Je vous entends parler de liberté

Après plus de cent ans à tergiverser, il reste deux possibilités : on s’assimile ou on se décide de faire le pays du Québec. Toute autre position me semble une perte de temps.

1759 - Commémoration de la Conquête - 12 et 13 septembre 2009



Le moulin a roulé pendant vingt-quatre heures. Étant incapable de me
rendre à Québec pour voir de visu l’activité politico-historique, j’ai
suivi le tout sur mon écran d’ordinateur. Avec courage et détermination. La
journée a été longue. Mon goût pour me rendre jusqu’à la fin l’a emporté
sur mon envie d’aller dormir…
Deux constats : c’est le Manifeste du FLQ qui a le plus été applaudi par
la foule. C’est Bernard Landry, ancien chef du gouvernement, et non
Pauline, qui a réussi à soulever le plus l’enthousiasme de la foule.
Deux remarques. Comment expliquer que la question référendaire de 1995 n’a
pas été lue au complet et pourquoi ce silence quasi concerté autour de
l’ancien Premier ministre Jacques Parizeau? Parce que la question du
référendum de 1995 ressemblait trop à la question de Bruxelles de Robert
Bourassa? Et pourtant, c’était bel et bien la même chose. N’est-ce pas,
Monsieur Landry?
Autre chose. Comment expliquer la coupure historique (ça, c’est de
l’histoire) entre Jean Lesage (deuxième mandat) et Bourassa (premier
mandat) et ce grand silence sur l’avant dernier chef de l’Union nationale?
Daniel Johnson méritait tout un coup d’encensoir, une mention spéciale pour
son ouvrage Égalité ou indépendance? Beaucoup plus à point encore
aujourd’hui que le discours larvé des péquisto-confédéralistes à la sauce
Pauline Marois ! Il y a de l’inspiration dans ce petit volume pour des
générations à venir. Il n’a qu’un défaut : il n’a pas été écrit par un
péquiste notoire.
Il va sans dire que le rappel du discours d’Honoré Mercier, ancien Premier
ministre (libéral) du Québec, prononcé le 4 avril 1893, m’a ravi au plus
haut point. Il donna à ce moment-là une superbe leçon d’histoire devant
6000 personnes réunies au Parc Sohmer à Montréal. Il partagea avec la foule
sa vision prémonitoire de l'avenir du Canada. Les Québécois devraient avoir
ce texte affiché sur la porte de leur frigidaire:
«Quand je dis que nous ne
devons rien à l'Angleterre, je parle au point de vue politique car je suis
convaincu, et je mourrai avec cette conviction, que l'union du Haut et du
Bas Canada ainsi que la Confédération nous ont été imposées dans un but
hostile à l'élément français et avec l'espérance de le faire disparaître
dans un avenir plus ou moins éloigné. J'ai voulu vous démontrer ce que
pouvait être notre patrie. J'ai fait mon possible pour vous ouvrir de
nouveaux horizons et, en vous les faisant entrevoir, pousser vos cœurs vers
la réalisation de nos destinées nationales. Vous avez la dépendance
coloniale, je vous offre l'indépendance; vous avez la gêne et la misère, je
vous offre la fortune et la prospérité; vous n'êtes qu'une colonie ignorée
du monde entier, je vous offre de devenir un grand peuple, respecté et
reconnu parmi les nations libres.»

