Le 250e anniversaire de ladite bataille des Plaines d'Abraham

La fameuse lettre de Montcalm à Townshend

Extraite d'une publication satirique parue à Londres en 1777

Tribune libre



Lorsque nous étions écoliers, notre petit livre d’histoire nous rappelait les dernières heures pathétiques de Montcalm.
On nous relatait entre autres, citant l’abbé Casgrain, la fameuse lettre de Montcalm agonisant adressée à Townshend le successeur de Wolfe à la tête des troupes anglaises et présentée en ces termes:
«À travers les ombres de la mort qui l'enveloppaient Montcalm entrevit un dernier devoir à remplir, celui d'implorer la clémence du vainqueur pour le peuple de colons dont la défense lui coûta la vie.»
Voici un extrait de la lettre qu'il aurait adressée de son lit d'agonie, au général Townshend, pour lui recommander les Canadiens:

«Général, l'humanité des Anglais me tranquillise sur le sort des prisonniers français et sur celui des Canadiens. Ayez pour ceux-ci les sentiments qu'ils m'avaient inspirés; qu'ils ne s'aperçoivent pas qu'ils ont changé de maîtres. je fus leur père, soyez leur protecteur.»
Dans une conférence devant la Société Royale du Canada Sir Thomas Chapais sénateur et historien, (1926) a finalement mis en doute l’authenticité de cette lettre.
« Toujours d’après Chapais cette lette de Montcalm agonisant adressée à Townshend n’est ni citée, ni mentionnée dans aucun mémoire, dans aucun récit, dans aucun journal contemporain. Les papiers de Montcalm et de Townshend n’en contiennent aucune trace. Jusqu’en 1867, personne n’en a jamais entendu parler» C’est une lettre qu’on cherche encore
Même Chapais confesse lui-même s’être laissé aller sur cette fameuse lettre dans une publication les Nouvelles Soirées Canadiennes en 1882
« Enfin au dernier moment, à l’heure des voeux suprêmes et des recommandations sacrées lorsque les ombres de la mort s’étendent sur sa mâle figure, il écrira au général Townshend « Général , l’humanité des Anglais me tranquillise etc...»
Chapais n’a pas manqué dans son exposé de faire allusion à un document apocryphe paru a Londres en 1777, contenant justement des lettres Montcalm et de Bigot dont ceux-ci ne sont pas les auteurs.
Il s’agit en fait d’un document ou publication satirique qui attribuait des propos et lettres à des personnages pour en tirer une satire.
Citons en exemple, extraite de cette publication, une lettre attribuée au landgrave Frédéric II de la Hesse Classel, attribuée à l’un de ses hauts gradés en Amérique.
« Monsieur le Baron de Hogendorff, je ne puis assez vous témoigner combien la relation que vous ‘avez envoyée m’a comblé de joie, la conduite de mes Hessois qui se sont fait immoler si héroïquement pour une cause qui nous est si étrangère etc« ....« 
(Les Mercenaires allemands au Québec 1776-1783 )
Bref, cette lettre de Montcalm à Townshend qui ornait nos manuels d’histoire est extraite d’un ouvrage satirique paru à Londres en 1777, lettre que l’on retrouve dans tous les ouvrages même sérieux portant sur cette période de l’histoire.

