Hommage Félix

Le tour de l'ïle

Tribune libre

J’ai fait le tour de l’île pour honorer la mémoire de Félix Leclerc
né à la Tuque, il y a 100 ans. Je me suis arrêté, comme il se doit, au
cimetière Saint-Pierre, le premier face à la côte de Beaupré. Les
ancêtres, enterrés là au 17e siècle semblent avoir quitté les lieux.
L’usure du temps. Il ne reste qu’environ 125 pierres tombales, toutes
récentes. Le monument funéraire de Félix Leclerc, une simple petite
pierre de granit. Trois pieds par deux. On y lit : Félix Leclerc,
1914-1988. C’est ainsi que tombe dans l’oubli le plus grand de nos
poètes québécois. Sur la pelouse, en avant du monument, un certain
nombre de souliers, plus ou moins usés. Un petit drapeau du Québec
planté au beau milieu des chaussures de différentes pointures. Je songe
à une de ses chansons que j’aime fredonner : Moi, mes souliers ont
beaucoup voyagé…Petite prière et je suis reparti, le cœur bien triste,
l’esprit affolé.

J’ai fait comme Félix, pour supporter le difficile et l’inutile, j’ai
fait le tour de l’île. Quarante-deux milles de choses tranquilles pour
oublier la grande blessure.

L’Île, en plein été, ce sont des arcs et des nefs comme on en trouve
dans les grandes cathédrales. Ainsi ressemble le tour de l’île. En
juillet le fleuve est toujours tiède sur les battures. La neige est rose
l’hiver, dit le poète, comme chair de femme.

Le mois de mai amène les oies, à marée basse. Mais, ici, les descendants
de la Rochelle restent bien plantés comme des arbres qu’on ne peut
déraciner. Surtout en hiver.

Ici, les maisons de bois, les maisons de pierre, avec au cœur du village
le clocher pointu et dans le fond vers pâturages, parlent d’histoire et
d’ancrage, sous un soleil d’azur.

Mais l’île devient de plus en plus un dépotoir, un cimetière
envahissant, comme un parc à vidanges. On ne peut lui faire ça, à
l’île d’Orléans. Notre fleur de lys, notre passé mutilé. Faisant le
tour de l’île, j’ai vu, sous un nuage, près d’un cours d’eau, un
grand-père au regard bleu qui monte toujours la garde. Il sait, à voir
son visage ridé, ce qu’on dit de l’île dans les grandes capitales. Il
entend déjà le signal. Quelqu’un va venir pour détruire le paysage.

Et le poète de célébrer l’indépendance. Elle ne vient pas de France.
Elle est là, en faisant le tour de l’île. Quand on y pense,
quarante-deux milles suffisent pour savoir que les fruits sont murs et que
le temps est venu de les cueillir.

Toi, Félix, avec tes souliers, tu as beaucoup voyagé. Les miens aussi.
Ils sont tout usés. Je voudrais les voir, comme toi, au pied de ma pierre
tombale, là où je serai enterré. Dans mon village natal. Aves les oublis
qui viennent avec !


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    26 juin 2014

    Ça me donne le goût de refaire le tour,merci!