La France préfère un Canada uni

L’erreur

La position de la France nuit à la langue française en Amérique

Chronique de Louis Lapointe

Il n’y aurait pas de place pour la division dans le monde moderne. Lorsqu’on choisit le Canada, on choisit l’unité, lorsqu’on choisit le Québec, la division. Un peu court comme raisonnement. Et si choisir le Canada était synonyme de division, celle des Québécois qui ne s’entendent pas sur leur appartenance à ce pays. Et si choisir le Québec signifiait choisir l’unité, celle de tous les Québécois qui reconnaissent le Québec comme leur seule et unique patrie. On le voit bien, unité et division ont la signification qu’on veut bien leur donner!
Même s’il est Français, le président Sarkozy est allé à la même école que la plupart des journalistes de Gesca, celle de Paul Desmarais, il est donc normal qu’il manipule avec autant d’élégance le sophisme. On peut très bien être divisé tout en habitant un des plus grands pays de la planète, alors qu’on peut être beaucoup plus uni à l’intérieur d’un plus petit pays. On peut même habiter un petit pays sans que cela nous empêche de participer à de plus grands ensembles. Le Québec devrait-il se satisfaire de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Saskatchewan ou s’asseoir à la même table que la France et les États-Unis? Se contenter de l’unité canadienne alors qu’il peut embrasser la diversité planétaire avec ses nombreuses langues et cultures ?
Il y a quelque chose de cruellement insultant dans les propos du président français. Alors qu’il vante les mérites de l’unité, il passe comme un coup de vent au sommet de la Francophonie, laissant des pays dont la langue officielle n’est même pas le français discuter entre eux de l’avenir de la langue dont la France est le berceau et le Québec, un héritier. Il laisse à des amis comme Stephen Harper, hôte du sommet de la francophonie, le soin de discuter de l’avenir de la langue des Français, alors que c’est le dernier de ses soucis. Ne s’agit-il pas là d’un sujet qui devrait concerner davantage la famille que les amis?
Un ami dont le gouvernement a refusé de reconnaître l’application de la Charte de la langue française aux travailleurs sous sa juridiction au Québec. Un ami qui n’a cessé de chipoter au sujet du concept de reconnaissance de la Nation québécoise. Un ami qui n’est même pas foutu de faire en sorte que le français devienne vraiment la langue officielle de tous les Québécois. S’agit-il là du genre d’unité dont parle le président de la France ? Ne s’agirait-il pas plutôt d’un profond sujet de division et de discorde entre Canadiens et Québécois? Inviter à l’unité dans de telles circonstances ne serait-il pas en fait une forme d’ingérence?
En supportant officiellement l’unité canadienne, Nicolas Sarkozy ignore totalement les profonds différends qui opposent le Québec au Canada. Dans le présent contexte, cette attitude est tout sauf neutre. La France prend dès lors position en faveur du Canada, le mariage doit tenir, peu importe les circonstances ! En favorisant l’unité, elle choisit délibérément de laisser ses amis canadiens décider du sort de sa famille québécoise. Elle contribue par le fait même à accroître le déséquilibre des forces qui existait déjà entre le Québec et le reste du Canada. En choisissant l’unité, la France laisse tout simplement le Canada décider du sort du français en Amérique.
Si Nicolas Sarkozy avait été l’homme de vision qu’il prétend être, il aurait profité du fait que le sommet de la Francophonie se tenait au Québec pour affirmer que le Québec, au même titre que la France, a le devoir de protéger la langue française et qu’il comptait sur la collaboration de ses amis canadiens pour l’aider dans cette mission, rappelant que la France accompagnera toujours le Québec dans ses choix. Une position stratégique qui aurait eu le grand mérite de lier l’avenir du Québec à l’avenir de la langue française, la France ayant un intérêt manifeste à ce que le français progresse en Amérique du Nord.
Or, ne pouvant ignorer que Nicolas Sarkozy est un homme trop intelligent pour ne pas voir la portée de sa déclaration et ne pas appréhender ses conséquences stratégiques à long terme, nous aurons tous compris qu’en soutenant officiellement l’unité canadienne pour faire plaisir à son ami Paul Desmarais, Nicolas Sarkozy sacrifie le mince rapport de force que la France pouvait encore détenir et qui favorisait dans une certaine mesure la survie du français en Amérique.
La nouvelle position de la France fait en sorte que l’anglais devient dorénavant l’avenir de la langue française en Amérique. Une position catastrophique pour la France, mais compréhensible puisqu’elle vient du plus anglophile des présidents français.
Louis Lapointe

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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6 commentaires

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    19 octobre 2008

    Au moins, il est vrai que Sarkozy ne sera pas nécessairement réélu, car il y a présentement beaucoup de Français, depuis qu'il a pris le pouvoir, qui ont de multiples raisons de regretter d'avoir voté pour cette espèce de personnage de bandes dessinées!