Je rappelle que lorsque l’on veut fabriquer une histoire il faut toujours tenir compte de la chronologie des évènements qui se sont déroulés et de la géographie des lieux.
Voyons plutôt:
- Montcalm fut blessé le 13 septembre 1759, vers 11 hres le matin.
Admis à l’Hôtel-Dieu, «il expirait paisiblement le lendemain le 14 7bre à 5 hres du matin.»
- Wolfe mourut dans la nuit du 12 au 13 septembre 1759 ou encore selon l’historiographie officielle dans la matinée du 13 septembre à 11 hres du matin
- Fut normalement appelé à lui succéder Monckton le commandant en second.
Cependant, ce dernier blessé ou plutôt tassé, ce fut Townshend, après hésitation dit-on, qui assuma le commandement des troupes anglaises. On souligne dans les compte- rendus qu’il y aurait eu un flottement de quelques jours.
Compte tenu de ce qui précède il apparaît que Montcalm aurait rédigé cette lettre entre 11 hres du matin le 13 septembre et 5 hres du matin le lendemain le 14 à son décès.
Première question:
Quand Montcalm a-t-il su que Wolfe avait trépassé?
Comment a-t-il su que Wolfe était entre-temps décédé et de plus manifestement Townshend n’était pas encore en fonction. L’eut-il été. comment l’aurait-il su?
Faut-il rappeler que Monckton était le commandant en second des forces anglaises
Ce dernier un esprit lourdaud auquel on pouvait lui dicter n’importe quoi selon Wolfe, ce dernier pour ces raisons en avait fait son commandant en second.
Cette publication humoristique a dû quand même puiser dans les papiers de Townshend ou quelqu’un d’autres pour y trouver une correspondance qui puisse se prêter à cette satire. Effectivement, il y avait une lettre, que Chapais cependant donne comme authentique, adressée à Townshend signée Montcalm, qui se lit comme suit:
«Monsieur, obligé de céder Québec à vos armes, j’ai l’honneur de demander à Votre Excellence ses bontés pour nos malades et blessés et de lui demander l’exécution du traité d’échange qui a été convenu entre sa Majesté très chrétienne et Sa Majesté britannique. Je la prie d’être persuadée de la haute estime et de la respectueuse considération avec lesquelles j’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.»
Montcalm.
Pour la chronologie des faits, la même remarque s’applique. Il était matériellement impossible que Montcalm puisse écrire même cette dernière lettre. Ce qui a d’étonnant est que personne n’ait cherché à établir la chronologie des faits et toute une génération
d’historiens n'a exercé aucun esprit critique face à ce document Et en plus de s’interroger sur les raisons qu’aurait pu avoir Montcalm de rendre la place suite à l’échec de sa sortie du 13. 7bre.
- Et cette dernière fausse lettre dans les papiers de Townshend
Pour terminer est la grosse question, comment expliquer qu’on ait trouvé cette pièce fabriquée dans les papiers de Townshend?
LES FAUX DOCUMENTS:
À cette fausse lettre de Montcalm à Townshend
S’ajoute le faux acte de capitulation de Québec (18-7bre 1759( Voir Les archives Nationales du Canada, cahier de 1905)
LIEN
La critique en histoire par Thomas Chapais
Et ces lettres qui surgissent de nulle part 100 ans après les évènements.



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3 commentaires

  • Jacques Vaillancourt Répondre

    11 septembre 2009

    En complément de mon article
    «Et cette dernière fausse lettre dans les papiers de Townshend
    Pour terminer est la GROSSE QUESTION, comment expliquer qu’on ait trouvé cette pièce fabriquée dans les papiers de Townshend?»
    « Monsieur, obligé de céder Québec à vos armes, j’ai l’honneur de demander à Votre Excellence ses bontés pour nos malades et blessés et de lui demander l’exécution du traité d’échange qui a été convenu entre sa Majesté très chrétienne et Sa Majesté britannique. Je la prie d’être persuadée de la haute estime et de la respectueuse considération avec lesquelles j’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. »
    Montcalm.

    Il faut rappeler que TOWNSHEND est entré en fonction après la mort de Montcalm survenu le 14 septembre 1759 à 5 hres du matin. En effet, après la mort de Wolfe survenu le 13 septembre 1759, ce n’est qu’après avoir tassé Monckton le second de Wolfe que l’on disait blessé, que Townshend prit le commandement des troupes anglaises. On rapporte qu’il y a eu un flottement de quelques jours.

    Eh bien. Cette lettre de Montcalm à Townshend on y fait allusion dans le rapport Saunders du 18 septembre 1759, soumis à William Pitt, donnant sa version de la capitulation de Québec. (Voir le LIEN)
    «Ci-incluse vous recevrez une copie des conditions de la capitulation. Les négociations relatives à la capitulation de Québec semblent avoir commencées immédiatement après la bataille des Plaines le 13 sept. 1759»

