Étudier en France : des nuances s’imposent

Accord France-Québec


Le consul général de France à Québec François Alabrune rappelle que ([«Les étudiants français au Québec»->12744], Le Droit, 7 avril), suite à une entente franco-québécoise de 1978, un Québécois qui étudie en France paie les mêmes droits d’inscription qu’un Français et que les Français qui étudient au Québec bénéficient des mêmes avantages. Il rajoute que les étudiants québécois sont bienvenus en France, qu’ils doivent davantage saisir cette occasion et qu’il revient à eux de saisir la balle au bond.
On peut alors se poser la question : pourquoi y a-t-il seulement un millier d’étudiants québécois en France alors qu’il y a près de 6 400 étudiants français au Québec? La réponse est sans doute parce que l’offre universitaire québécoise est plus attrayante pour un Français que l’offre universitaire française pour un Québécois.
À peu de frais
On peut penser qu’il est plus avantageux d’étudier en France qu’au Québec puisque les coûts d’inscription dans une université française sont de l’ordre de 300 $ à 400 $ alors qu’ils sont près de 1 800 $ au Québec. C’est oublier que dans les classements universitaires, notamment les classements de Shanghai et du London Times, les universités québécoises réussissent à bien se classer alors que les universités françaises figurent en queue de peloton. Sans compter que les universités françaises, contrairement aux universités québécoises, sont réputées pour leurs amphithéâtres surchargés, leurs laboratoires vétustes, leurs locaux sales, leur matériel endommagé et souvent volé, leurs salles de cours sous-équipées et leurs résidences universitaires en pleine décrépitude.
Il ne faut pas être surpris si les jeunes Français, comme les jeunes Québécois, regardent ailleurs qu’en France…
À deux vitesses
Cette piètre performance des universités françaises s’explique parce que l’enseignement supérieur français se caractérise par une dualité où il faut distinguer les universités et les grandes écoles.
Contrairement aux universités québécoises, les universités françaises ne sont pas l’élément central de la formation des élites et de la production scientifique de haut niveau. En France, les grandes écoles publiques et privées se chargent de la formation des élites.
Rien n’empêche un Québécois d’aller étudier dans une grande école française, mais la procédure servant au recrutement des grandes écoles rend difficile son admission. Contrairement aux universités, les grandes écoles sélectionnent leurs élèves par des concours de sélection. Les étapes de sélection commencent très tôt et, pour préparer ces concours, les candidats étudient deux à trois ans dans des classes préparatoires aux grandes écoles.
Entente à revoir
Un autre désavantage qu’il y a, pour un Québécois, à choisir une grande école française, c’est que, paradoxalement, ces grandes écoles sont plus souvent inconnues à l’extérieur de la France. Par exemple, l’École polytechnique est en France la plus réputée des grandes écoles, on y entre comme dans une nouvelle vie. Pourtant, si vous parlez de Polytechnique à un Québécois, il pensera d’abord à l’École polytechnique de Montréal, pas à celle de Palaiseau.
Qui plus est, le Québécois qui veut aller dans une école française réputée paiera le même prix qu’un étudiant français. Ainsi, pour faire un MBA à HEC Paris, le Québécois devra débourser 42 000 euros (plus de 66 000 $) alors qu’un Français ne paiera que 5 800 $ pour faire un MBA à HEC Montréal.
Il ne faut donc pas s’étonner que les universités québécoises soient populaires auprès des Français…
Cette entente de réciprocité qui lie la France et le Québec, même si elle est fondée sur de bonnes intentions, est à revoir. Il est loin d’être évident que le Québec et les étudiants québécois soient autant avantagés par cette entente que la France et les étudiants français.
Philippe Bernier Arcand
Doctorant en sociologie,

Université du Québec à Montréal


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