L'imposture nommée Canada

L'importance du recul historique

Tribune libre

Le Canada, ce beau grand pays! Cette confédération d’un océan à l’autre. Nombreux sont fiers de faire partie du "plusse meilleur pays au monde", grande patrie défenderesse des droits de la personne.
Nous devrions être reconnaissants de vivre dans un tel État de droit. Les libertés grandioses de la common law et l’illustre bonté de vivre sous le doux joug d’Albion! Ou d’Ottawa…ce refrain, nos ancêtres canayens l’entendaient déjà résonner en 1867… et même bien avant!

Nous vous exhortons avec empressement d’avoir recours à un peuple libre, sage, généreux, prêt à vous tendre les bras, à vous affranchir d’un despotisme rigoureux, et à vous faire partager avec eux [sic] les douceurs d’un gouvernement juste, modéré et équitable.
[[Manifeste du 14 novembre 1759 de James Murray, cité dans Guy Frégault, La Guerre de la Conquête, p.362.]]

Les Canadiens, il ne faut surtout pas oublier que c'était comme ça que s'appelaient nos aïeux. Leur pays c'était le Canada. Ce n'est évidemment pas celui qu'on connaît aujourd'hui. Remontons à son origine. Né des suites de la guerre de la Conquête (la French and Indian War pour les Américains), c'est une entité fondamentalement opposée à l'existence en son sein de deux importantes populations étrangères : les Canadiens et les Indiens. Lorsque l'Angleterre a pris possession du territoire de la Nouvelle-France, ce dernier n'était pas vide : y vivaient les Canadiens, descendants des premiers colons français d'Amérique du Nord, établis dans la vallée laurentienne depuis le début du XVIIe siècle. Sur tout le territoire du Canada actuel vivaient de fort nombreuses et diverses nations autochtones. Les Canadiens étaient alliés avec beaucoup de nations amérindiennes; la destruction de la Nouvelle-France allait pour nos frères indiens s’avérer encore plus désastreuse que pour les Canadiens.
La société coloniale qui existait et qui a combattu pour sa survie se vit assujettie militairement, puis économiquement et politiquement par ses conquérants. Brisée, détruite, brûlée, réduite à la famine et aux exactions de l’ennemi. Plus de 10 000 Canadiens auraient trouvé la mort lors de la guerre de la Conquête. Nous ne saurons jamais précisément combien de nos frères et sœurs amérindiens périrent des suites de ce conflit.
J'ignore par quel procédé intellectuel rigoureux de sérieux historiens professionnels ont pu prétendre que la Conquête et ses suites furent de bonnes choses pour les Canadiens. Qu’ils en profitèrent! Il me semble évident qu'un tel évènement ne peut qu'avoir de graves et profondes conséquences sur le devenir d'un peuple...
C’est une chose que les historiens britanniques d’alors et Canadians d’aujourd’hui chantent les vertus de la providentielle Conquête. C’en est une tout autre lorsque nos propres historiens se font les porte-voix des ennemis d’hier.
Propos d’un historien canadian, 1901.
« […] a brief review of the colonisation of the valley of the St. Lawrence by the french, and of their political and social conditions at the Conquet, so that a reader may be able to compare their weak and impoverished state under the repressive dominion of France with the prosperous and influential methods of British rule. »
[[John G. Bourinot, Canada under British rule. 1760-1900, 1901, p. VII]]

Propos d’un historien canadien-français, 2001.
Dans ces nouvelles conditions, heureuses pour la société canadienne et malgré les pertes qu’elle a faites en 1760, il est excessif de parler de « catastrophe » et de « décapitation ». Parlons plutôt d’évolution soudaine et forcée, d’un choc profondément ressenti. Ce choc lui a fait prendre une orientation nouvelle qui, à bien des points de vue, semble aujourd’hui avoir été à son avantage.
[[Marcel Trudel, Mythes et réalités dans l’histoire du Québec. 2001, p. 233.]]

