La participation d'un groupe anti-avortement soulève des questions

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Évidemment, Radio-Canada panique devant la mobilisation des forces conservatrices de la société civile


L'aide que l'organisme anti-avortement RightNow apporte à certains candidats conservateurs soulève des questions, estime un ancien directeur général des élections du Canada. La Loi électorale interdit la collusion entre des organismes tiers et des candidats.




L'organisme RightNow ne s'en cache pas. Sa raison d'être est de faire élire le plus grand nombre possible de députés anti-avortement. Le groupe de pression a ciblé 50 circonscriptions fédérales où les résultats du dernier scrutin étaient serrés et où des candidats pro-vie, en l'occurrence conservateurs, auraient des chances de l'emporter.


Des personnes assises dans une salle face à un projecteur pour assister à une présentation.

Une réunion de l'organisme RightNow à Langley en Colombie-Britannique en juin.


Photo : Facebook RightNow




Pour leur prêter main-forte, RightNow recrute des bénévoles partout au pays qui font du porte-à-porte et des appels téléphoniques au nom des candidats.


RightNow s'est inscrit comme tiers auprès d'Élections Canada.Tout groupe ou particulier qui entend dépenser plus de 500 $ en lien avec les élections fédérales est tenu de le faire.


Cette section de la Loi électorale interdit notamment la collusion entre un tiers et toute personne associée à la campagne d'un candidat.



Accès aux données des électeurs


Dans une présentation diffusée sur Internet, l'une des cofondatrices de RightNow, Alissa Golob, explique que la première étape, quand vient le temps de faire du porte-à-porte pour un candidat, est de télécharger une application qui donne accès aux données personnelles des électeurs. Elle donne l'exemple de l'application du Parti conservateur, qui s'appelle CIMS2Go (Constituent Information Management System).



L'application va contenir l'adresse et le nom des personnes qui vivent à cette adresse. Il y a aussi des émoticônes d'un bonhomme sourire, d'un visage neutre et d'un bonhomme triste , décrit-elle en anglais dans la vidéo. Vous n'avez qu'à leur demander s'ils vont appuyer le candidat pro-vie. S'ils disent oui, vous cliquez sur le bonhomme sourire. S'ils disent non, vous cliquez sur le bonhomme triste, et s'ils sont indécis, le visage neutre.


La militante anti-avortement explique aux bénévoles que l'application est facile à utiliser et que le bureau de campagne va leur montrer comment faire. La cofondatrice de RightNow souligne aussi l'importance de bien identifier les supporteurs du candidat, parce que le Parti voudra s'assurer que ces personnes aillent voter le moment venu.



Ça peut certainement soulever des questions


Marc Mayrand, ancien directeur général des élections du Canada


Pour l'ancien directeur général des élections du Canada Marc Mayrand, l’appui qu’apporte RightNow à des candidats conservateurs soulève suffisamment de questions pour justifier une enquête du commissaire aux élections, advenant une plainte du public.


Un homme est assis en face de la caméra pour répondre à des questions.

Marc Mayrand, ancien directeur général des élections du Canada en entrevue à Radio-Canada


Photo : Radio-Canada / Guillaume Lafrenière




Dans une entrevue exclusive à Radio-Canada, M. Mayrand a affirmé :Les tiers peuvent avoir des activités partisanes. Mais ça ne peut pas être juste des marionnettes d'un parti ou d'un candidat. Les tiers doivent avoir une existence autonome, indépendante et conduire leurs propres activités sans interférence de la part des campagnes locales ou d'un parti.



Toutefois, M. Mayrand prévient que la collusion est un concept difficile à prouver.Il faut établir, hors de tout doute raisonnable, que les deux parties - le tiers et la campagne locale - ont véritablement agi de concert, ont échangé des ressources, des informations et ont eu une stratégie commune pour promouvoir la campagne d'un candidat, explique-t-il.


L'organisme RightNow se défend de toute collusion avec des candidats. L'autre cofondateur de RightNow, Scott Hayward, a expliqué à Radio-Canada que son organisme se contente de recruter des bénévoles qu'il dirige vers les bureaux de campagne des candidats qui ont des chances de remporter leurs élections.


RightNow a déjà mené des activités similaires lors de campagnes électorales provinciales.


On décide où on déploie nos ressources en fonction des objectifs de notre organisation, pas le contraire, a-t-il affirmé en anglais. Pour ce qui est de l'accès à l'application du Parti conservateur, M. Hayward affirme que les bénévoles que RightNow recrute relèvent ultimement du bureau de campagne du candidat.Ce sont des bénévoles pour la campagne. Ça se passe entre eux. Nous n'avons pas accès à ces données.


Or, les dirigeants de RightNow font eux-mêmes du bénévolat pour des candidats anti-avortement et utilisent donc l'application du Parti conservateur. Par exemple, Alissa Golob a fait du porte-à-porte pour Tamara Jansen, la candidate conservatrice pro-vie qui se présente dans Cloverdale-Langley City, une circonscription de la grande région de Vancouver. Mme Jansen n'a pas donné suite à nos questions.


Andrew Scheer, la main levée, regarde la caméra lors d'une conférence de presse.

Andrew Scheer, chef du Parti conservateur du Canada


Photo : La Presse canadienne / Chris Young




Nous avons aussi communiqué avec le Parti conservateur et le bureau du chef, Andrew Scheer, pour savoir comment ils réagissent aux liens entre des candidats conservateurs et l'organisme RightNow, compte tenu des dispositions de la Loi électorale en matière de collusion avec un tiers. Nous voulions également savoir comment ils expliquent ces liens, eux qui affirment ne pas vouloir rouvrir le débat sur l'avortement.


Le directeur des communications du Parti conservateur, Cory Hann, nous a fait parvenir une brève réponse : Nous ne nous concertons pas avec les tiers partis. Notre chef a été très clair là-dessus, un gouvernement conservateur ne rouvrira pas ces débats.


Les tiers et les candidats qui contreviennent à la Loi électorale et sont reconnus coupables de collusion sont passibles d'amendes de plusieurs milliers de dollars et de peines d'emprisonnement.




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