mercredi 12 janvier 2005
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Les experts l'avaient prédit et la journée d'hier en Cour suprême le laisse voir: le fédéralisme n'est pas près de s'extirper du carcan centralisateur qui prévaut depuis des lustres dans ce pays.
Officiellement, la responsabilité des congés parentaux est en jeu: relèvent-ils de la Loi sur l'assurance emploi, donc de la compétence du gouvernement fédéral? Dans les faits, la question ne se posera bientôt plus puisque le nouveau, et tant souhaité, programme québécois de congé parental sera annoncé sous peu grâce à une entente administrative conclue avec Ottawa.
On croira donc que la Cour suprême se retrouve devant un problème théorique. Au contraire, il lui reste à se pencher sur l'essentiel: le partage des compétences bien délimité dans notre Constitution, mais qu'Ottawa a bousculé sans vergogne depuis maintenant des décennies.
L'an dernier, la Cour d'appel du Québec avait unanimement, et de façon limpide, tranché en affirmant que les congés parentaux n'avaient rien à voir avec le chômage - responsabilité fédérale - mais relevaient d'une politique sociale - de compétence provinciale. Se réconciliaient là le bon sens (seule une vision administrative peut confondre chômage et maternité), la façon dont les autres sociétés traitent les congés propres aux parents (seul le Canada les assimile à la protection de ceux qui perdent leur emploi) et l'histoire.
C'est en effet pour faire face à la grande crise des années 30 que l'assurance-chômage a été mise en place au Canada, et les provinces n'ont accepté de modifier la Constitution pour en confier la responsabilité au fédéral qu'à la condition expresse que cette exception soit strictement balisée. Ottawa a par la suite profité des lacunes des programmes provinciaux pour étendre ses pouvoirs en matière sociale via l'assurance emploi, en violation flagrante de la Constitution. Même Stéphane Dion a admis, l'an dernier, qu'on était là «en terrain glissant sur le plan constitutionnel» et il ne se montrait pas surpris de la décision de la Cour d'appel.
Néanmoins, quand la violation dure depuis des années et déborde sur différents domaines et que toute l'architecture gouvernementale canadienne en dépend, l'espoir que la Cour suprême la reconnaisse semble bien ténu. Notre Constitution n'est-elle pas un «arbre vivant», qui évolue au fil du temps, rappelait encore récemment la Cour dans l'affaire des mariages gais? C'est aussi l'argument invoqué par le fédéral dans son mémoire sur les congés parentaux. Et quand les temps changent, c'est à Ottawa de rester dans le vent!
D'autant que le fédéral a un atout - le pouvoir de dépenser - et des alliés qui tiennent, eux, à sa présence. Il n'y a que le Québec pour toujours en remettre: tout libéral soit-il, le gouvernement Charest n'a-t-il pas annoncé, à la mi-décembre, qu'il contestera devant la Cour d'appel de récentes intrusions du fédéral dans le domaine de la procréation assistée?
Pas étonnant, donc, que les juges aient joué sur les mots et les concepts, hier, face à la position du Québec. Celui-ci défend un fédéralisme qui, dans les faits, n'existe pas. Ce ne sont pas des conclusions juridiques mais bien politiques qu'il faudrait tirer d'un tel état des lieux.
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