MONTRÉAL | Le bilan économique du gouvernement conservateur, présenté comme une force par le premier ministre Stephen Harper, pourrait venir hanter le Canada à long terme, croient des experts.
Alors que l’économie canadienne montrait des signes de robustesse jusqu’en novembre, elle devrait être techniquement en récession à partir du mois prochain.
La situation est exacerbée par la baisse de plus de 50 % du prix du pétrole depuis septembre, qui affecte l’économie albertaine et le développement des sables bitumineux au cœur de la stratégie économique conservatrice.
La baisse du prix des ressources échappe bien sûr au contrôle d’Ottawa. Mais des experts avancent toutefois que les politiques conservatrices ont aggravé la situation actuelle et planté les graines de problèmes économiques structurels dans l’avenir.
«Les conservateurs ont tout misé sur le pétrole et les ressources. Ils n’ont pas élaboré de politique industrielle pour aider le secteur manufacturier» – Jean-Michel Cousineau, professeur titulaire d’économie, Université de Montréal
«Les conservateurs ont tout misé sur le pétrole et les ressources. Ils n’ont pas élaboré de politique industrielle pour aider le secteur manufacturier», soutient Jean-Michel Cousineau, professeur titulaire d’économie à l’Université de Montréal.
L’économiste souligne que même si le dollar canadien a baissé, un rebond des exportations canadiennes se fait attendre. «C’est le signe que notre secteur manufacturier n’est plus compétitif. On a mis tous nos œufs dans le même panier et le panier est percé», déplore-t-il.
Pas de coussin
Les propos de M. Cousineau font écho à ceux de Jean-Pierre Aubry, économiste et fellow associé au CIRANO. Dans un texte publié sur le site de l’Association des économistes québécois, M. Aubry signale que les conservateurs se sont délibérément privés de tout coussin budgétaire en multipliant les cadeaux fiscaux à l’électorat. «Ils sont allés un peu fort (avec les allégements fiscaux) et il est possible qu’on se retrouve en déficit», dit-il.
Selon l’économiste Jean-Denis Garon, professeur à l’UQAM, outre l’accent mis sur le développement des ressources naturelles, l’œuvre conservatrice apparaît dans la réduction de la taille de l’État.
À son avis, la stratégie de Harper a été de promettre des baisses d’impôt, qui ont ensuite rendu nécessaires des coupes pour équilibrer le budget.
«Il y a une stratégie claire pour réduire la taille de l’État. ‘‘Starve the beast’’, comme on dit en anglais», dit-il.
D’après lui, les conservateurs ont lié les mains de leurs adversaires qui pourraient prendre le pouvoir en les privant de ressources budgétaires importantes. «Un futur gouvernement aura une marge de manœuvre économique extrêmement limitée», dit-il.
M. Garon dit aussi que l’abandon décidé en 2010 du questionnaire long lié au recensement de Statistique Canada est une mesure clé du bilan conservateur qui risque d’empêcher les décideurs d’élaborer des politiques économiques basées sur des faits et non sur une simple idéologie. «C’est majeur comme et presque personne n’en parle. C’est très grave», dit-il.
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