EXCLUSIF. Communautarisme : la feuille de route du gouvernement

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Les clubs de sport n'empêcheront pas le déploiement de l'islamisme...

C'est un document confidentiel de 31 pages, daté de janvier, dont Le Point a obtenu un exemplaire. Un document interne au gouvernement, piloté par Matignon et qui rassemble les contributions des différents cabinets ministériels en vue d'accentuer la lutte contre le communautarisme, et plus précisément, c'est son titre, d'échafauder une « stratégie de lutte contre l'islamisme et contre les atteintes aux principes républicains ». C'est le plan de travail qu'Emmanuel Macron a sur sa table, pour décider des mesures à mettre en œuvre sur des préoccupations majeures pour les Français et l'avenir du pays. Sur ce sujet explosif, charriant criminalité, peurs et fantasmes, le président de la République a voulu se donner le temps pour consulter et réfléchir, avant de passer à l'action. Une séquence qui commencera par un déplacement mardi 18 février, vraisemblablement à Mulhouse, sur la question du financement des mosquées.


Ce document est un rapport de travail qui ne constitue donc pas le projet et qui, jusqu'à la dernière minute, est susceptible d'évoluer – l'annonce du plan qui devait avoir lieu il y a quelques jours a été reportée, Emmanuel Macron souhaitant aller plus loin sur certains points, selon nos informations. Mais il donne les grands axes et les principales mesures au fondement de la politique gouvernementale. Porté par le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), c'est un rapport riche, qui se déploie dans tous les domaines, engage la plupart des ministères régaliens, propose un catalogue de mesures à la fois hautement symboliques et très pragmatiques, renforce les dispositifs répressifs, affermit un contrôle serré des influences étrangères mais mise aussi, et fortement, sur l'éducation, la culture et, point majeur évidemment, la promotion de la laïcité. Sans déboucher sur une loi spécifique, il permettra – à le lire – des aménagements législatifs dans plusieurs domaines et surtout sert déjà de feuille de route pour les différentes administrations.




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Un état des lieux alarmant


Au départ, les auteurs ciblent « des groupes d'inspiration religieuse rigoriste, prosélyte, porteurs pour certains d'un projet politique de sécession » à l'œuvre dans certains quartiers déjà soumis à des facteurs de fragilité (pauvreté, délinquance). À partir des diagnostics des préfets dans le cadre des « plans de lutte contre la radicalisation » mis en place dans 15 quartiers, ils soulignent : « la présence de lieux de culte représentant une mouvance islamiste ; le développement, par ces mêmes groupes religieux, d'une offre associative dans les champs para-éducatif, scolaire, sportif qui tend à devenir dominante dans certains quartiers et à faire émerger un écosystème parallèle ; une emprise qui s'étend également aux commerces de proximité ».


Ils notent la forte hausse, à l'échelle nationale, du nombre d'élèves du 1er degré scolarisés dans des écoles hors contrat – 46 000 en 2018, soit 17 % de plus par rapport à 2017. Précision : « Si l'on se concentre sur les établissements à caractère confessionnel musulmans, la hausse est même de 60 % entre 2016 et 2018, selon des chiffres du ministère de l'Éducation nationale. » Plus préoccupant encore, « le nombre d'enfants "instruits en famille" s'élevait à 30 139 au cours de l'année scolaire 2016-2017, soit 21 000 de plus que lors de la dernière enquête, qui concernait l'année scolaire 2014-2015. Plus des trois quarts de l'augmentation se fait en dehors d'une inscription réglementée au Cned ». À cela s'ajoute, le phénomène des listes communautaires pour les élections, qui témoignent que « ces tendances centrifuges/sécessionnistes commencent à trouver une traduction politique ».





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4 axes et 25 actions


Face à cet « état des lieux » alarmant, le document de travail du gouvernement propose 25 actions, réparties autour de 4 axes.



  • L'axe 1 répond à une « stratégie d'entrave » face à la montée de l'islamisme. On renforce les instruments de « diagnostic de l'islamisme et du repli communautaire », on mise sur l'éducation, la culture, le sport, on accentue la mobilisation des autorités – préfets, procureurs, acteurs de la santé, de l'éducation… Plus original, la création de cellules départementales de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire (Clir), présidées par les préfets. Objectif : « intensifier les efforts visant à identifier le réseau social, cultuel, économique, associatif et culturel des personnes suivies au titre de la radicalisation à caractère terroriste ». Il s'agit aussi d'« associer davantage les élus dans le travail de la détection des comportements de rupture avec les valeurs républicaines dans tous les territoires (les revendications sur les horaires réservés aux femmes dans les piscines, ces espaces publics où la mixité n'est plus possible, les services communautaires qui cherchent à se substituer à la République, et les déscolarisations d'enfants auxquelles on assiste dans trop d'écoles) ». 



