Le suspense tire à sa fin. Dans quelques heures, quelques jours tout au plus, le sort en sera jeté: nous serons en campagne électorale. Ces élections, que les Canadiens ne désirent pas a priori, les forceront néanmoins à faire un choix entre des visions nettement opposées. Voudra-t-on, selon l'image utilisée hier par Michael Ignatieff, ouvrir la porte bleue ou la porte rouge? On optera alors pour des priorités et un mode de gouvernance qui vaudront pour de nombreuses années.
Les événements qui se déroulent à la Chambre des communes depuis mardi ont été soigneusement scénarisés par Stephen Harper qui souhaitait, quoi qu'il dise aujourd'hui et dira tout au long de la campagne électorale, être poussé vers des élections. Le budget Flaherty de mardi a été rédigé de telle sorte que l'opposition soit conduite à défaire le gouvernement afin de pouvoir la tenir responsable du déclenchement d'une élection inutile et de pouvoir lui reprocher de priver les Canadiens de tous les bienfaits que le gouvernement était disposé à leur accorder.
Dans ce budget se trouve toute la trame de la campagne conservatrice consistant à séduire un électorat découpé en une série de groupes cibles par des mesures conçues spécifiquement pour chacun. En exergue de son discours, Jim Flaherty aurait pu mettre le «Je vous ai apporté des bonbons parce que les fleurs c'est périssable...» de Jacques Brel. Des bonbons, c'est concret et, comme ce n'est pas cher, on peut en donner à tout le monde: aux personnes âgées, aux pompiers volontaires, aux parents pour des activités culturelles, aux anciens combattants, aux étudiants en médecine, aux détenteurs d'armes à feu. Personne n'a été oublié, si ce n'est le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, qui devra patienter avant d'avoir ses 2,2 milliards pour l'harmonisation de la TPS et de la TVQ. Peut-être l'aura-t-il durant la campagne si le gouvernement Charest ne vient pas faire les trouble-fête.
La stratégie des conservateurs est transparente. Cette élection, ils la feront groupe cible par groupe cible, circonscription par circonscription, comme le laissait deviner leur dernière campagne de publicité. Leur espoir, atteindre le chiffre magique de 155 circonscriptions qui leur donnera la majorité qui leur a échappé ces deux dernières élections. Pour gagner les 12 circonscriptions qui leur manquent aujourd'hui, le discours sera très terre-à-terre, centré sur des intérêts particuliers. Ils feront tout pour s'éloigner des grands enjeux que veulent soulever les partis d'opposition, tout particulièrement les questions d'éthique et de gouvernance, qui sont leur talon d'Achille.
C'est justement sur ces questions que le Parti libéral, le Bloc québécois et le NPD veulent que s'amorce la campagne électorale, plutôt que sur le budget. L'atout dont ils disposent est cette motion de censure qui demain sera débattue, et certainement votée, pour outrage au Parlement. Par celle-ci, ils auront l'occasion de mettre en cause les valeurs démocratiques du gouvernement Harper, son autoritarisme et son mode de gouvernance. Leur message est simple et limpide: il y a des principes qu'on ne peut et ne doit pas brader. Il y a là certes des enjeux de grande importance, mais toujours difficiles à soutenir dans un débat électoral de cinq semaines. L'appétit des électeurs pour des questions de principe est toujours moins grand que pour des mesures bonbons bien enrobées, même si ceux-ci savent intuitivement qu'elles auront perdu leur saveur dans quelques mois. C'est ce sur quoi compte Stephen Harper.
Élections fédérales
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