Bientôt un 500e en 2024

La Nouvelle-France : Sa genèse / Son « moyen de parvenir » *

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Tribune libre

La première section est de Daniel Robichaud et la deuxième section de David Le Gallant.

Sa genèse

Daniel Robichaud **


L’histoire de l’Acadie débute en 1524. À cette époque, le roi de France, François 1er, espérait partager les richesses du Nouveau Monde avec les Portugais et les Espagnols qui recherchaient le passage vers l’Ouest jusqu’à la Chine. L’occasion de mettre ce projet à exécution se présenta en 1523 lorsque le navigateur Giovanni Verrazano (1486-1528), Florentin de naissance et Italien de nationalité, ayant sans doute eu vent des intentions du roi de France, vint le trouver et s’offrit pour faire le voyage. Le roi accepta de financer l’entreprise sur-le-champ.



Verrazano longea la côte du continent américain, de la Géorgie jusqu’au Cap-Breton. Arrivé au large des États de la Virginie et du Delaware, il trouva la région si belle, les indigènes si gentils et accueillants qu’il la nomma Arcadie. Elle lui rappelait l’Arcadie de la Grèce ancienne dont les poètes antiques avaient chanté l’innocence et le bonheur. Dans sa description passionnée du territoire visité, il précisa ceci au roi François 1er : « que nous nommâmes Arcadie, en raison de la beauté de ses arbres ». Voici donc l’origine du nom sur laquelle plusieurs historiens s’entendent. Il donna le nom de Francescane à la région s’étendant plus à l’intérieur du continent, qui devint Nouvelle-France. Verrazano avait donné le nom d’Arcadie à la péninsule qui porte aujourd’hui le nom de Delmarva, parce qu’elle englobe les États du Delaware, du Maryland et de Virginia (sic) se la partageant. Pointant vers le sud et séparée à l’ouest du reste du continent par la baie de Chesapeake, elle offre une très grande


similitude avec la péninsule de la Nouvelle-Écosse qui est elle-même séparée du Nouveau-Brunswick par la baie de Fundy (autrefois la baie Française). Il ne faut donc pas être surpris que les géographes subséquents aient mépris la Nouvelle-Écosse pour la Delmarva et lui ait donné le nom d’Arcadie. La Nouvelle-Écosse ayant été nommée Arcadie, ce nom perdra la lettre « r » avec le temps pour devenir Acadie. Quoique Champlain et d’autres utilisent encore le mot Arcadie en 1603, ils écrivent le nom sans la lettre « r » par la suite. D’autre part, comme Verrazano avait donné le nom Arcadie à la côte sud-est de la Delmarva, le nom-lieu Acadie fut appliqué tout d’abord à la côte sud-est de la Nouvelle-Écosse, surtout du temps de Champlain, d’autant plus que Verrazano n’était pas entré dans la baie de Fundy. Les anciennes cartes de Gastaldi en 1548, de Zaltieri en 1556 et de Milo en 1570 désignent le territoire actuel de la Nouvelle-Écosse sous le nom de Larcadia. Ruscelli emploie le mot Larcadie en 1561 et André Thivet, celui d’Arcadia, en 1575. Samuel de Champlain, fondateur de Québec et géographe du roi, employa lui-même le mot Arcadie, en 1603, et Accadie, en 1613, alors que la commission royale de 1603, accordée à M. de Monts, fait mention du pays de Cadie.


Autre hypothèse : Cependant, certains auteurs prétendent que le mot Acadie provient du mot mi’kmaq « Algatig », signifiant lieu de campement ; d’autres croient que ce mot serait plutôt une variation du terme malécite « quoddy », signifiant endroit fertile.




Son « moyen de parvenir »


David Le Gallant ***


De temps de la Nouvelle-France, les Français venus ici agirent différemment. Il n’était pas question de conquérir par les armes et d’arracher une signature pour « acheter » quoi que ce soit. C’était plutôt une logique de cohabitation et d’alliances, certes fragiles et marquées par des tensions. Mais ce n’était pas une logique de « tu-signes-ce-papier-ou-on vous-détruit ». (Joseph Facal)


Y a-t-il une tentative de modifier la vision du passé ? D’où Antonine Maillet (prix Goucourt 1979) prend-elle sa justification pour dire « et en Nouvelle-France, qui deviendra par la suite le Québec » (cf. Acadie Nouvelle, 24 août 2019)?


Le terme « Nouvelle-France » s’est toujours appliqué à toutes les colonies nord-américaines de la France : le Canada (initialement la vallée du Saint-Laurent) était une de ces colonies. Les premiers Français d’ici appelaient leurs enfants nés au pays « Canadiens » tandis que ceux des Maritimes, s’appelaient très tôt les « Acadiens ». Grosso modo, les composantes historiques de la Nouvelle-France étaient l’Acadie française (1603/1604 jusqu’en 1713, aujourd’hui la Nouvelle-Écosse péninsulaire), le Pays-d’en-Haut (l’immense région des Grands Lacs entretenue par les intérêts du Conseil souverain à Québec), la Mer du Nord (aujourd’hui la région de la baie d’Hudson), Terre-Neuve (que la France partageait avec la Grande-Bretagne sous le nom de Plaisance), la Haute-Louisiane (au nord de la rivière Arkansas, appelée aussi le « Pays-des-Illinois ») rattachée à la Basse-Louisiane, au sud. Après le traité d’Utrecht, il y eut l’Île Royale (aujourd’hui le Cap-Breton) et l’Île Saint-Jean (aujourd’hui l’Île-du-Prince-Édouard) dont le tricentenaire (1720-2020) fut à peine évoqué, par les grosses pointures, en 2020.


Bien que les colonies aient été gérées par un gouverneur local, elles possédaient leurs propres administrations et étaient supervisées par un gouverneur général résidant à Québec (où était dès 1663 le Conseil souverain pour toute la Nouvelle-France) ainsi que par le roi et ses ministres à Versailles.


On ne peut pas alléguer aujourd’hui que la Nouvelle-France, c’est le Québec... c’est-à-dire composant exclusivement le Québec ! Oublier la Nouvelle-France? Est-ce un embargo de Patrimoine canadien ou de la Société nationale de l’Acadie? Qu’en serait-il pour la continuité de notre histoire, à nous tous?


Bien que cela puisse paraître englobant, il n’y a pas lieu de prêcher que l’expression « Nouvelle-France » étant ambiguë pour certains, dont dame Antonine Maillet (« confusion anachronique avec le Canada actuel »), il faudrait opter que l’expression « Nouvelle-France » ne se réfère qu’au territoire québécois historique! C’est comme si la modernité ne voulait regarder que du côté de l’avenir... Certes on doit en parler à l’approche du quincentenaire (1524-2024) du voyage de Verrazano en 1524, alors que les toponymies de Nouvelle-France et Acadie ont pris leur élan.


Où est la Nouvelle-France? Pour le savoir, comme se demandait le père Zoël Saulnier : « elle s’inscrit dans la continuité de notre histoire »! La Société internationale Veritas Acadie (SIVA) avait rendu hommage à la Nouvelle-France en 2013 : 350e (1663-2013) du Conseil souverain de la Nouvelle-France, Place-Royale, Québec, le 9 avril 2013, et voudrait, de nouveau marquer en grande dignité en 2024, le quincentenaire (500e) de la paternité toponymique de cette même Nouvelle-France. 


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*  NDLR : L’expression « Le moyen de parvenir » provient des Plus Grandes Chroniques du Saint Graal et signifie « s’élever en dignité ». 


**  Contributions :



***  Cet article parut antérieurement sur la 3e page de couverture de Veritas Acadie 11.


 



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