La laïcité n'est pas nécessairement neutre

Tribune libre

Avant tout, les définitions
Le Petit Robert définit ainsi le mot laïcité : « Principe de séparation de la société civile et de la société religieuse, l’État n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Églises aucun pouvoir politique. »
Un État laïc est indépendant du pouvoir religieux, mais il n’est pas nécessairement neutre. Le philosophe Alain disait qu’il fallait connaître le christianisme pour comprendre la France. Un État laïc pourrait donc faire donner un cours sur le christianisme pour que les gens comprennent la société dans laquelle ils vivent ou celle d’où ils viennent.
La neutralité ajoute quelque chose. Le mot neutre vient du latin « neuter », qui signifie « ni l’un ni l’autre ». Un État neutre en matière religieuse ne favorise aucune religion, mais il n’en interdit aucune dans la mesure où elles respectent les lois de l’État et la morale. La religion est une liberté et non un droit.
On confond souvent laïcité et laïcisme et laïcité et sécularisation.
La laïcité (et elle prend différente forme dans le monde) est une notion à la fois philosophique et juridique. Elle a deux traits principaux : la séparation des Églises et de l’État (ce qui est déjà fait dans la pratique au Québec) et la neutralité à l’égard de toutes les religions. L’État ne favorise aucune religion, mais l’État ne les interdit pas, même dans l’espace public.
Les valeurs liées à la laïcité sont multiples : liberté individuelle (de conscience, de religion et de culte), égalalité en droit (l’égalité entre hommes et femmes est déjà inscrite dans la Charte des droits et libertés de la personne)neutralité du pouvoir politique et respect des diverses religions.
On confond aussi souvent laïcisme et laïcité. Le laïcisme est une doctrine visant à éliminer toute référence religieuse dans l’espace public, voir la suppression de toute croyance religieuse. Souvent, on souhaite ramener les croyances à la vie privée. Comme l’on souhaité certains artistes québécois dernièrement. Ils utilisaient le mot laïcité alors qu’ils auraient dû parler de laïcisme.
La sécularisation, enfin, n’est pas un produit direct de la laïcité. C’est plutôt l’inverse qui est vrai : la perte du sens religieux a amené les États à se laïciser.
Le plus bel exemple : la Turquie. C’est un État constitutionnellent laïque depuis son indépendance. Mais ce n’est pas un État séculier. La religion est présente partout. Au Québec, l’espace public est devenu séculier, mais, légalement, le Québec n’est pas un État laïc...


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 octobre 2013

    La laïcité de l'État garantissant une stricte neutralité religieuse dans nos institutions publiques est un enjeu majeur auquel nous devons faire face avec courage et détermination. Il va sans dire que cela contrarie les employé(e)s de la fonction publique se croyant investi(e)s d’une mission divine auprès des «mécréants» et des «infidèles».
    En aucun temps, d'aucune façon et sous toute forme soient elles, la croyance et la pratique religieuse des employé(e)s de l’État ne devraient venir interférer dans les services rendus aux citoyens, payeurs de leur salaire.
    Par ailleurs, c’est un secret de Polichinelle que les adeptes de la doctrine rocanadian du multiculturalisme se féliciteraient d’un éventuel échec de tout projet de charte visant une stricte neutralité religieuse de l'État québécois. Cette doctrine du multiculturalisme, introduite dans la Constitution du Rocanada de 1982 imposée au Québec, a comme objectif premier de fondre la nation québécoise dans le moule impérialiste anglo-saxon rocanadian. Dans les faits, sous le couvert de principes prétendument vertueux, l’idéologie rocanadian du multiculturalisme cache la volonté du wasp d’un retranchement sur tout le territoire des divers groupes ethno-culturels dans le communautarisme, provoquant ainsi leur isolement, le repli plutôt que leur adaptation et leur intégration à la société d’accueil. Cette idéologie de la division des groupes ethno-culturels ne peut que subir, non seulement au Québec mais aussi dans le Rocanada, un échec cuisant comme cela s’est produit dans tous les pays d'Europe. Voir http://gatesofvienna.blogspot.ca/2012/09/multiculturalisms-failure-in-europe.html

  • Pierre Schneider Répondre

    3 octobre 2013

    Je ne sais si la France pratique le laïcisme ou la laïcité, mais les règles sont claires: Elles sont républicaines.
    C'est ce que je nous souhaite.

  • François Ricard Répondre

    3 octobre 2013

    L"État se manifeste sous diverses formes.
    L'une de ces formes est constituée de ses employés qui, pour le public, sont l'État. Alors il est normal que ces employés affichent la plus grande neutralité.

  • @ Gilles Toupin Répondre

    2 octobre 2013

    En complément de votre article, fort éclairant du reste, M. Turcotte, voici la définition du laïcisme telle que proposée dans le remarquable Dictionnaire de la laïcité rédigé sous la direction de Martine Cerf et Marc Horwitz (Armand Colin, Paris, 2011):
    «Le sens du mot a évolué et proposait au XIXième siècle deux acceptions possibles: d'une part le laïcisme caractérisait l'esprit laïque face à la religion (rejet de toute pensée dogmatique, primauté de la raison). D'autre part, et dans une acception socio-politique, il s'appliquait à la défense du principe de la séparation des Églises et de l'État voté en France en 1905.
    De nos jours, le sens s'est élargi. Plus qu'une doctrine, le laïcisme est un courant de pensée qui vise à séparer la vie publique de toute présence religieuse. Le laïcisme est plus radical que la laïcité et conçoit la pratique confessionnelle comme relevant uniquement de la sphère privée, à l'exclusion de toute manifestation sociale, quelle qu'elle soit.
    Le «laïcisme», considéré souvent comme une atteinte à la liberté de croyance ou d'expression, est frappé d'une connotation péjorative.»
    La Charte des valeurs du gouvernement péquiste, pourrais-je ajouter à votre analyse, n'a rien à voir avec le laïcisme car elle ne menace d'aucune façon la liberté de religion au sein de la société québécoise.