Toujours surprenant de voir ces dinosaures sortir régulièrement de leur retraite, un jour pour se distancier de la mobilisation étudiante de 2012 ou celle de 2015, ou pour se lancer au jeu de coulisses visant la déstabilisation des chefs politiques (des chefs au féminin, en fait), en passant par l’exposé de leur choix à la mairie de Montréal. Toujours une coche à côté.
Martine Ouellet subit une pression comme rarement on en a fait subir à un(e) dirigeant(e) politique. Médiatique de surcroît, entre autres avec ses commentateurs patentés qui n’hésitent pas une seconde à s’attaquer à sa personnalité fabriquée. Ce n’est plus le courant politique qu’elle représente qui est questionné, ce sont les traits de caractère qu’on lui prête qui sont attaqués, dépeignant une affreuse sorcière, méchante, acariâtre. Est-ce qu’on a dit d’elle qu’elle était «folle»? Dans le genre, on l’a dit.
Vous voulez parler de sa personnalité? Parlons-en de sa personnalité! J’ai côtoyé Martine Ouellet lors de la course à la chefferie du Parti québécois en 2014-2015, moi comme candidat réfractaire, elle comme candidate à la foi indépendantiste inébranlable. Je peux vous assurer d’une chose : il y a plus de RIN dans son ADN que de fibres de polichinelle1, de celles qui habitent nombre de ses détracteurs déchaînés. Bien sûr, elle est dure. Avec mon équipe, lors de cette course à la direction, nous avons même dû «défoncer» les portes de son assemblée de circonscription pour y faire signer mon bulletin de candidature. Pas facile de traiter avec Martine.
Vous voulez parler de sa personnalité? C’est une spartiate, Martine Ouellet, elle mange peu! Mais elle est franche, et sa détermination est trempée dans l’acier. C’est une guerrière, comme nombre de ses détracteurs ne seront jamais. Une guerrière probablement blessée en ce moment, comme l’est à n’en pas douter son entourage, ses proches, sa famille. J’ai honte pour vous, détracteurs déchaînés, incapables de faire le débat réel qui devrait animer votre critique, c’est-à-dire se demander où en est le mouvement souverainiste en 2018. Le Bloc à Ottawa, «qu’ossa donne?». On pourrait parler du Parti québécois aussi, mais bon, ça va...
Je ne suis pas un partisan de Martine Ouellet. Je ne me reconnais pas dans cette façon de promouvoir l’indépendance du Québec : cette quête presque religieuse, comme un signe des temps, celui d’une lente érosion. En même temps, force est de constater qu’elle ne représente pas ce courant identitaire décomplexé et réactionnaire, si malheureusement omniprésent au sein du mouvement souverainiste. Il y a une volonté républicaine indépendantiste affirmée chez elle et chez ses partisans. En Catalogne, on ne rougirait pas de ses prises de position, ni de ses mots, ni des expressions qu’elle emploie. Ici, le seul fait de parler de «mobilisation populaire» dans le camp souverainiste nous marginalise aux franges extrémistes.
Je tiens aussi à dire que je connais quelques-uns des sept députés démissionnaires, et que j’ai beaucoup d’amitié et de respect pour eux. Je n’écris pas pour les attaquer ni les critiquer. Non. Je veux m’en prendre ici à la méchanceté pure qui anime trop de ses détracteurs. Devant tant de médisance, ce sont ces mots, ceux d’un poète, qui m’habitent : «La marée je l’ai dans le cœur qui me remonte comme un signe2».
Je ne soutiens pas Martine Ouellet. Mais je lui rends hommage, hommage à son courage, hommage à sa détermination, hommage à la femme et à la militante qu’elle est.
1 Selon le Larousse : «Homme ridicule par sa facilité à changer d’opinions au gré des circonstances ou de l’influence de quelqu’un.»
2 Léo Ferré, La mémoire et la mer
Pierre Céré, auteur de Une gauche possible et de Coup de barre