Le conflit au Moyen-Orient est en voie de s’inviter dans la course au leadership du Parti vert du Canada. Certains candidats voudraient que la formation cautionne plus ouvertement les campagnes de boycottage de l’État juif tandis que le meneur supputé de la course, David Merner, craint que cet enjeu ne divise inutilement les militants.
En 2016, la cheffe Elizabeth May avait failli démissionner de son poste après que les militants en congrès eurent voté une résolution favorable aux campagnes BDS qu’elle n’approuvait pas. Les campagnes BDS (pour Boycott, désinvestissement et sanctions) ont pour objectif de nuire économiquement à Israël afin de le forcer à se retirer des territoires palestiniens occupés illégalement.
À la suite d’une rencontre extraordinaire convoquée plus tard dans l’année, Mme May avait clamé que la position pro-BDS avait été abrogée.
Position du parti
Or, voilà que deux candidats à la chefferie veulent ramener le BDS à l’avant-scène. Alex Tyrrell écrit dans son programme de campagne qu’« il y a eu des pressions pour fermer les yeux sur le meurtre d’enfants palestiniens innocents dans la bande de Gaza ».
Pour sa part, le militant et ex-candidat Dimitri Lascaris estime que la position du Parti vert n’a pas à changer. Elle a seulement besoin d’être défendue. Il fait remarquer que le programme du Parti vert appuie encore « les mesures non violentes […] telles que les sanctions gouvernementales, le boycottage de produits de consommation, le désinvestissement institutionnel ».
« On ne voit plus les trois lettres B, D et S, mais, en substance, le BDS est encore là », estime M. Lascaris. À son avis, le problème est que « Mme May n’a pas défendu cette résolution », ce à quoi il remédierait s’il devenait chef. « À mon avis, ça rendrait notre parti plus populaire ! » Cet avocat, longtemps spécialisé dans les actions collectives, confirmera à la mi-février s’il se lance ou non dans la course.
De son côté, David Merner invite ses adversaires à ne pas s’aventurer dans cette voie. « Le BDS est une question qui divise beaucoup au Parti vert, et il sera intéressant de voir si Alex ou d’autres candidats tentent d’utiliser cet enjeu comme les vieux politiciens pour diviser et régner dans la course au leadership, dit-il en entrevue avec Le Devoir. Moi, je préconiserai une approche équilibrée. »
Si ses adversaires vont de l’avant, M. Merner prédit que cette question israélienne « sera un très bon enjeu pour moi ». « La vaste majorité de notre parti pense comme moi. Les militants ne sont pas une bande d’extrémistes. Les gens veulent qu’on se concentre sur l’essentiel et qu’on ne se laisse pas distraire par le conflit au Moyen-Orient, l’avortement ou encore le séparatisme au Québec. »
Deux tendances lourdes
M. Merner est réputé être le meneur de la course — encore embryonnaire — à la chefferie du Parti vert. Cet avocat de Colombie-Britannique a milité pendant 34 ans… au Parti libéral du Canada. Il a claqué la porte quand Justin Trudeau a acheté le pipeline Trans Mountain.
De manière générale, l’enjeu du Moyen-Orient met en lumière les deux tendances lourdes se dessinant dans la course au Parti vert : d’un côté, les candidats comme M. Tyrrell et M. Lascaris, désireux de camper la formation résolument à gauche en se disant « écosocialistes », et de l’autre, ceux comme M. Merner voulant faire du parti une « grande tente verte » capable de fédérer des électeurs de partout.
David Merner reproche d’ailleurs à Alex Tyrrell d’être « idéologique ».
« On ne va pas grandir si on s’isole comme Alex Tyrrell planifie de le faire comme écosocialiste. Je vois cela comme une stratégie perdante. […] Les conservateurs qui veulent conserver l’environnement et les libéraux comme moi qui veulent un gouvernement qui “livre” seraient très déçus si le Parti vert faisait un grand virage vers la gauche. »