La «cheese week» ou la bêtise de l’anglomanie

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La fierté de parler français se perd : demain le Québec sera-t-il l'Acadie ?

Ainsi, la Cheese Week s’amène à Québec. Les gourmands se réjouissent : qu’une vie sans fromage serait triste ! Vaudrait-elle même la peine d’être vécue ?


Ici, il y a consensus.


Mais ceux qui pleurent, ce sont les francophones, lorsqu’ils se demandent d’où vient cette étrange manie d’angli­ciser tout ce qui ressemble de près ou de loin à un événement mondain. Est-ce que le fromage risque d’avoir moins bon goût si on le nomme en français ? Est-ce que le camembert manquera de charme ? Est-ce que le vieux cantal sera dégradé en triste P’tit Québec ?


Fromage


On pourrait se poser la même question pour la poutine week, qu’on ne parvient apparemment pas à appeler la semaine de la poutine.


D’où vient notre difficulté à nommer le monde dans notre propre langue ? D’où vient cette idée que la langue française serait ringarde ? Faut-il y voir une simple mode un peu idiote, comme il y en a tant et comme il y en a toujours eu ?


Ou faut-il y voir plutôt une autre manifestation de notre colonisation mentale, de notre conviction de plus en plus intime que ce qui est français est inférieur, et que ce qui est dynamique, tendance, désirable, excitant, appétissant, éblouissant est anglais ?


Le français serait la langue de la tendresse familiale, et l’anglais celle de la modernité. S’ils s’en convainquent vraiment, les Québécois en viendront à se dire qu’ils doivent vraiment se déculturer pour s’ouvrir sur le monde.


Cette tendance est généralisée. Alors qu’ils disposent, pour le meilleur et pour le pire, d’un patrimoine de jurons impressionnant, qui va du câlisse autabarnak, en passant par le ciboire, le sacrament, le criss, l’hostie et le baptême, et tant d’autres mots un peu moins redevables à notre histoire religieuse, ils sont de plus en plus nombreux, surtout dans la jeune génération, à remplacer ces termes par le terne « fuckin », qui manque à la fois de charme et de nuances !


Il y a quelques années, c’était même la mode pour une jeune personne de demander à ses amis de lui envoyer du « love », comme si l’amour, l’affection ou la tendresse ne voulaient plus rien dire ! Sans faire trop d’efforts, on pourrait trouver d’autres expressions du même genre.


Est-ce à dire qu’il faut s’interdire tous les mots anglais ? Pas nécessairement. Une langue se réinvente en empruntant des mots aux autres langues, évidemment. Mais lorsqu’elle se met paresseusement à la remorque d’une autre, elle s’assèche.


Anglicisation


Mais peut-être ne faut-il pas être surpris. Une langue est aussi un marqueur de statut social et politique.


Dans un Québec de plus en plus dédaigneux de sa propre identité, de sa propre culture, de sa propre histoire et de son propre avenir politique, faut-il se surprendre que l’anglais remplace peu à peu le français ? Le français régresse parce que le peuple québécois est aujourd’hui engagé sur le chemin de l’assimilation tranquille. Vae victis, comme on dit en latin.