Élections fédérales

Les oranges bleues

2 mai 2011 - Que s'est-il donc passé?

La vague néodémocrate au Québec en a surpris plus d'un. Cette vague orange a réussi à anéantir le Bloc québécois. Sur la carte électorale, le bleu a cédé sa place à l'orange.
Il serait réducteur et simpliste de réduire le programme du NPD à un ressentiment envers l'establishment et les «vieux partis». Il ne faut pas nier que plusieurs électeurs ont voté pour le NPD pour son programme de gauche. Cependant, est-ce vraiment ce qui a motivé la majorité des électeurs québécois à voter pour le NPD?
Le NPD a réussi à passer du statut de petit parti plus que marginal au Québec à celui d'opposition officielle du Canada après un raz-de-marée québécois, et ce, malgré une équipe de candidats qui n'avaient pas le profil auquel on s'attendait de la part de députés. Les électeurs du NPD — du moins, pour une partie d'entre eux — se sentaient non représentés par les «vieux partis». Le vote pour le NPD avait des allures de vote protestataire. Étant donné l'amateurisme des candidats qui se sont présentés, et dont plusieurs sont devenus députés — bien souvent à la surprise des principaux intéressés —, on ne peut faire autrement que de voir un vote antisystème, une critique de l'establishment, bref un signe de malaise évident par rapport aux élites.
Il s'agit d'une tendance préoccupante qui consiste à accorder sa préférence aux figures apolitiques. Une tendance qui renvoie à une caractéristique problématique de plusieurs démocraties occidentales: le rejet des partis politiques, quand ce n'est pas le rejet des politiciens dits «traditionnels».
La structure de la société s'est fragilisée. Il n'y a plus comme autrefois de groupes sociaux qui permettaient à des organisations de se bâtir dans la durée. Désormais, les citoyens sont socialement sans attache. Ils ne se reconnaissent plus dans les partis politiques et réagissent en fonction de leur humeur du moment en se basant sur leurs sentiments ou même leurs ressentiments.
Les souverainistes doublés sur leur gauche
Le Parti conservateur n'a pas cessé de reprocher au Bloc québécois d'être à la solde des «gauchistes du Plateau» et de ne pas se soucier des Québécois en région. À force de se faire reprocher d'être à gauche, les souverainistes ont tout fait pour l'atténuer.
En fait, c'est tout le mouvement souverainiste, le Parti québécois en tête, qui tranquillement mais sûrement glisse sur l'échiquier politique vers la droite populiste. Depuis 2007, le Parti québécois a réussi à déclasser l'Action démocratique du Québec en misant sur un nationalisme identitaire. En 2010, il se débarrassait de son aile syndicaliste, le SPQ Libre. Lors de son dernier congrès en 2011, on a parlé de la radicalisation du Parti québécois. Le Bloc québécois s'est fait discret, lors des dernières élections, sur les «valeurs québécoises», plutôt de gauche ou social-démocrate, qu'il se targuait de défendre.
En 1962, dans son fameux texte La Nouvelle Trahison des clercs, Pierre Elliott Trudeau écrivait: «Or je découvre que plusieurs personnes parmi celles qui pensaient comme moi sont devenues aujourd'hui séparatisantes. Parce que leur pensée sociale est à gauche, parce qu'elles militent pour l'école laïque, parce qu'elles font du syndicalisme, parce que leur culture est ouverte, elles pensent que leur nationalisme s'inscrit dans le sens du progrès.» Est-ce encore le cas du mouvement souverainiste aujourd'hui?
Le Bloc québécois a subi une écrasante défaite non pas par la droite, dont il tentait de se rapprocher, mais par la gauche. Il est logique de croire qu'une situation semblable puisse se produire à l'Assemblée nationale.
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Philippe Bernier Arcand - Administrateur agréé et étudiant à l'École nationale d'administration (ENA) à Strasbourg


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