PKP et les syndicats

L'audace du prince

Chronique de Louis Lapointe

Pierre-Karl Péladeau est un bien curieux personnage. L’automne dernier, nous l’avons vu participer au Moulin à paroles sur les Plaines d’Abraham et il était présent aux funérailles de Pierre Falardeau à l’église St-Jean Baptiste de Montréal. Nous ne doutons pas qu’il puisse être indépendantiste comme le fût son père avant lui. Mais voilà, comme un prince, Pierre-Karl Péladeau aime aussi faire étalage de son pouvoir. Sa dernière déclaration au sujet de la trop grande place que prennent les syndicats au Québec, à l’occasion du forum de Lévis sur l’avenir du Québec, a fait officiellement de lui le plus antisyndical des patrons du Québec. Un titre qu’il ne mérite probablement pas.
Tout le monde sait dans le milieu du travail que les employés de Québécor ne sont pas les plus malheureux et les plus maltraités au Québec. Ils n’ont rien à envier à ceux de Wal-Mart, pas plus qu’à ceux du Canal V. C’est plutôt la relation des Péladeau avec leurs cadres qui est légendaire. Durer 3 ans chez Québécor serait un exploit, surtout dans le domaine des relations de travail.
PKP est sans doute un homme malhabile qui utilise abondamment le conflit pour résoudre les problèmes auxquels il est confronté, notamment ceux de son organisation. Depuis quelques années, le lock-out fait désormais partie de son arsenal. Il n’est donc pas à l’abri de la controverse. Je dirais même qu’il la recherche, puisqu’elle semble le stimuler. Sa dernière incartade avait d’ailleurs tout du scandale. Comment ne pas aussitôt conclure qu’il aime être provocant, voire choquant?
Nous le voyons bien, si PKP aime provoquer, il n’aime pas non plus être ignoré. Voilà pourquoi il a publié cette lettre à l‘occasion de la réunion de Lévis où Junior Desmarais de Power corp. était invité, alors que lui ne l’était pas.
Si j’avais eu à conseiller PKP, je lui aurais probablement suggéré de tenir un discours différent à propos des syndicats; de parler un peu plus de leurs chefs; du secrétaire général de la FTQ qui siégeait au conseil de l’UQAM au moment de sa déconfiture; de la FTQ et de la corruption dans l’industrie de la construction; de la présidente de la CSN qui siège au conseil de la CDPQ; de gens dont les compétences n’ont été d’aucune aide lorsque le bateau coulait ; du bois mort qu’on installe à la barre de nos sociétés d’État.
Il n’y a pas que le Québec qui manque de leadership, les syndicats aussi. Un problème que n’a pas Québécor. Son président sait où il va et il prend les moyens pour s’y rendre. On ne peut certainement accuser PKP de manquer de courage. Une qualité qui manque cruellement à la majorité des acteurs politiques du Québec.
Il aurait pu également parler du président du Mouvement Desjardins qui siégeait lui aussi au conseil de la CDPQ et de bien d’autres représentants de Québec inc. qui assistaient à ce forum* de Lévis et qui avaient en commun d’être tous du même avis au sujet de ce qu’il faut faire pour l’avenir du Québec. Laisser faire ! Laisser faire l'ancien recteur de l’UQAM, laisser faire le PDG de la CDPQ, laisser faire le maire de Montréal, laisser faire le premier ministre du Québec et laisser faire la mafia.
Pierre-Karl Péladeau n’avait vraiment pas besoin d’afficher qu’il était antisyndical pour contester cette belle société d’admiration mutuelle qui encensait notre bon premier ministre Jean Charest à la suite de sa remarquable performance dans l’art de proposer de ne rien faire qu'il puisse regretter aux prochaines élections.
PKP avait juste à cracher dans leur soupe en dénonçant l'unanimité feinte qui régnait ces jours derniers à Lévis, celle qui caractérise habituellement les sociétés où la médiocrité des collaborateurs de régimes fantoches les incite à se satisfaire de demi-vérités en guise de réponses, se fermant les yeux et dodelinant jovialement de la tête, tout en attendant bien sagement leurs récompenses, les chefs syndicaux aussi!