Incroyable! Notre chère Pauline nationale est toujours incapable de
prononcer ces paroles historiques dites par un Premier ministre LIBÉRAL. Si
le peuple avait suivi, historiquement, les libéraux auraient fait
l’indépendance du Québec en 1894, soit 17 ans après l’entrée forcée du
Québec dans la chose qu’on continue d’appeler LA CONFÉDÉRATION. Le peuple
n’a pas suivi Honoré Mercier.
Les libéraux ont manqué une autre chance de faire l’indépendance du
Québec, lors de l’échec de Meech, en 1990. Cela faisait drôle, dois-je vous
dire, de voir et d’entendre Gilles Duceppe, l’indépendantiste (?), chef du
Bloc québécois à Ottawa, au petit matin du dimanche 13 septembre 2009,
reprendre les mots de l’ancien Premier ministre (Libéral) Robert Bourassa,
prononcés en soirée, le 22 juin 1990, à l’Assemblée nationale du Québec :
«Le Canada anglais doit comprendre de façon très claire que, quoi qu'on
dise et quoi qu'on fasse, le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une
société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son
développement».
Les sondages confirmaient à l’époque que si Robert Bourassa avait posé la
question référendaire de 1980, le OUI l’aurait emporté avec 67 % des votes
et une question portant directement sur l’indépendance, le Québec aurait
voté OUI à plus de 55 %. Les péquistes de l’époque, - oh ! que je m’en
souviens - s’étaient moqué de Bourassa au lieu de s’unir à lui et le
soutenir, dans ces moments difficiles. Ils ont préféré, à ce moment-là, -
et comme ils font toujours - de faire de la petite politique à la petite
semaine, espérant reprendre le pouvoir et réaliser l’irréalisable.
Alors, dites-moi, pourquoi, en deux occasions, le Parti libéral du Québec
au pouvoir (première fois sous Honoré Mercier en 1893 et l’autre fois, près
de cent ans plus tard, avec Robert Bourassa) le peuple n’a pas suivi ses
leaders et pourquoi ceux-ci ont été incapables de réaliser le grand rêve
toujours en friche ? Et dites-moi, pourquoi, en deux occasions, le Parti
québécois, étant au pouvoir, le peuple lui a refusé de s’en aller dans la
direction de l’indépendance nationale ?
La réponse, selon moi, est fort simple. Les leaders ont senti que le
peuple n’est jamais près à faire quelques sacrifices pour réaliser la
maison québécoise, entièrement libre de ses choix. Les leaders sont
incapables de vérifier si la générosité, la grandeur d’âme est suffisamment
ancrée dans les murs pour édifier la citadelle de la liberté. Entre la
liberté et le fric, ils sentent que le peuple aime mieux le confort, la
sécurité et surtout l’indifférence concertée.
Après plus de cent ans à tergiverser, il reste deux possibilités : on
s’assimile ou on se décide de faire le pays du Québec. Toute autre position
me semble une perte de temps. Comme c’est l’économie qui semble compter
plus que le choix de vivre au grand air la totale liberté, comme il semble
que le peuple ne se sente pas capable d’assumer (totalement) son destin et
son développement (Robert Bourassa), il faut demander aux économistes de
sortir leur calculette et dresser quelques colonnes de chiffres, afin
d’apaiser les craintes des timorés. Ensuite, qu’un Premier ministre (peu
importe la couleur) ait le courage de poser clairement la question. :
Acceptez-vous que le Québec soit indépendant et souverain en date de… ?»
OUI ou NON ?
A ce moment-là, - comme le disait si bien Félix Leclerc quelques mois
avant le référendum de 1980 - plus de libéraux, plus de péquistes, mais
des Québécois décidant, en pleine lucidité, d’assumer ou pas leur destin.
En notant bien qu’il n’y aurait pas de prochaine fois.
Qu’il se lève celui qui veut prendre la barre et proposer cela aux
Québécois ?

-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 septembre 2009

    «Nous ne vendrons pas l'indépendance les mains vides»
    Monsieur Turcotte, vous dites...
    «Comme c’est l’économie qui semble compter plus que le choix de vivre au grand air la totale liberté, comme il semble que le peuple ne se sente pas capable d’assumer (totalement) son destin et son développement (Robert Bourassa), il faut demander aux économistes de sortir leur calculette et dresser quelques colonnes de chiffres, afin d’apaiser les craintes des timorés…»
    Je vous réponds...
    Il semble que nous disions finalement pas mal la même chose, même si étonnamment, cela ne semble pas beaucoup faire votre affaire.. Car à mon avis, les questions économiques représentent tout de même un grand risques pour les plus précaires d'entre-nous... Sinon, au moins un facteur très important pour l’ensemble de notre collectivité !
    Je me tues depuis des semaines à répéter que nous ne vendrons pas l'indépendance avec une période de turbulence telle que promise par Pauline Marois et que nous ne vendrons l'indépendance les mains vides non plus !
    Il faudrait que le PQ commence à s'apercevoir que les motivations pour faire l'indépendance de peuvent reposer que sur de strictes raisons de langue et de culture !
    «Mony talks !» …comme dirait Jacques Parizeau...
    Mais, surtout…
    À quoi bon faire un pays qui n'améliorerait en rien les conditions de vie des citoyens..? Le jeu en vaudrait la chandelle, plusieurs se demanderont sans doute.
    Il faut donc un projet plus ralliant de société afin de convaincre les indécis et les craintifs...
    Et je vous avoue que la résistance des péquistes à cet égard me laisse complètement pantois ! À croire qu’ils n’en veulent carrément pas de cette foutue d’indépendance pour avoir si peu à ajouter dans le panier…
    Merci pour votre article,
    Christian Montmarquette
    Membre et militant de Québec Solidaire
    Références :
    «L’indépendance sera de gauche ou ne sera pas !»
    «Un moteur vert pour un Québec solidaire !»
    «Vive le Québec libre... Quelle liberté ?»

  • Jacques Bergeron Répondre

    14 septembre 2009

    Les événements se sont trop bien passés pour se permettre de critiquer les gens que nous n'aimons point.Ce n'est vraiment pas l'occasion de montrer sa rancoeur envers une certaine chef de parti politique.Quant à moi,qui assistais à ce magnifique cours d'Histoire avec mon épouse, je ne peux que dire un «très grand merci» à ces gens qui ont remis l'Histoire dans la bouche et la mémoire de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Pour le reste,on pourra toujours repasser. En terminant ce petit propos, pourrais-je souhaiter que ce cours d'Histoire soit répété «annuellement».