Yves Bolduc a beau multiplier les phrases lénifiantes (dans ce sabir dont il a le secret), la réforme de l’éducation a reçu son bulletin et sa note n’a rien de rassurant. Il y a même quelque chose de décourageant, après presque deux décennies, d’aboutir à ces piètres résultats, compte tenu des débats épiques tenus, des efforts déployés, des ressources sacrifiées. Que faire maintenant ?
Le rapport du projet ERES de l’Université Laval, qui a évalué l’effet de la réforme de l’Éducation de 2007 à 2013 au secondaire, arrive à des constats implacables pour cette ambitieuse opération de réinvention de l’école québécoise lancée au début des années 2000. Là où, précisément, elle devait se traduire par de grandes améliorations, les résultats sont médiocres : « Dans un contexte où le renouveau pédagogique visait d’abord et avant tout à démocratiser la réussite scolaire et à diminuer le décrochage, force est de constater qu’il n’a pas produit les effets attendus », affirment les chercheurs (p. 109) Simon Larose et Stéphane Duchesne.
Il faut se rappeler d’où vient cette réforme, lancée par Pauline Marois alors qu’elle était ministre. Début des années 1990, le débat sur l’éducation fait rage au Québec. La transmission de la culture générale semble en panne. Arrivé au pouvoir en 1994, le gouvernement Parizeau organise des états généraux. Parmi les conclusions phares du rapport, on trouvera ce constat : « Les curriculums actuels n’ont pas la richesse et l’équilibre suffisants et c’est pourquoi nous proposons de les restructurer pour en rehausser le niveau culturel. De nombreux participants et participantes aux États généraux nous ont rappelé à quel point la maîtrise du français et la connaissance de l’histoire étaient déficientes. […] Des redressements s’imposent. »
Or, quelques années plus tard, la réforme qu’on en a tirée a curieusement mis l’accent sur autre chose que le niveau culturel, sur le « comment » : les programmes seraient repensés en termes de « compétences », entre autres « transversales ». On encouragerait la pédagogie par projet. Le redoublement serait banni. L’évaluation serait révolutionnée (ce qui nous donna des bulletins souvent bizarres !). Il y avait là de bonnes intentions. L’enseignement doit tenir compte des différentes manières d’apprendre.
La réforme comportait aussi l’ajout de nombreuses heures d’enseignement dans plusieurs matières fondamentales. Notamment 50 heures supplémentaires, dans les trois premières années du secondaire, en français. Or, c’est là un des grands drames révélés par l’étude des chercheurs de Laval : malgré les heures supplémentaires d’enseignement, les élèves de la réforme réussissent moins bien que ceux d’avant la réforme. Même chose en mathématiques.
De bonnes intentions, donc. Mais l’enfer en est pavé… En mettant l’accent sur les compétences qui seraient acquises lors de « projets » où, par la bande, sans s’en rendre compte, l’élève capterait des connaissances, on a miné une certaine rigueur essentielle à tout apprentissage. Avec des énoncés de compétences ésotériques (souvenons-nous d’« actualiser son potentiel », de « construire sa conscience citoyenne »), on a déboussolé bien des professeurs chargés de l’évaluation.
Chose certaine, les premières cohortes auront été les cobayes d’un bouleversement excessivement axé sur la pédagogie. Heureusement, plusieurs correctifs ont été apportés avec le temps. Le correctif le plus important reste cependant à venir : repenser la formation des maîtres pour y revaloriser les baccalauréats disciplinaires (en français, en histoire, en maths, etc.) et diminuer l’emprise de la pédagogie. Cela, assurément, « rehausserait le niveau culturel », pour employer le vocabulaire des états généraux.
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