Le déclencheur
« Selon le responsable des données linguistiques à Statistique Canada, le poids démographique de la population de langue maternelle française au Québec devrait passer de 79 % en 2011 à une proportion oscillant entre 69 % et 72 % en 2036. »
— Philippe Orfali, « Statistique Canada – Le français reculera au Québec comme au Canada », Le Devoir, 26 janvier 2017
Le français en déclin au Québec et ailleurs au pays » ; « Le français reculera au Québec comme au Canada », annonçaient les journaux la semaine dernière à la suite de la publication des projections de Statistique Canada sur l’avenir des langues officielles à l’horizon 2036.
Les titres, c’est inévitable, manquent toujours de nuances. Pour ce qui est de l’avenir prévisible de la langue française, les manchettes ont fait équivaloir deux réalités extrêmement différentes. Tellement différentes, en fait, qu’il est trompeur de parler de recul pour décrire la situation du français au Québec. Tandis qu’il y a bel et bien recul de la langue française dans le reste du pays ; et là, l’avenir ne peut qu’être source d’inquiétude.
Avant d’aller plus loin, il faut définir les trois indicateurs utilisés :
la langue maternelle : c’est la première langue apprise à la maison et encore comprise ;
la langue parlée le plus souvent à la maison : on utilise aussi l’expression « langue d’usage » ;
la première langue officielle parlée (PLOP), dont la mesure est assez complexe, mais qui correspond, en gros, à la langue officielle que la personne parle le plus aisément.
Un coup d’oeil au Québec, d’abord. Lorsqu’on dit que le français va reculer d’ici 20 ans, on regarde surtout la langue maternelle. Aujourd’hui, 79 % des Québécois ont le français comme langue maternelle ; en 2036, ce sera 70 %. Catastrophe ? Non, c’est la conséquence normale du fait qu’un nombre croissant de Québécois proviennent de l’immigration, et donc ont une langue maternelle autre que le français.
On sait qu’après plusieurs années, certains Québécois d’origine immigrante laisseront graduellement tomber leur langue maternelle pour employer, à la maison (langue d’usage), soit le français, soit l’anglais. Autrefois, ces transferts linguistiques se faisaient très majoritairement vers l’anglais. Aujourd’hui, ils se font à 54 % vers le français.
Dans 20 ans, selon Statistique Canada, plus de 60 % des transferts linguistiques auront lieu vers le français. Néanmoins, lorsqu’on observe le recul du français au niveau de la langue d’usage, il est presque aussi important que pour la langue maternelle, soit de 82 % à 74 %. Pourquoi ? Parce que le nombre de transferts linguistiques est tout simplement trop petit pour compenser les effets des autres grandes tendances démographiques en cause (fécondité, mortalité, immigration).
Voyons du côté de la première langue officielle parlée : aujourd’hui, 85 % des Québécois ont le français comme PLOP ; dans 20 ans, cette proportion aura à peine baissé (82 %), beaucoup moins que les autres indicateurs. En effet, même si les immigrants n’abandonnent pas leur langue maternelle pour le français à la maison, ils apprennent de plus en plus le français, et des deux langues officielles, c’est celle-là qu’ils sont davantage à l’aise de parler dans la vie de tous les jours. Ainsi, sur le plan de la langue d’usage public, il n’y a pas de recul.
Cela dit, l’attrait de l’anglais reste très grand auprès des immigrants et la vigilance continue de s’imposer. En particulier, le Québec doit toujours redoubler d’effort pour attirer ici des immigrants francophones.
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