L'Angleterre devint la nouvelle mère nourricière pour ses intérêts et celle de son peuple d’abord (Wasp). Toutefois la guerre dont elle sortait grande gagnante lui avait coûté terriblement cher. Elle lui coûterait encore plus avec la guerre d’indépendance des treize colonies américaines. La couronne britannique dut composer avec une situation tellement difficile en Amérique du Nord qu’elle concéda par l’Acte de Québec de 1774 la Coutume de Paris (le droit civil français), le respect de la langue française et de la religion catholique dans la Province of Quebec, ainsi que le rétablissement du régime seigneurial. Mesures qui annulaient des grands pans de la proclamation royale de 1763; les autorités coloniales britanniques craignaient que les canadiens se joignent au soulèvement et à la révolution.
Néanmoins, malgré ces importantes concessions, l’établissement d’un régime constitutionnel en 1791, le gouvernement est fondamentalement hostile à leur existence…car érigé sur les ruines de leur ancienne société et construit à leur corps défendant. Souvent à leurs dépens.
La situation des Canadiens et des habitants du Bas-Canada allait s’avérer tellement insupportable qu’elle mena au soulèvement des patriotes. Révolution écrasée impitoyablement qui mena à une reconfiguration politique souhaitée déjà depuis les années 1820. Quelques années plus tard, lorsque l’on voulut reconnaître les exactions commises par les troupes de Sa majesté et voter des réparations à cet effet, le parlement de Montréal fut brûlé à l’incitation du journal The Gazette…
L’objectif derrière l’Acte d’Union de 1840 n’était pas de donner le gouvernement responsable aux habitants du Bas-Canada et du Haut-Canada. Les historiens officiels du régime et leurs laquais canadiens-français mentent lorsqu’ils affirment telle chose. D’abord, il fallait minoriser les Canadiens dans la chambre du Canada-Uni, qui d’ailleurs ne fonctionnerait qu’en anglais : on octroya autant de sièges pour les deux colonies malgré le plus grand nombre d’habitants du Bas-Canada; on combina les deux dettes, ce qui convenait pour le Haut-Canada, plus endetté. Le gouvernement responsable n’apparut qu’en 1848. Les patriotes étaient des républicains inspirés par l’exemple américain et français. Ils ne se sont pas battus pour « le gouvernement responsable ». Ils combattirent pour la liberté et l’indépendance du Bas-Canada. Pour un système démocratique inspiré des Lumières, une république qui incluait les anglophones bas-canadiens.
N’oublions pas qu’essentiellement, le Canada de 1867 poursuit les mêmes objectifs politiques et économiques. L’assimilation des canadiens-français se poursuit inlassablement et inéluctablement. La destruction des peuples amérindiens, confinés dans des réserves terribles, continue. Le peuple québécois n’a pas à porter ce poids, car il n’est pas responsable du sort de ses frères amérindiens; toutefois lorsqu’adviendra notre indépendance, nous traiterons avec dignité et respect les peuples autochtones qui savent nous rendre la pareille.
Il paraît toutefois que les Québécois souffrent de tares tellement horribles qu’ils ne peuvent décider par eux-mêmes. Ils ne peuvent pas parler sur les tribunes internationales. Ils ne contrôlent pas complètement leur territoire. En fait, ils ne le doivent pas, car leur indépendance serait « un crime contre l’humanité ». Rien de moins! Les Québécois forment un peuple dominé par un autre, menacé de disparaître à plus ou moins long terme.
Pourtant...
Le Canada est paraît-il un grand pays qui respecte sa population… ses peuples fondateurs…
L'étymologie du mot démocratie signifie "la souveraineté du peuple".
Toute une démocratie, où 9 personnes non élues sont nommées unilatéralement par le chef d'État…où la volonté d'un peuple entier peut être annulée par 9 petites personnes…tout ça de façon constitutionnelle, légale...
N'en déplaise aux partisans du statu quo, aux peureux, aux bandits, aux canadians, qui disent toujours que "c'est de l'histoire ancienne et des vieilles chicanes », les conséquences de la Conquête se font toujours sentir depuis.
Il ne faut habituellement pas beaucoup de mécontentement pour que les masques tombent et qu’Ottawa révèle son véritable visage. Celui de l’oppresseur. D’un régime autoritaire et usurpateur. Loin d’être une confédération, le Canada est un État unitaire et centralisateur. C’est un pays anglais. Le Canada? «Pourfendeur de francophones. Meurtrier de Métis. Assassin d’autochtones!»[[Loco Locass : La Censure pour L’échauffaud]]


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1 commentaire

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    16 décembre 2013

    Les statuts résument et portent l’histoire.
    C’est un fait que l’Acte de Québec de 1774 fut consenti pour ne pas que les Habitants se joignent à la révolution américaine. Il s’agit de la première reconnaissance par une puissance étrangère de l’État nation du Québec dans ses caractéristiques essentielles : religion, langue, coutume de Paris (devenu le Code Civil). Sans cette reconnaissance le Canada n’existerait tout simplement pas.Et les États Unis s’étendraient du Rio Grande jusqu’au Père Noël !
    C’est là l’argument que j’ai tenu au micro lors du Colloque sur l’Acte de Québec de 1774, à la Grande Bibliotèque, début octobre 2013.
    En même temps qu’elles furent forcé à cette reconnaissance, les autorités britanniques ont exprimé la volonté d’assimiler les Habitants sur le long terme, en les enfermant dans le cadre des institutions britanniques. L’évolution des statuts (constitutionnels) subséquents visent exactement ce but. (C’est l’argument que j’ai tenu à une historienne canadienne présente au Colloque et qui m’a donné raison).
    Les statuts résument et portent l’histoire.
    « L’annexion mène à l’assimilation » ( Maurice Séguin)
    Sortir de cette cage à castor est donc une enjeu existentiel pour les Habitants (*).
    JCPomerleau
    (*) Habitants : entité politique reconnue par Guy Carleton (missive à Londre de novembre 1767) et Georges Washington (lettres du Congrès Continental adressées en entêtes, aux Habitants), lequel a conclu que sans les Habitants, il ne pouvait chassé les britanniques du continent