La maison La Fontaine n'intéresse pas Québec

Loi 101 - 30e anniversaire - Adoption de la loi 101


La maison Louis-Hyppolite La Fontaine, où logea ce politicien très marquant au milieu du XIXe siècle, n'est pas près de reprendre vie. Tout indique en effet que le gouvernement du Québec refusera de lui offrir le «classement» patrimonial qui permettrait d'en assurer la protection et la restauration, en raison de l'avis défavorable de la Commission des biens culturels, une instance chargée de formuler des recommandations à la ministre de la Culture et des Communications, Line Beauchamp.

«Les membres ont analysé le dossier de demande de classement déposé par le sénateur Serge Joyal le 13 avril 2006, ainsi que l'évaluation que fait la Direction du patrimoine du ministère quant à la pertinence d'accorder un statut juridique à la maison située au 1395, rue Overdale à Montréal. Pour la troisième fois en neuf ans, le ministère de la Culture et des Communications recommande de ne pas retenir la demande», indique un extrait d'un procès-verbal produit par la Commission des biens culturels du Québec dont Le Devoir a obtenu copie.
La Commission base sa décision sur quatre points principaux. Premièrement, «les hauts faits de l'homme politique Louis-Hyppolite La Fontaine sont déjà largement commémorés par ailleurs», c'est-à-dire qu'il a déjà été honoré de différentes façons. Sa maison natale, située à Boucherville, est déjà protégée, différents parcs portent son nom et aussi un pont-tunnel montréalais, précise l'attachée de presse de la ministre, Véronik Aubry. En second lieu, «le bâtiment et son contexte ont perdu leur valeur d'intégrité». Aussi, «la maison a été citée [comme monument historique] par la Ville de Montréal en vertu de la Loi sur les biens culturels, c'est à l'administration municipale qu'il revient de conserver le monument en bon état». Et enfin, «le gouvernement du Canada a rejeté la demande d'attribution d'un statut juridique».
Douche froide

À l'abandon depuis près de deux décennies, la maison où logea La Fontaine de 1849 à sa mort, en 1864, demeure donc sans statut. Cette décision risque fort de décevoir les nombreux partisans de la transformation de cet édifice en un lieu de commémoration de l'histoire politique du pays. Résidence de La Fontaine alors qu'il était premier ministre, cette maison a notamment été saccagée par une foule en colère en 1849, à la suite de la Loi d'indemnisation votée pour venir en aide aux victimes de la répression de la révolte des Patriotes de 1837-1838. C'est à La Fontaine qu'on doit l'idée du gouvernement responsable, mais aussi l'abolition du régime seigneurial et la première véritable taxe scolaire.
La démarche du sénateur Serge Joyal était d'ailleurs appuyée par de nombreux historiens, des universitaires, l'écrivain et ancien prince consort John Ralston Saul, mais aussi lord d'Elgin et de Kincardine, en Écosse, un descendant du gouverneur général qui, en 1848, avait adopté les principes du gouvernement responsable proposés par Baldwin et La Fontaine. Pour l'heure, M. Joyal préfère attendre un avis écrit de la ministre Beauchamp avant de faire des commentaires.
À l'arrondissement de Ville-Marie, si on s'attendait plutôt à un avis favorable du ministère, on souhaite également voir une réponse écrite du ministère avant d'étudier les autres façons de sauvegarder le bâtiment. Pour l'instant, celui-ci est seulement protégé des pics des démolisseurs, et ce, depuis 1988. «On a des recours pour éviter la démolition, mais on n'a aucun recours si on n'est pas propriétaire pour la protéger réellement», explique le porte-parole de l'arrondissement, Jean-Yves Dutel. Plus tôt cette semaine, il avait signifié que «la maison doit être classée par Québec d'abord», avant que la Ville puisse intervenir, un projet auquel souscrivait selon lui le maire de l'arrondissement, Benoît Labonté. Véronik Aubry soutient toutefois que la Ville pourrait recevoir des sommes du ministère de la Culture à travers le Fonds du patrimoine culturel si elle entreprenait des démarches de restauration.
Construite entre 1844 et 1846, la maison aux fenêtres placardées est plantée au milieu de l'îlot Overdale, dans l'ouest de Montréal, un secteur du centre-ville qui fait l'envie des promoteurs immobiliers. Le directeur des politiques à l'organisme Héritage Montréal, Dinu Bumbaru, rappelle que cette maison a été découverte par hasard dans les années 1980 par des historiens qui s'intéressaient à ce secteur de Montréal. Il s'agit du seul bâtiment à avoir été épargné par les pics des démolisseurs dans ce «tissu urbain très intéressant sur l'avenue Overdale», selon M. Bumbaru.
«Montréal, au XIXe siècle, a été un témoin privilégié de l'histoire. Nous avons vu ici des mouvements révolutionnaires qui ont fait progresser notre société, ajoute-t-il. Il faudrait que le gouvernement se porte acquéreur du bâtiment et qu'il développe un projet culturel, par exemple un musée.» Héritage Montréal avait placé cette année la maison sur sa liste des grands malades du patrimoine montréalais.
On ne peut attendre aucun geste de la part d'Ottawa. «Pour Parcs Canada, le site n'est pas jugé d'intérêt patrimonial», affirme M. Bumbaru, notamment parce que la maison natale de Louis-Hyppolite La Fontaine, maison d'esprit français érigée en 1776, a déjà été classée monument historique en 1965.
Le directeur des politiques de l'organisme Héritage Montréal avait déjà fait parvenir une lettre à ce sujet au gouvernement fédéral et à la ministre Beauchamp en août 2005, leur enjoignant de classer la maison «comme lieu historique national». Il pressait Ottawa d'intervenir, «par exemple en acquérant cet édifice pour l'intégrer à son réseau de lieux commémoratifs ou en formant un partenariat avec des institutions à Montréal, afin d'assurer effectivement sa protection, sa conservation et sa mise en valeur».
Selon Éric Bédard, historien spécialiste de Louis-Hyppolite La Fontaine, cet édifice «est un lieu très important pour l'histoire du Québec et du Canada». Même que, selon lui, la maison natale de La Fontaine, située à Boucherville, est «moins symbolique que celle de Montréal, riche en histoire».


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