C’est comme un film choral. Tout le monde se retrouve à la fin. La prochaine réunion des cabinets de la Coalition avenir Québec aura des allures de conventum péquiste, bien des employés politiques des années Landry, Boisclair et Marois se retrouvant dans les officines du gouvernement. Devant la photo de famille, un constat s’impose : près de huit ans après sa création, même si elle pouvait s’appuyer sur les effectifs de l’Action démocratique qui l’a précédée, la Coalition avenir Québec n’est pas parvenue à attirer beaucoup de nouveaux cerveaux. Même chose au niveau de la haute fonction publique, où le nouveau fonctionnaire numéro un, Yves Ouellet, a à l’évidence eu carte blanche pour remplir les bureaux du Conseil exécutif. Pour les apparatchiks, on n’est pas parti d’une page blanche. La page était bleue, en fait. Pascal Mailhot, issu du cabinet de Bernard Landry, a, dans ces choix, joué un rôle déterminant. Déjà, il faut rappeler que Martin Koskinen, chef de cabinet de François Legault, était dans l’entourage de ce dernier à l’époque où il était ministre péquiste. Beaucoup de choix s’expliquent par cette chaîne d’ex-collègues. Stéphane Gobeil et Manuel Dionne, rédacteur de discours et nouveau « directeur des relations avec les médias » au cabinet du premier ministre, venaient directement de l’entourage de Pauline Marois. Florence Plourde, elle, a quitté plus récemment le PQ de Jean-François Lisée. Tous étaient déjà là avant la campagne électorale. Mais on a ajouté bien des péquistes. C’est ainsi que Michel Léveillé, ex-directeur des communications du PQ, devient secrétaire général associé aux communications. Du côté politique, Valérie Noël-Létourneau est attachée de presse. Elle occupait la même fonction auprès de Pascal Bérubé, quand il était ministre. Les nominations du premier Conseil, jeudi soir, indiquaient que Brigitte Pelletier, ex-chef de cabinet de Bernard Landry, devenait sous-ministre du Travail ; elle était au purgatoire de la Commission municipale. La liste des chefs de cabinet, encore incomplète, a l’allure d’un copier-coller des cabinets de Lucien Bouchard ou Bernard Landry. Le bureau de François Legault a imposé ses choix aux ministres, tous néophytes. Quelques proches de Pauline Marois ont refusé le retour à la vie trépidante des cabinets politiques, mais on négociait encore avec d’autres, Pierre-Paul Côté et Martin Philippe Côté, issus des gouvernements Landry et Marois, par exemple. Geneviève Guilbault, vice-première ministre et responsable de la Sécurité publique, aura pour chef de cabinet Alain Lavigne, qui occupait la même fonction auprès de Gilles Baril il y a près de 20 ans. La carrière de M. Lavigne marquait le pas depuis plusieurs années. Aux Finances, Éric Girard, totalement « vert » en politique, pourra compter sur une recrue on ne peut plus aguerrie : Denis Dolbec. Cet ex-chef de cabinet de Denis Coderre occupait déjà le même poste pour Serge Ménard sous Lucien Bouchard. EX-EMPLOYÉS DE QUÉBECOR Deux autres chefs de cabinet viennent directement de Québecor. Alexandre Ramacieri, bras droit de Pierre Karl Péladeau dans la course à la direction du PQ, faisait partie du cabinet de Nicolas Marceau, ministre des Finances de Pauline Marois. Il dirigera l’équipe de Pierre Fitzgibbon. Hugo Delaney, qui dirigera le cabinet de l’Environnement où il relèvera de MarieChantal Chassé, était aussi chez Québecor ; il était passé au cabinet de l’ancien chef péquiste André Boisclair. On retrouve là aussi Emmanuelle Géhin, qui était également chez Boisclair. Philippe Ouellet, quant à lui, sera chef de cabinet de la ministre à la Métropole, Chantal Rouleau. Denis Simard, chef de cabinet de Danielle McCann à la Santé, était au cabinet de Bernard Landry. La directrice des communications y sera Monique Guay, la conjointe de Guy Bouthillier, ancien chef de cabinet de Jean-François Lisée sous Pauline Marois. Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés, sera aussi épaulée par une ex-péquiste, Pascale Fréchette. À la Famille, le chef de cabinet de Mathieu Lacombe sera l’ancien député péquiste de Joliette et ex-président du PQ Jonathan Valois. Andrée Laforest, aux Affaires municipales, aura comme chef de cabinet Francis Côté, issu du cabinet de François Croteau, de Projet Montréal, et, surtout, ancien responsable du bureau de circonscription de Nicolas Girard, député péquiste. Aux côtés de Me Jean Boulet, titulaire de l’Emploi, on retrouve Pierre Schetagne, jusqu’ici directeur de l’ITHQ, un ancien du cabinet du ministre François Legault avec qui il a un lien de parenté. UNE NOTE DE ROUGE Seules notes rouges dans l’océan bleu – que soulignent à grands traits les stratèges de la CAQ, soucieux de préserver l’image d’une coalition : Marie-Eve Bédard sera directrice de cabinet de Christian Dubé, au Trésor. Elle occupait cette fonction sous le ministre libéral Yves Ouellet après avoir été candidate défaite du PLQ en 2014. Mais la boîte de relations publiques où elle travaille depuis quelques années est dirigée par un ancien du cabinet Lévesque et l’ancien bras droit de Guy Chevrette. Autre libérale, Véronik Aubry, passée par Recyc-Québec après avoir été attachée de presse de Line Beauchamp à l’Environnement. On est rarement allé puiser dans les rangs caquistes pour les postes stratégiques. Issu de l’ADQ, resté avec la CAQ, Guillaume Simard-Leduc sera directeur des communications au cabinet Legault. Joëlle Boutin, candidate caquiste défaite à Québec, s’occupera de l’équipe d’Éric Caire. Un autre ancien de l’ADQ, Jean-Luc Benoît, sera chef de cabinet de la ministre de la Justice Sonia LeBel ; il était surtout passé par la filière conservatrice fédérale. Maxime Robert aussi vient d’Ottawa, des cabinets de Stephen Harper et de Christian Paradis. Il dirigera le cabinet de Marie-Eve Proulx, chargée du développement économique régional. Autre acteur à être passé chez les conservateurs fédéraux, Sébastien Bénédicte, qui dirigera le cabinet d’André Lamontagne à l’Agriculture. Même chose pour Manon Gauthier, issue de l’équipe Coderre. Candidate défaite dans Maurice-Richard, elle dirigera l’équipe de Nathalie Roy, à la Culture. HAUTS FONCTIONNAIRES INDÉPENDANTS Yves Ouellet, le « secrétaire général du gouvernement », n’a manifestement pas eu de suggestions « caquistes » pour pourvoir les postes stratégiques des fonctionnaires du conseil exécutif. Sous Philippe Couillard, on avait vite distribué ces emplois influents et bien rémunérés, presque chaque fois à des libéraux bon teint. Cette fois, M. Ouellet a pu puiser dans la réserve des administrateurs qu’il connaissait depuis longtemps. Aussi, ironiquement, la plupart des mandarins viennent de la Société québécoise des infrastructures (SQI) que M. Ouellet dirigeait avant les élections – plusieurs étaient déjà avec lui au Trésor. Manon Boucher, Marie-Pier Langelier et Carl Lessard viennent tous de la SQI, et ils seront responsables des comités ministériels, une position névralgique. Josée De Bellefeuille, venue du même organisme, sera responsable du comité de la législation, poste généralement confié à un juriste aux longs états de service. Le poste névralgique des emplois supérieurs est traditionnellement réservé à un ami du parti au pouvoir. Ce sera différent, cette fois. Line Bérubé, nommée jeudi, n’a pas de couleur politique. DÉBUT DU MANDAT DE FRANÇOIS LEGAULT Pour sa première conférence de presse à titre de premier ministre assermenté, hier, François Legault a détaillé les priorités pour son début de mandat. Comme promis en campagne électorale, la question du port de signes religieux chez