Par Francis Higgins
Le candidat à la direction du Parti libéral du Canada Michael Ignatieff reproche aux souverainistes d'avoir gaspillé du temps avec l'indépendance. " J'ai vraiment la conviction viscérale que le Canada et le Québec ont perdu 30 ans avec cette querelle ", a-t-il déclaré au SOLEIL, hier.
De passage à Québec dans le cadre de sa campagne, le député fédéral de la circonscription d'Etobicoke-Lakeshore, en Ontario, estime que la souveraineté ne répond plus aux défis modernes.
" D'après Michel Tremblay et Robert Lepage, elle se porte assez mal ! J'ai l'impression qu'elle n'a rien à dire aux vrais enjeux de la société québécoise ", dit le politicien élu pour la première fois le 23 janvier. " Au lieu de continuer cette chicane de famille, il faut travailler ensemble à des défis communs d'environnement et de compétitivité. Nous pourrons régler les problèmes beaucoup mieux qu'en passant encore 10 ou 20 ans avec cette querelle désuète. "
Il se dit même prêt à revoir la place du Québec dans la Constitution canadienne, mais rien ne presse. " Je ne suis pas contre l'idée d'ouvrir la boîte constitutionnelle, mais pour les Canadiens et les Québécois c'est un peu comme revenir en arrière. On a maintes autres choses à faire ensemble. Après, s'il y a une bonne entente, on peut le faire. "
Ce journaliste, auteur et professeur d'université a lancé son opération de charme dans la capitale, hier. C'est ici qu'il a décidé de faire ses premiers pas québécois depuis sa mise en candidature. L'élection de députés conservateurs dans la région y est pour quelque chose.
" Je suis ici pour apprendre quelles sont les possibilités de battre M. Harper sur son terrain adoptif temporaire. Il faut rebâtir le parti ici. Les valeurs des libéraux sont beaucoup plus près du sens commun des Québécois que celles des conservateurs. "
Dans sa course à la direction, M. Ignatieff affronte Stéphane Dion, l'ex-ministre de l'Éducation de l'Ontario Gerard Kennedy et Martha Hall Findlay, les seuls candidats déclarés jusqu'à maintenant. D'autres pourraient joindre les rangs sous peu, comme l'ex-premier ministre ontarien Bob Rae.
L'usure du pouvoir
Tel un chanteur qui sillonne les petites salles de spectacle pour lancer sa carrière, l'érudit de 58 ans saisit toutes les chances de diffuser son message. Il veut reprendre contact avec les électeurs que son parti a oubliés, de son propre aveu.
" L'usure du pouvoir, c'est le fait qu'on avait la gestion du pays et qu'on a négligé la gestion du parti. La course à la direction est la meilleure façon de nous renouveler. "
Ignatieff estime que les libéraux ont traversé leur purgatoire et méritent leur chance de reprendre le pouvoir. " C'était nécessaire de nous punir deux fois, mais pas une troisième. Nous avons appris ", dit-il.
" Je n'ai pas peur, moi "
Fils d'un diplomate, petit-fils d'un ministre d'un tsar de Russie, ce citoyen du monde a confiance en ses moyens. Il a enseigné dans plusieurs universités au Canada et à l'étranger. Il a publié une quinzaine d'essais et de romans. Il est membre du Parti libéral depuis l'âge de 17 ans. Il a participé à l'élection de Pierre Elliott Trudeau en 1968. Il se dit étranger aux " guerres de tribus " au sein du PLC et n'a rien à voir avec le scandale des commandites. Surtout, il se dit libre. " Je n'ai pas peur, moi. Je n'ai pas peur de parler, de dire ce que je pense et de prendre les conséquences. "
Malgré sa relative jeunesse dans l'arène politique, Michael Ignatieff possède déjà l'assurance d'un vieux routier. Malgré tout, une question l'a fait hésiter hier : celle sur le bilan du premier ministre Jean Charest.
" Il fait un travail sérieux de redressement, dit-il après quelques secondes de réflexion, sourire en coin. Je ne veux pas trop intervenir dans la politique provinciale. Mais M. Charest a des décisions difficiles à prendre et je respecte ça. "
FHiggins@lesoleil.com
Ignatieff veut en finir avec la souveraineté
En campagne à Québec, il invoque Tremblay et Lepage
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