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    24 janvier 2010

    Cher Monsieur Lapointe,
    Le réel pouvoir ne vient qu’avec la sagesse. Le reste n’est que difformité intellectuelle. Je ne comprends pas ceux qui s’obstinent à vouloir « conscientiser » la bête! On ne peut en vouloir au lion de dévorer l’antilope. Il existe une loi toute naturelle qui décuple les sanguinaires velléités des tenants du capital. Je n’utilise pas le terme de capitalisme à dessein.
    Car le capital (le Grand) est une mégalomanie qui ne se soigne pas. Ces gens (qui se disent libéraux, démocrates) ne sont en fait que des parvenus (lire Marivaux) sans grandeur mais affublés d’une litote (Le mot « litote » vient du grec λιτότης qui signifie « apparence simple, sans apprêts » et qui avait le sens rhétorique d’une figure par laquelle on laisse entendre plus qu’on ne dit) comme cerveau.
    Qui ne cherche la grandeur de la vérité s’affiche à l’aide de sa bêtise et de son insignifiance. Et loin de moi l’idée de l’insulte. Notre monde se divertit pendant que certains fous jouent aux alchimistes. Des personnages (issus d’une mauvaise pièce de théâtre) sans ampleur, sans générosité, sans finesse (ce qui fait cruellement défaut dans un monde grossier et grassouillet) meublent notre quotidien (L’enfer, c’est les autres).
    Et que se passerait-il si de telluriques secousses perturbaient le repas du dimanche soir? Mais, on se croit invincible? On se « pense » hors de portée? Peut-être parce qu’on est mort, après tout…
    Je me rappelle, il y a de cela quelques années, une expérience idiote que déclenchait un humoriste se trouvant drôle. Cherchant l’événement, ce crétin haranguait son auditoire en lui faisant activer les commutateurs électriques de son domicile. Résultat, une effroyable « tension » dans les centres d’exploitation régionale (Hydro-Québec). Il fallait, pour les opérateurs du réseau, prévoir les manœuvres, enclencher les bancs de condensateurs afin de maintenir la tension du réseau. On frôlait, à tous les dimanches soirs (ça n’a pas tellement changé quand on pense aux couleuvres que, sans cesse, on fait avaler, aux heures de grande « écoute », aux téléspectateurs) la panne qui aurait jeté dans le noir cette bande d’ignares! Ils rigolaient et concouraient à leur propre perte. Le rire québécois aujourd’hui n’est qu’un rictus morbide et stérile. Ah! Qu’on le trouvait drôle, cet imbécile! Et que cet auditoire pouvait s’esclaffer! Tous des tarés!
    Aujourd’hui, on continue à exciter les foules comme au Moyen-âge (à l’heure de la plus grande « écoute », on ne sait pas faire silence pour entendre le bruit pressentis des cœurs purs). Et ça marche. PKP n’existe pas et n’est qu’un instrument de l’insignifiance collective, bassesse que l’on mérite finalement. À ce compte, même avec ses défauts et ses lubies, René Lévesque pouvait prétendre à une quelconque grandeur, ce à quoi des nabots comme PKP ne peuvent même pas rêver.
    André Meloche
    P.S. Ce passage (« PKP avait juste à cracher dans leur soupe en dénonçant l’unanimité feinte qui régnait ces jours derniers à Lévis ») me rappelle Georges Bataille. Est-ce à dire que l’horizon québécois se limite à sa petitesse de pensée? Je me désole toujours du peu de culture des congénères qui m’entourent (qui me sclérosent). Voilà la citation de Georges Bataille : « Un soulier abandonné, une dent gâtée, un nez trop court, le cuisinier crachant dans la nourriture de ses maîtres sont à l’amour ce que le pavillon est à la nationalité. Un parapluie, une sexagénaire, un séminariste, l’odeur des œufs pourris, les yeux crevés des juges sont les racines par lesquelles l’amour se nourrit. Un chien dévorant l’estomac d’une oie, une femme ivre qui vomit, un comptable qui sanglote, un pot à moutarde représentent la confusion qui sert à l’amour de véhicule. Un homme placé au milieu des autres est irrité de savoir pourquoi il n’est pas l’un des autres. Couché dans un lit auprès d’une fille qu’il aime, il oublie qu’il ne sait pas pourquoi il est lui au lieu du corps qu’il touche. Sans rien en savoir, il souffre à cause de l’obscurité de l’intelligence qui l’empêche de crier qu’il est lui-même la fille qui oublie sa présence en s’agitant dans ses bras. Ou l’amour, ou la colère infantile, ou la vanité d’une douairière de province, ou la pornographie cléricale, ou le solitaire d’une cantatrice égarent des personnages oubliés dans des appartements poussiéreux. Ils auront beau se chercher avidement les uns les autres : ils ne trouveront jamais que des images parodiques et s’endormiront aussi vides que des miroirs ». L’anus solaire in Œuvres complètes, Tome I, Georges Bataille.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 janvier 2010

    Très bonne analyse, je trouve. Une description très juste du personnage. Dommage qu'il ne se serve pas plus de ses talents de vainqueur pour mener le vrai combat. La vanité ne fait pas long sur le chemin de la victoire.

  • Gaston Boivin Répondre

    24 janvier 2010

    Bravo pour votre texte, dont le sujet a donné prétexte à une juste et cinglante caricature de cette "belle société d'admiration mutuelle".
    En ce qui concerne PKB, je suis bien d'accord avec vous. Il a été malhabile et, de façon inappropriée, il s'est injustement desservi. Dommage! Il mérite mieux!