    «Dans une lettre adressée à Townshend, à cette date, Montcalm reconnaît qu’il a été forcé de capituler. »
    «Le 14, M. De Ramesay reçut une communication du commandant anglais au sujet des arrangements en vue de conclure la paix, mais la mort de Montcalm survenue ce jour-là semble avoir interrompu les démarches à ce sujet.
    «On rencontre de fréquentes variations dans la rédaction du texte français comme de la traduction annotatrices dans les version des articles de la capitulation fournie par différents auteurs. Ces variation se rencontrent dans les reproductions françaises et anglaises. Les articles préliminaires de la capitulation reproduite ci-après deux versions distinctes donneront une idée des variations qui se rencontrent aux sources officielles anglaises.» (Le rédacteur des Archives du Canada)
    LIEN:
    Les archives du Canada cahier année 1905
    http://www.geocities.com/vailcour/File0172quecap.html
    Note: Dans tous ces rapports et correspondances , Wolfe et sa mort mystérieuse semblent avoir été relégués aux oubliettes.
    Voir aussi les commentaires de Marie-Hélène morot-sir
    Cordialement
    Jacques Vaillancourt

  • Laurent Desbois Répondre

    8 septembre 2009

    Et que dire des faux communiqués rédigés par la GRC dans les années 1970?
    Est-ce la façon pour Ottawa de réécrire l’histoire dans quelques années?
    C’est peut-être les documents que Jean Charest et André Pratt trouveraient acceptables à « Le Moulin à paroles » qui se déroulera sur les Plaines d'Abraham.

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    6 septembre 2009

    Il est en effet primordial, lorsqu'on se penche sur le passé, de repartir des sources elles-mêmes, et non de ce que les auteurs historiques ou les historiens de chaque époque ont relaté, en repartant eux-mêmes bien souvent, et malheureusement, de textes des historiens précédants ..
    L'exemple donné par Thomas Chapais est extrêmement significatif, lorsqu'il raconte comment l'historien Parkman avoue lui-même, qu'il avait été renseigné en lisant P. Martin, qui avait tiré lui-même son texte de l'abbé Blois, curé de Maskinongé..
    Que dire alors des textes complètement apocryphes, ou ceux qui font une trop merveilleuse apologie des évènements ..
    La connaissance des faits à la source même, est tout à fait essentielle, les archives nationales de chaque pays sont également une source constante, dans lesquelles on peut puiser les textes et missives officielles, envoyées dans l'ordre chronologique où les évènements ont eu lieu... . A ces preuves irréfutables, on peut rajouter les différents écrits, tenus par les personnages, ayant eux-mêmes vécus les situations en direct, que l'on peut alors juxtaposer les uns aux autres afin d'y dénicher tout esprit partisan, de celui qui a tenu la plume sur le vif, et qui a pu être influencé aussi par l'émotion, ou tout autre sentiment ..
    Il sera alors bien difficile d'argumenter, ou d'inventer autre chose, puisque les faits seront bien là, dans la pleine lumière et sans ambiguïté.
    Mais il est particulièrement saisissant au cours des siècles, depuis les grecs ou les romains pour ne parler que de ceux-là, de voir comment les faits historiques ont pu largement être détournés de leur sens initial, que ce soit dans des buts politiques ou religieux de toutes sortes...
    L'abbé Ferland, qui a lui même fait un très grand travail de recherche, pour établir son dictionnaire biographique, a laissé passer quelques erreurs de dates, malgré sa quête minutieuse dans les registres paroissiaux, tenus par les prêtres dans les églises, avant que n'existe l'état civil national français .. Un simple zéro caché par une tache de mouche ou un papier un peu trop jauni, ou encore une pliure de la feuille à cet endroit précis, peut en effet, le faire prendre pour n'importe quel autre chiffre un peu mal écrit .. Si l'on passe trop vite, si on ne prend pas le temps de se pencher sur la chronologie du temps, si on ne vérifie pas plus en détail, la vie de la personne pour laquelle on fait cette recherche, alors la date sera faussée .. Et combien d'auteurs ou d'historiens citent des dates avancées avant eux, sans les vérifier eux-mêmes !
    Il nous faut connaître exactement le passé, et non l'idée que certains s'en font, il est plus que nécessaire que les nouvelles générations l'apprennent aussi dans toute sa rigueur, afin que personne ne puisse arranger les faits historiques à sa convenance, même et y compris dans des séries télévisées ou des bandes dessinées humoristiques... La culture et la connaissance du passé, ne sont-elles pas essentielles à la construction de l'avenir ?
    Nous avons pu observer que ce précepte a été largement utilisé par lord Durham dans son célèbre rapport commandé par Londres, pour discrétider les Canadiens Français lorsqu'il avait énoncé sa bien méprisante phrase : ' un peuple sans littérature et sans Histoire "!