Des champs pétrolifères en Alberta aux réunions de conseils d’administration sur Bay Street jusqu’à la station-service au coin de la rue, la chute rapide et prononcée des prix du pétrole brut a eu l’effet d’une bombe dont les impacts se feront sentir en 2015, ce qui en fait l’événement de l’année de La Presse canadienne dans le monde des affaires.
Le revirement de situation dans l’industrie pétrolière a été le choix de la moitié des 50 directeurs de l’information et rédacteurs en chef du pays qui ont pris part au sondage annuel.
Plusieurs ont justifié leur choix en citant les nombreux impacts de cette situation.
Lynn Moore, rédactrice en chef adjointe pour la section affaires au quotidien The Gazette, a souligné à quel point l’économie canadienne pourrait en être transformée.
« Une période prolongée de faibles prix du pétrole va sérieusement ébranler l’économie canadienne et la façon de voir des Canadiens. Outre les impacts pour les gouvernements et les compagnies qui ont profité de la vigueur des prix du pétrole — ou ceux qui en ont souffert —, ce changement va certainement modifier la façon dont nous percevons les changements climatiques, l’expansion des réseaux d’oléoducs et toutes les choses qui touchent les consommateurs, notamment le transport aérien et l’achat de véhicules automobiles. Les investisseurs, de même que les gouvernements, vont peut-être pencher davantage vers une diversification de leurs portefeuilles », a-t-elle fait valoir.
Après avoir atteint 107 $US le baril au milieu de l’année 2014, le prix du brut américain a plongé au deuxième semestre. La chute s’est intensifiée vers la fin du mois de novembre, quand l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, confrontée à la concurrence du pétrole de schiste des États-Unis, a choisi de maintenir sa production au même niveau, refusant ainsi de soutenir les prix.
À la fin du mois de décembre, le prix de référence du West Texas Intermediate était à son plus bas niveau depuis la Grande Récession — aux environs de 55 $US.
Pour les consommateurs, il s’agit principalement d’une bonne nouvelle. Le site Gasbuddy.com, qui observe les prix du litre d’essence à travers le pays, annonçait plus tôt ce mois-ci que le prix moyen au Canada était passé sous la barre d’un dollar pour la première fois en quatre ans et demi.
« Si l’on exclut l’industrie de l’énergie, une baisse spectaculaire des prix du pétrole a surtout un fort effet stimulant pour l’économie », estime Barry Munro, dirigeant de la firme conseil EY.
À l’opposé, les provinces qui dépendent des revenus du pétrole sont confrontées à une baisse de leurs revenus tirés des redevances ainsi que des taxes et impôts. La Bourse de Toronto, dont l’indice principal est fortement influencé par les entreprises du secteur de l’énergie, est aussi frappée de plein fouet.
Les budgets des compagnies pétrolières seront réduits en 2015, alors que plusieurs d’entre elles vont préférer assainir leur situation financière plutôt que d’investir dans de nouveaux projets. Certaines réduisent aussi les dividendes qu’elles versent aux actionnaires.
La société Talisman Energy, de Calgary, s’est retrouvée au bord d’un gouffre financier en raison de la baisse des prix du brut, jusqu’à ce qu’elle accepte plus tôt de mois-ci une offre de prise de contrôle de la part du géant espagnol Repsol pour 13 milliards $US, incluant la prise en charge de la dette. Les analystes prévoient d’autres transactions du genre, puisque des entreprises en difficultés pourraient choisir de jeter l’éponge.
Les avis diffèrent quant à la tendance que prendront les prix du brut.
M. Munro parle d’un « nouveau paradigme de prix » dû à l’arrivée massive du pétrole de schiste en provenance des États-Unis. La technologie de la fracturation hydraulique permet aux entreprises américaines d’accéder à des ressources qui étaient auparavant inexploitables, ce qui fait en sorte que les États-Unis sont moins dépendants des importations de brut pour répondre à leurs besoins.
« Je pense que des changements structuraux se produisent dans les industries du pétrole et du gaz, alors que nous passons d’une situation de rareté à une situation d’abondance », dit-il.
Lanny Pendill, analyste de la firme Edward Jones, croit pour sa part que le déséquilibre du marché du pétrole va se résorber au cours des prochains moins. Il prédit des prix moyens oscillant entre 75 $US et 95 $US à long terme.
À son avis, le présent ralentissement devrait faire en sorte de réduire l’offre de pétrole, ce qui aura pour effet de raffermir les prix.
Après la chute des prix du pétrole, l’événement qui a reçu le plus de votes est l’expansion projetée des réseaux d’oléoducs afin d’acheminer le brut albertain vers de nouveaux marchés.
Des 18 votes accordés aux oléoducs, la majorité provenaient du Québec, où les projets des compagnies Enbridge et TransCanada ont souvent fait les manchettes.
En mars, Enbridge a obtenu le feu vert de l’Office national de l’énergie pour inverser le flux de son oléoduc de la Ligne 9B entre le sud de l’Ontario et Montréal. Même si les travaux sont complétés, l’ONÉ a fait savoir qu’il ne permettra pas à Enbridge d’utiliser cet oléoduc tant que des garanties de sécurité n’auront pas été fournies quant au franchissement de cours d’eau.
La société TransCanada a pour sa part déposé une demande d’autorisation cet automne pour ce qui serait le plus important projet de son histoire, d’une valeur de 12 milliards $. Le projet Énergie Est vise à acheminer le pétrole albertain jusqu’aux raffineries de l’est du pays afin d’ouvrir de nouveaux marchés vers l’Atlantique. TransCanada prévoit utiliser pour ce faire un gazoduc existant pour les deux tiers du trajet, en plus de construire un nouvel oléoduc au Québec et au Nouveau-Brunswick.
Cinq participants au sondage ont choisi l’acquisition de Tim Hortons par Burger King comme événement de l’année.
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