus faibles. Quand ça? Quand les élèves faibles vont dire «d’accord» et à des heures en dehors des heures d’école! Les enfants faibles vont être joyeux (les parents aussi) et vont sauter au plafond, n'est-ce pas?


    Édenté notre actuel ministre de l’Éducation. Quand il sera à sa retraite celui-là, son bilan ne sera certes pas très relisant et la semence de l’avenir ne s’"élèvera" pas très haute. Y a-t-il des semeurs d’avenir qui pensent comme ça? Je ne pense pas; ç’aurait été au ministre d’y voir! Édenté et aveugle en plus! Un ministre sans leadership qui fait semblant d’en avoir.


    Quant à votre deuil du journal papier, il est très simple de le faire rapidement : vous n’avez qu’à vous rendre à la bibliothèque de votre ville et y découvrir de magnifiques livres de réflexion; je pourrais vous en suggérer des centaines et des centaines qui vont vous faire oublier très vite les publicités insipides et emmerdantes des journaux, lesquels ne sont pas plus importants pour la démocratie que n’importe quelle opinion à analyser du plus chevronné des journalistes. C’est la lecture qui est la nourriture de l’esprit, pas le plaisir de siroter un café en regardant les images. Les journaux ont connu leurs heures de gloire; c’est maintenant terminé. Quant aux livres, il semble qu’ils sont toujours des joyaux à découvrir sans pour autant tous les considérer comme tels.


    François Champoux, Trois-Rivières