L’«Harperisation» du Québec

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Harper nous fait mal «pour notre bien»

Au Québec, le pouvoir réel de Stephen Harper ne se mesure pas au nombre de sièges détenus par le Parti conservateur. Il se juge à l’aune de l’influence croissante de ses «stratégies» musclées sur notre culture politique.
Cherchant toujours à consolider sa base et à augmenter ses appuis, l’«approche» Harper repose sur trois axes: 1) Des politiques et un vocabulaire polarisants qui divisent l’opinion – en anglais, on parle de wedge politics. 2) Un contrôle serré du «message» et des communications – au gouvernement, au parti et dans la fonction publique. 3) La diabolisation des adversaires.
Jean Charest et Pauline Marois y ont chacun trouvé une inspiration. Même s’ils ont tous deux échoué à se faire réélire sur cette base, leur manière de divi­ser le Québec en deux clans irréductibles à des fins électoralistes était néanmoins typiquement «harpérienne».
De 2012 à 2015
En 2012, les étudiants en grève étaient réduits par les libéraux à des «enfants gâtés» refusant de payer leur «juste part» et manifestant dans la «violence et l’intimidation». En 2013, critiquer l’interdiction du port de signes reli­gieux proposée par la charte des valeurs valait d’être taxés par les péquistes de «multiculturalistes» opposés aux «valeurs» québécoises.
À l’aube d’un printemps qui s’annonce chaud, Philippe Couillard n’est pas en reste. À quelques semaines d’un budget austère, la bataille pour l’opinion publique commence. Pour discréditer les manifestations antiaustérité appelées à se multiplier, il s’inspire à son tour du grand timonier conservateur et de son élève le plus studieux, Jean Charest.
Comme au temps du Printemps étudiant, M. Couillard veut imposer son lexique. Le mot «austérité» est banni et remplacé par «rigueur» budgétaire. Les «antiaustérité» sont présentés comme des «antiprospérité».
Pour contrôler son «message», M. Couillard interdit maintenant à ses ministres de répondre aux journalistes à l’entrée du caucus. Même les agents de communication du gouvernement disent craindre d’être transformés en «instruments de propagande» de l’austérité libérale.
Discréditer la «rue»
Comme en 2012, M. Couillard et son omniscient président du Conseil du trésor Martin Coiteux discréditent déjà ce que M. Charest appelait la «rue». Cette «rue» est pourtant faite de citoyens, de syndicats, d’étudiants, de féministes, etc. Lesquels ne font qu’exercer leur liber­té de «réunion pacifique» protégée, doit-on le rappeler, par nos chartes des droits.
Or, samedi, à Gatineau, craignant la présence à une activité libérale d’à peine 150 manifestants pacifiques, M. Couillard annulait carrément sa présence et les accusait de faire de l’«intimidation». Le premier ministre serait-il un peureux? Ce n’est pourtant pas son genre. Ou est-ce autre chose?
Serait-ce qu’il n’est peut-être pas tout à fait mécontent de pouvoir jouer ainsi à la victime d’une bande d’«antiprospérité intimidants»? Si oui, cela s’inscrirait aussi parfaitement dans le climat ambiant de polarisation.
Un climat à la sauce Harper qui, sous trois premiers ministres consécutifs en trois ans, s’est installé subrepticement au Québec. Et ce, à chaque fois, sous un gouvernement qui, même à l’encontre de la réalité, cherche à convaincre l’«opinion» que s’il lui fait mal, c’est pour son bien...


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