Colloque sur Philippe Séguin - «La politique: une affaire de volonté»

La France et le Québec: un avenir commun?

Le destin québécois



Nous publions cette allocution prononcée aujourd'hui par Mme Beaudoin à Paris, dans le cadre du colloque Philippe-Séguin, «La politique: une affaire de volonté», qui se déroule tout juste un an après le décès du personnage politique. À l'invitation du premier ministre français François Fillon, la députée du Parti québécois participe à la table ronde «Philippe Séguin, une vision de la France dans le monde».

Philippe Séguin a édifié une vision de la France dans le monde dont le Québec est une des pierres angulaires. Cette affirmation peut surprendre, sauf ceux qui l'ont connu ou qui ont lu le livre qu'il a consacré aux relations France-Québec, Plus français que moi, tu meurs!, publié en 2000 alors qu'il venait régulièrement enseigner à l'UQAM. Il a aussi réservé un chapitre au Québec dans son Itinéraire dans la France d'en bas, d'en haut et d'ailleurs (2003).
Et c'est sans compter sa conférence «Revisiter Montcalm» prononcée au Musée de l'Amérique française à Québec en 2002 et publiée en 2003. Tentative assez réussie de réhabilitation du marquis de Montcalm, figure mal-aimée et controversée de notre histoire nationale.
«Si nous voulons les uns et les autres nous développer et nous épanouir en français, écrit-il, il faut que le Québec et la France soient le moteur d'un vrai combat francophone.» Comme la France et l'Allemagne l'ont été, au moins au début, dans la construction européenne. «Au-delà de leurs relations bilatérales, ajoute-t-il, il apparaît désormais que l'intérêt, l'avenir, la portée historique de la relation du Québec et de la France résident dans leur capacité à se projeter ensemble à l'extérieur et à conduire des actions communes.» Tout est dit.
Destin francophone
Depuis le général de Gaulle, qui, à part sans doute Alain Juppé et Michel Rocard, parmi les hommes politiques français, s'est autant investi que Philippe Séguin dans la relation entre la France et le Québec?
Car qui connaissait ou connaît suffisamment à la fois le Québec et la France pour interpeller l'un et l'autre en leur assignant un destin conjoint? Bien évidemment, pour lui, le destin de la France est d'abord européen et celui du Québec, nord-américain — je dirais, pour ma part, américain au sens des Amériques. Mais la France et le Québec doivent aussi, sans que cela soit incompatible dans son esprit, se doter d'un destin francophone.
Pourquoi avoir choisi le Québec comme le «partenaire idéal» dans cette entreprise et non pas le Canada tout entier, la communauté française de Belgique, la Suisse romande ou quelque autre pays? «Parce que le Québec a apporté la preuve, une fois pour toutes, qu'il est possible de concilier la fidélité aux valeurs traditionnelles qui définissent la personnalité d'une nation et l'ouverture aux grands courants de la civilisation universelle.» Parce que le Québec d'aujourd'hui est l'héritier de deux siècles de combats victorieux. Parce qu'enfin, note-t-il: «Je ne crois pas qu'il existe un Français qui aime autant le Québec que moi. Pour ce qu'il est. Pour ce qu'il a accompli. Pour ce qu'il peut faire.»
Globalisation
Quels objectifs dès lors poursuivre ensemble en Francophonie? D'abord et avant tout, faire en sorte que le français demeure une grande langue internationale et que la diversité des cultures puisse s'exprimer à la fois à l'échelon national et dans le monde. Car, explique-t-il, il n'y a pas de liberté sans pluralisme, sans différences, sans multilinguisme. À une langue unique correspond une pensée unique qui mène au triomphe de la globalisation que Philippe Séguin distingue d'une mondialisation assumée et maîtrisée.
La globalisation est, pense-t-il, «un phénomène de nature politique, qui implique un nouvel état du monde caractérisé par une tendance à l'unicité culturelle et idéologique». Il faut éviter que la mondialisation ne se traduise par la globalisation. De là découle le coeur de métier de la Francophonie et des autres grandes aires linguistiques qui se mettent en place et qui aspirent à peser sur les affaires du monde: l'hispanophonie, la lusophonie, l'arabophonie, la turcophonie, etc.
La Francophonie a démontré son utilité lors du débat sur la pertinence d'adopter un instrument international portant sur la diversité culturelle. Débat qui a commencé en 1998 et qui a abouti en 2005 par l'adoption à l'UNESCO de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Grâce à une volonté politique sans faille des gouvernements français et québécois de l'époque, Parti québécois à Québec et Parti socialiste à Paris, ce thème a fait l'objet du Sommet de Beyrouth en 2002 et la Francophonie, d'une seule voix, l'a porté jusqu'à l'UNESCO.
Grande alliance
Philippe Séguin avait donc raison: une grande alliance franco-québécoise peut faire la différence. Aujourd'hui, la culture n'est plus considérée comme une marchandise parmi d'autres et, en principe, les États et gouvernements peuvent, nonobstant les règles du commerce international, soutenir leurs industries culturelles.
Il faudra à nouveau appliquer cette méthode en Francophonie en ce qui concerne le multilinguisme, particulièrement dans les organisations internationales. Le français, à l'instar de beaucoup d'autres langues, recule de façon dramatique à l'ONU et dans ses organismes spécialisés. [...]
Le Parti québécois a déjà pris un engagement fort: faire adopter une convention sur la diversité linguistique. Réussir pour les langues ce que nous avons réussi pour les cultures, en espérant, le moment venu, trouver en France un interlocuteur aussi décidé que nous le sommes et que l'était Philippe Séguin, en regard de l'avenir du français dans le monde.
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Louise Beaudoin - Députée de Rosemont et porte-parole de l'opposition officielle en matière de relations internationales


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