Jean-Charles, l'avocat homosexuel incarné par Yvan Ponton dans Les Boys, ne joue pas au hockey dans une équipe de gais. Il a fait son coming out, il est parfaitement intégré et respecté dans une équipe d'une ligue de garage, avec son lot de machos pas dégrossis et de sautés, comme il en existe des centaines au Québec et il est un «Boys» à part entière.
Les Outgames de Montréal, qui réunissent 12 000 participants, 600 officiels et 500 journalistes (voyeurs pour plusieurs) sont une petite mine d'or pour Montréal. Le tourisme rose était déjà générateur de retombées économiques évaluées à 250 millions de dollars par année pour Montréal. Les Outgames ajouteraient environ 100 millions au bilan de 2006, selon les prévisions.
Un tel événement va toutefois à contre-courant de tout le travail accompli ces deux dernières décennies pour l'égalité des gais et lesbiennes. Des Jeux pour handicapés physiques sont pleinement justifiés. Ces derniers ne peuvent évidemment pas compétitionner contre des athlètes qui possèdent tous leurs membres. Des Jeux gais par contre contribuent à la ghettoïsation et à la marginalisation des gais et lesbiennes. Ils en font des êtres à part. L'orientation sexuelle n'a rien à voir avec les aptitudes et les performances sportives. Rien n'empêche ces amateurs d'une discipline ou l'autre de pratiquer leur sport favori au sein d'équipes «régulières», comme... Jean-Charles dans Les Boys. En se regroupant, sous le prétexte de la «participaction» et celui de fraterniser entre gens qui ont en commun leur orientation sexuelle, ils alimentent les préjugés sur leur différence.
Ce risque est accru par certains débordements auxquels donnent lieu ces types de rassemblement. Au même titre que les premiers défilés de la Fierté gaie à Montréal, dans les années 1990, ont été des démonstrations qui visaient la promotion des droits des gais et lesbiennes et une fête de l'égalité. Il s'agissait alors d'une manifestation politique et économique, le pouvoir rose s'affichant et s'imposant dans ses diverses dimensions. La retenue était évidente afin de ne pas choquer la population invitée à descendre dans la rue pour partager avec la communauté gaie en fête.
D'une marche colorée pour la reconnaissance de droits, il y a 15 ans, le défilé a dérivé en mascarade de marginaux qui sont des caricatures ambulantes de mauvais goût de ce que sont en réalité les gais et lesbiennes, des concitoyens ordinaires qui devraient se fondre dans une collectivité. Cet événement attire toujours des centaines de milliers de curieux et de voyeurs, mais il nuit maintenant à la Cause avec un grand C, par l'image qui est projetée.
Des Jeux gais constituent le même piège.
Par ailleurs, l'appellation anglophone «Outgames» pour un événement tenu à Montréal, métropole d'un État officiellement francophone, est indéfendable. Accepterait-on que des compétitions de bollés, du style Génies en herbe, portent le nom de «Braingames»? Les bien-pensants du Québec francophone n'osent pas dénoncer ce choix, tout simplement parce que l'événement regroupe une clientèle qu'il ne fallait pas attaquer, par rectitude politique.
De plus, la foule à la cérémonie protocolaire, en fin de semaine, qui a hué et conspué le ministre conservateur Michael Fortier, pour l'empêcher de prononcer son petit discours de circonstance, parce qu'il appartiendrait à un gouvernement de droite, a aussi jeté du discrédit sur la communauté gaie. Quand on revendique la reconnaissance de droits fondamentaux, que l'on organise pompeusement une conférence internationale sur les droits de la personne, la logique la plus élémentaire voudrait qu'on respecte la liberté d'opinion et d'expression d'un membre du gouvernement du pays hôte. Les droits et libertés semblent se pratiquer à deux vitesses. Le lobby rose a ses politiciens-otages qui défilent rue Sainte-Catherine chaque année et il s'emploie à éliminer les autres.
Décidément, Jean-Charles, dans Les Boys, aura fait davantage pour le respect des gais que les Outgames et le défilé 2006 réunis. Au moins aurait-on pu l'inviter!
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