  • Archives de Vigile Répondre

    18 octobre 2008

    Dans son discours M. Sarkosy mentionne aussi l'ouverture du Québec, en déclarant que le Québec n'est pas sectaire, ainsi il rappel à l'ordre tout les rapetisseurs du Québec qui martèlent sans cesse que la société Québécoise est repliée sur elle-même, intolérante et fermée sur le monde. Vous avez raison, c'est le Canada qui divise, pas le Québec.

  • Michel Guay Répondre

    18 octobre 2008

    Pour comprendre cette position coloniale de Sarkozy chacun devra lire le livre de Philpot aux éditions les Intouchables qui sera publié d'ici la fin du mois .
    Desmarais contrôle 70% des médias écris au Québec enn mannipulant tous les politiciens et s'est enrichi avec les fonds publics Québecois et n'investit pas un seul dollar au Québec depuis des décennis . Il investi dans l'Europe coloniale de Sarkozy et en Chine .
    Ce livre fera connaître les véritables visages de ces ennemis de la nation Québecoise

  • Archives de Vigile Répondre

    18 octobre 2008

    La première fois que tu me trahis la faute est tienne, la seconde fois, la faute est mienne
    Seulement un Québec pleinement souverain peut sauvegarder le fief du français en Amérique, car la décadence de la France, comme celle des autres pays de l'Europe de l'ouest --dans un futur, Eurabie--, ne lui permet pas de jouer la carte géopolitique qu'elle exerçait il y a quelques décennies. De ce contexte de globalisation économico-financière et de position de faiblesse politique sur la scène internationale, vient l'inéluctable rapprochement aux états centralistes afin de s'assurer des rapports d'échelle politico-économico-financiers maximaux.
    JLP

  • Archives de Vigile Répondre

    18 octobre 2008

    Depuis l' arivée de Sarkosy à la présidence on voit la politique de la France glisser insidieusement vers l'internationalisme et le capitalisme triomphant. Sarkosy se lie avec les riches pour tenter de créer ,sans le dire, des états-unies d'Europe qui fainéantiseraient les nations et éventuellement les cultures pour donner le pouvoir à une autorité centrale ploutocrate comme à Washington. Pourtant la
    France a rejetté cela avec plusieurs autres pays lors de référendums. Il n'en a cure , change le nom de Maeestrick, y changeant quelques synonymes et tente de forcer la centralisation européenne de manière rusée et autoritaire. Il a besoin de sarcophages culturels à domestiquer avec les Desmarais et autres milliardaires.. Le président De Gaulle se retourne dans sa tombe et le Québec est méprisé. Mais nous n'avons pas besoin d'impromptu de Paris pour donner naissance à notre pays,
    si nous nous levons tous dans une décision démocratique comme les états minuscules du Timor et du Kozovo, notre pays lèvera aussi, même si nous avons reçu un souflet du président. À nous la nation québécoise de clarifier la situation à Harper, Trudeau, Dion et Chrétien une fois pour toute. Avant que les coq ait chanté trois fois...

  • Archives de Vigile Répondre

    18 octobre 2008

    M. Lapointe,
    Même la France s'anglicise. On est informé de la chose de partout incluant de Mme Bombardier qui le mentionne dans sa chronique du Devoir de ce matin.
    La langue française et plusieurs autres langues importantes dans le monde, le français, l’espagnol, le portuguais, les langues chinoises, japonaises, arabes, indiennes etc… vont finir comme langues culturelles avec la langue anglaise, langue des affaires et des communications internationales, ce qui est déjà presque complété.
    Plusieurs pays de la francophonie ne parlent même pas ou plus français. C'est bien beau la résistance mais on ne peut pas sa vie sur les freins comme certains de nos indépendantistes qui ne veulent même pas que les Québécois apprennent convenablement l'anglais afin de protéger le français même si ça réduit leurs chances d’obtenir de meilleurs emplois.
    Tant qu'à l'affaire Sarkozy, on devrait faire un bout de chemin entre le fédéralisme centralisateur actuel et le séparatisme, une vraie confédération canadienne...point. Ça devrait déjà être assez difficile à réaliser ce compromis réalisable qui est quand même mieux qu'une utopie, vu qu'il n'y a pas un nombre suffisant de Québécois, à tort ou à raison, à vouloir se séparer du ROC pour que la chose se passe dans l'harmonie et les bonnes conditions économiques pour nos francophones du Québec.
    À passer sa vie à trop forcer, ça devient forçant à la fin. On devrai forcer modérément sauf pour ceux que le forçage intéresse qui peuvent remplacer ça par les poids et altères. À la place, le Québec pourrait commencer tout de suite à protéger le français sur son territoire en l’enseignant mieux, en exigeant le français au travail dans les petites entreprises et en francisant tous les CEGEPs. Il a le pouvoir d'en faire pas mal dès maintenant sans demander la permission.