les fonctionnaires en position d’autorité sera réglée « rapidement ». M. Legault va également voir ce qu’il est « capable de faire avant Noël » afin de baisser le fardeau fiscal des Québécois. Bilan. HUGO PILON-LAROSE ET MARTIN CROTEAULA PRESSE UN CADEAU FISCAL POUR NOËL Les 100 premiers jours d’un gouvernement sont importants pour marquer le pas. À ce titre, le premier ministre François Legault s’est montré prudent, hier, en rappelant que plusieurs engagements (comme la prématernelle 4 ans) prendraient des années à se déployer entièrement. « Pour l’instant, [la priorité] c’est d’abord de remettre de l’argent [aux Québécois] […]. J’ai mandaté le ministre des Finances pour regarder ce qu’on est capables de faire avant Noël. Je suis confiant qu’on sera capables de faire des annonces d’ici là », a-t-il dit hier dans le hall principal de l’édifice Honoré-Mercier, à l’Assemblée nationale. Pour déployer son programme législatif et les nombreux projets qu’il a promis en campagne électorale, le gouvernement caquiste appellera la Chambre à siéger dès le 27 novembre. LA LAÏCITÉ, UN DOSSIER RÉGLÉ « RAPIDEMENT » François Legault souhaite régler « rapidement » le dossier de la laïcité en interdisant le port des signes religieux chez les fonctionnaires en position d’autorité et les enseignants. Or, la route menant à l’adoption de cette politique s’annonce déjà sinueuse. En entrevue à la CBC, Charles Taylor – le célèbre philosophe qui a cosigné en 2008 avec Gérard Bouchard un rapport ouvrant la voie (en partie) à cette position – a critiqué le plan de la Coalition avenir Québec (CAQ) comme étant « ignorant ou intellectuellement malhonnête ». « La CAQ utilise le rapport pour faire des choses que ce même rapport condamne. C’est une opération très malhonnête », a dit M. Taylor à la télévision publique. « Je ne réfère pas au rapport Bouchard-Taylor parce que nous l’avons changé. Nous proposons [contrairement aux deux chercheurs] d’ajouter les enseignants du primaire et du secondaire » aux employés à qui il sera interdit de porter des signes religieux, a pour sa part rétorqué M. Legault. Sur la délicate question de la laïcité, le premier ministre se dit toutefois ouvert à chercher un « consensus ». Pourrait-il ainsi soustraire l’interdiction de porter un signe religieux aux enseignants, si des partis de l’opposition le réclamaient ? « Il est trop tôt pour répondre à cette question-là, mais moi, je n’ai pas changé d’idée. […] On va consulter, on va voir s’il y a des consensus qu’on est capables de dégager », a répondu M. Legault. RÉFORME DU PROGRAMME D’AIDE AUX SINISTRÉS Insatisfait de la manière dont Québec a appuyé les sinistrés de la tornade de Gatineau, François Legault a promis hier une réforme du programme d’aide aux victimes de catastrophes naturelles. Vingt-quatre heures après sa prestation de serment, le premier ministre s’est rendu à Gatineau pour visiter les lieux de la tornade qui a ravagé le quartier Mont-Bleu le mois dernier. « Je ne suis pas satisfait de la façon dont on a travaillé jusqu’à présent », a-t-il déclaré sans détour, au lendemain de la première réunion de son cabinet. M. Legault a mandaté sa ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, de préparer un nouveau programme d’aide aux victimes de sinistre. L’objectif sera d’accélérer le traitement des demandes et d’être plus souple à l’égard des sinistrés. « Quand on a perdu 50 000 $ de nos biens et que c’est à peu près tout ce qu’on possède, les gens ont une seule question : quel pourcentage on va me rembourser ? a expliqué le premier ministre. Même si le chèque n’arrive pas demain matin, au moins si le gouvernement s’engage à rembourser un certain pourcentage, ça peut rassurer et ça peut enlever du stress. »PRIORITÉ À LA LAÏCITÉ ET À UNE BAISSE DU FARDEAU FISCAL