Le rôle premier de l’opposition est de surveiller le gouvernement et, dans la mesure du possible, de contribuer à l’amélioration des politiques qu’il propose.
Dans un système où l’alternance est la règle, elle a cependant une autre fonction qui n’est pas négligeable. Après quelques années de pouvoir, il est hautement salutaire qu’un parti fasse une cure d’humilité dans l’opposition pour éviter qu’il en arrive à croire que le pouvoir lui appartient de droit.
Le problème est que le PLQ n’y a pas séjourné assez longtemps depuis sa victoire d’avril 2003. Même à l’élection de septembre 2012, la défaite libérale a été si courte que plusieurs l’ont interprétée comme un accident de parcours, ce que les résultats du scrutin d’avril dernier ont semblé confirmer. Après un purgatoire d’à peine dix-huit mois et l’assurance de gouverner pendant au moins quatre autres années, il est inévitable que certains succombent à l’ivresse du pouvoir.
Le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, en est une parfaite illustration. Depuis sa nomination aux Transports, tout a semblé lui réussir. Même son passage dans l’opposition a été plutôt grisant. Dans la course à la succession de Jean Charest, il en a surpris plus d’un en coiffant au fil d’arrivée son ex-collègue des Finances, Raymond Bachand. Depuis, il fait figure de dauphin du premier ministre Couillard.
Même s’il est devenu l’ennemi public numéro 1 aux yeux des syndicats qui représentent les employés municipaux, la façon dont il a piloté le projet de loi 3 sur les régimes de retraite a été généralement appréciée par la population, d’autant plus que la majorité des Québécois ne disposent pas d’un régime de retraite, encore moins d’un régime aussi généreux. Je lui ai moi-même décerné un A dans mon récent bulletin ministériel.
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La façon cavalière dont il s’en est pris aux municipalités qui, à l’instar de Laval et Longueuil, augmenteraient les taxes au-delà de l’inflation sous prétexte que le gouvernement leur a refilé ses factures donne cependant la désagréable impression d’un power trip. Ayant pris soin d’amadouer, Montréal et Québec, M. Moreau fait penser à un matamore qui persécute les petits dans une cour d’école, tout en évitant soigneusement de s’en prendre aux grands.
Certes, les municipalités sont théoriquement les « créatures » du gouvernement, lequel détient sur elles un pouvoir de vie ou de mort, comme l’ont démontré les fusions imposées par le gouvernement Bouchard, auxquelles M. Moreau s’était précisément opposé. À moins de problèmes réellement graves, ce qui n’est pas le cas, l’autonomie des municipalités, qu’il défendait à l’époque, est un principe largement accepté. Ses menaces sont nettement disproportionnées par rapport à ce qu’il leur reproche.
Si les contribuables de Laval et de Longueuil jugent les hausses de taxes excessives, ils pourront l’exprimer lors des prochaines élections municipales, comme les électeurs de l’ensemble du Québec pourront porter un jugement sur les politiques d’austérité du gouvernement Couillard en octobre 2018.
Loin de tempérer les ardeurs de son bouillant lieutenant, le premier ministre l’a appuyé sans réserve, de la même façon qu’il a laissé Gaétan Barrette s’arroger des pouvoirs sans précédent sur le réseau de la santé, alors que lui-même plaidait il y a à peine trois ans pour la création d’une société d’État indépendante, précisément pour mettre le réseau à l’abri de l’arbitraire du ministre. Ivresse, quand tu nous tiens…
Sans grande surprise, le dernier sondage Léger Marketing–Le Devoir a enregistré une baisse significative du taux de satisfaction à l’endroit du gouvernement, mais les libéraux seraient tout de même réélus.
De toute manière, ils ont l’habitude des mauvais sondages entre les élections. Peu après sa victoire de 2003, le PLQ s’est retrouvé deuxième dans les intentions de vote et l’est demeuré pendant presque tout le premier mandat de Jean Charest. En 2007, il a dû se contenter de former un gouvernement minoritaire, mais il a retrouvé une majorité dès l’année suivante.
En 2012, et surtout en 2014, il est clairement apparu que la possibilité même lointaine d’un référendum avait pour effet d’augmenter substantiellement le niveau de tolérance dont pouvaient profiter les libéraux. Il leur a suffi d’un purgatoire de dix-huit mois pour se faire pardonner des années de magouille.
Outre une éloquente démonstration de la force de l’image et la fascination qu’exerce l’argent, l’avance considérable dont bénéficie Pierre Karl Péladeau traduit très bien le désir des militants péquistes de revenir à une promotion tous azimuts de la souveraineté, quitte à précipiter ceux qui la redoutent dans les bras des libéraux, peu importent leurs torts, et ces derniers le savent très bien. Pas étonnant que certains s’enflent la tête.
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