    Autre action spécifique : le renforcement des contrôles dans le monde du sport, en application de la circulaire du 8 novembre 2018, signée conjointement par les ministres de l'Intérieur et des Sports. Spécifiquement, sont visées les structures de sports de combat (arts martiaux, luttes et boxes), les salles de musculation/remise en forme, les stands de tir, paintball… Surtout, le plan met l'accent sur la nécessité d'« agir sur les atteintes aux symboles républicains ». « Il est envisagé, indique le document, d'introduire dans le droit des étrangers une "réserve générale" empêchant la délivrance de tout titre de séjour à une personne en état de polygamie. » On ne met pas l'accent sur une interdiction légale des certificats de virginité, mais on rappelle que le Conseil national de l'Ordre des médecins considère que de tels certificats « constituent une violation du respect de la personnalité et de l'intimité ». Le document relève aussi qu'en matière de droits des successions « ont été constatées des pratiques discriminatoires inspirées du droit musulman et conduisant à faire varier la part dévolue aux héritiers réservataires selon le sexe de ceux-ci, au préjudice des femmes », envisageant une modification de la loi sur ce point.


« L'emprise islamiste »



  • L'axe 2 de cette politique vise à « promouvoir une stratégie d'offres alternatives et des mesures d'accompagnement coordonnées en faveur des quartiers les plus atteints par l'emprise islamiste ». L'un des points consiste à déployer des Maisons France Services dans des quartiers prioritaires afin de « réinvestir le terrain et réincarner le service public républicain ». En matière d'éducation, on développe « une offre scolaire renouvelée et de soutien périscolaire fiable » en renforçant sur les territoires « soumis à l'emprise communautaire » les dispositifs déjà pris – dédoublement des classes, développement des stages de troisième, amplification de la mesure « devoirs faits »… Originalité : 80 « cités éducatives » pour « refaire système autour de la réussite éducative » (agir le plus tôt possible avec les parents, développer l'esprit critique des adolescents, former à la laïcité et à l'égalité entre les sexes…)



    Autres actions : développer des offres fiables dans le domaine du sport, renforcer le soutien aux associations républicaines, prévoir des conditions plus strictes pour les soutiens financiers… Pour la fin de l'année 2020, est aussi proposée, sous la houlette du ministère de la Cohésion des territoires, l'implantation de « cités de l'emploi ». Tout comme des dispositifs destinés à favoriser la mixité sociale et économique, la rénovation urbaine, l'installation de commerces de proximité ou encore (sic) « le "turn-over" dans les quartiers les plus difficiles ». Cet axe 2, évidemment, met aussi l'accent sur la lutte contre les discriminations puisque, constate justement le rapport, « la logique identitaire se nourrit des discriminations ».


Réformes de fond



  • L'axe 3, intitulé « fixer les règles en vue des élections municipales », tient en une page et vise simplement à « renforcer le contrôle de légalité des actes des collectivités ».

     

  • L'axe 4 est celui qui, évidemment, exige le plus de doigté politique et de réformes de fond, puisqu'il s'agit de « protéger l'islam contre l'islamisme ». Il s'agit, d'une part, de renforcer la laïcité sur le plan juridique autour d'un projet de loi reposant sur les éléments suivants : l'assurance de la transparence du financement et de l'organisation des cultes, la garantie du respect de l'ordre public, et autre point important, la consolidation de la gouvernance des associations cultuelles. D'autre part, il s'agit aussi d'organiser l'islam de France, vieux serpent de mer que cherchent à appréhender nos gouvernants depuis… les années 1980. Les mesures ? Mettre fin au « système des imams détachés », en provenance du Maroc, de la Turquie, de l'Algérie – des négociations diplomatiques sont en cours avec ces pays. Former des imams français en développant des « cursus d'islamologie » dans les universités, les projets d'écoles d'aumôneries (militaires et hospitalières)… Dernière piste, sur laquelle le document revient en détail : « favoriser une meilleure structuration du culte musulman par le levier de son financement ». Parmi six points, dont évidemment le contrôle des « structures de gestion de l'économie de l'islam » et du financement étranger, le rapport propose même « un système de régulation du pèlerinage, susceptible de procurer des recettes au culte musulman et d'assainir le secteur commercial ».


Frapper le communautarisme à ses racines, c'est évidemment une bonne manière de prendre le problème à la base et d'éviter qu'il s'enkyste. Si ce n'est déjà, malheureusement, le cas dans certains quartiers. Dans un contexte national et international de fortes tensions, l'urgence à agir devient pressante, et depuis longtemps…