Insensible aux Québécois, pour les uns, centralisateur, pour les autres
Michael Ignatieff et Justin Trudeau, à Montréal, jeudi soir - Photo: Jacques Nadeau
Hélène Buzzetti - Les adversaires de Michael Ignatieff s'en sont donné à coeur joie hier, accusant le chef libéral de ne rien comprendre aux Québécois ou encore d'être désespérément centralisateur. La veille, M. Ignatieff avait fait des déclarations que tous ont lues.
Ottawa -- Le chef libéral Michael Ignatieff a reçu une volée de bois vert hier, après avoir affirmé que la reconnaissance de la nation québécoise, dont il s'était fait le défenseur dès 2006, ne débouchera pas sur des concessions de nature constitutionnelle sous son règne.
Tant les bloquistes que les néodémocrates et les conservateurs ont accusé le chef libéral de ne pas comprendre les Québécois qu'il courtise. Le chef adjoint du Bloc québécois, Pierre Paquette, était sidéré. «C'est purement scandaleux», a-t-il lancé à sa sortie des Communes, hier.
Pour M. Paquette, la reconnaissance de la nation québécoise devrait au contraire se traduire par l'application de la loi 101 dans les entreprises à charte fédérale (comme les ban-ques ou les compagnies aériennes) ou encore par le transfert des compétences et des budgets fédéraux en matière de culture. «M. Ignatieff nous dit dès le départ qu'à tout ça, il est fermé, que la situation actuelle lui convient tout à fait, ce qui n'est pas la lecture que font tous les Québécois, qu'ils soient fédéralistes ou souverainistes.»
En entrevue avec Le Devoir jeudi, M. Ignatieff a déclaré que la reconnaissance de la nation québécoise relevait du simple «constat» et qu'il n'était pas prêt pour autant à entamer de déchirants débats constitutionnels pour mettre de la chair autour de l'os. «Les bloquistes et les nationalistes attendent plus de contenu constitutionnel, mais je crois que les Canadiens, de langue française ou anglaise, en ont marre des discussions constitutionnelles parce qu'ils gardent un assez mauvais souvenir des tentatives des années 1990.»
Le Bloc croit que ce n'est pas que les Québécois n'aiment pas Michael Ignatieff, comme on serait tenté de le croire en lisant les sondages mettant désormais sa formation à égalité avec le Bloc québécois, mais plutôt qu'ils ne le connaissent pas. «Donc, nous, le travail qu'on va faire, et on le fait depuis déjà plusieurs semaines, c'est de le faire connaître», a dit M. Paquette. Les conservateurs aussi croient que les électeurs ne connaissent pas le chef libéral, d'où la série de publicités négatives.
À la Chambre des communes, le député conservateur Jacques Gourde a cité le titre du Devoir d'hier comme preuve que «le chef de l'opposition incarne la pire tradition centralisatrice du Parti libéral. S'il nous fait des beaux yeux, il rêve lui aussi de nous mettre à notre place». Toutefois, au cours d'une conférence de presse à laquelle il participait plus tard dans la journée, M. Gourde n'a pas su dire quels nouveaux pouvoirs son gouvernement serait prêt à consentir. Il a littéralement bredouillé pour finir par dire: «Le pouvoir peut-être euh... fédéral de dépenser.»
Stephen Harper avait promis en 2005 de limiter par une loi le pouvoir du gouvernement fédéral de dépenser dans les juridictions provinciales. L'ébauche de loi avait tellement déplu au gouvernement de Jean Charest qu'elle n'a jamais été rendue publique.
Le député d'Outremont du NPD, Thomas Mulcair, a ajouté sa voix à ce concert de critiques. «C'est assez curieux d'entendre Michael Ignatieff parler du Québec et des Québécois. C'est vraiment comme s'il parlait de tierces parties avec lesquelles il n'avait aucun lien, de quelque nature que ce soit.»
M. Mulcair aussi voudrait que le gouvernement fédéral permette l'application de la loi 101 dans toutes les entreprises du Québec et critique les volontés d'Ottawa d'imposer un organisme central de surveillance des valeurs mobilières. «Michael Ignatieff est le chef le plus centralisateur qu'on a vu au Canada depuis très longtemps.»
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé