Élection du 4 septembre

La peur du vrai changement

Chronique de Louis Lapointe

Les résultats de l’élection du 4 septembre sont sans équivoque, les Québécois ont majoritairement rejeté la gouvernance souverainiste que leur proposait Pauline Marois et l’ont confinée à la gouvernance provinciale en lui donnant un mandat minoritaire.
Ils ne voulaient pas des changements que leur proposait le PQ, pas plus que de ceux de la CAQ.
De là à croire que si le gouvernement de Jean Charest n’avait pas été si usé et mêlé à de nombreux scandales qui ne sont toujours pas élucidés, ils l’auraient reporté au pouvoir, il n’y a qu’un pas.
Dans le fond, les Québécois préfèrent le statu quo à toute forme de changements, qu'ils soient cosmétiques ou plus profonds.
En fait, ils savent tous en leur for intérieur que le seul vrai changement c’est l’indépendance et les inévitables confrontations qui l’accompagneront.
Celles qu’ils vivront dans leurs familles, celles que le gouvernement du Canada et le ROC leur imposeront et qu’ils ne se résignent toujours pas à vouloir vivre pour fonder un pays.
Le jeu en vaudrait-il la chandelle ?
La dernière fois qu’un premier ministre canadien s’était engagé à respecter leur désir de changements, il leur avait imposé une constitution, une charte des droits et une formule d’amendement contre leur gré.
Le Québec n’a toujours pas signé la constitution de 1982.
Dans cette perspective, ils se méfient de Stephen Harper comme de la peste.
À preuve, la dernière élection fédérale où les Québécois ont plébiscité une forte majorité de candidats du NPD au Québec dans l’espérance d’empêcher la réélection d’un gouvernement de Stephen Harper.
Ils ont peur de Stephen Harper et de la haine que manifeste la droite canadienne à l’endroit de leur culture.
***
L’attentat raté d’hier soir contre Pauline Marois qui a fait un mort et un blessé au Métropolis sera probablement interprété par plusieurs comme une conséquence du venin que distille la presse canadienne contre le Québec et les indépendantistes québécois.
Les médias anglophones du Canada ont été particulièrement hargneux au cours de la présente campagne électorale.
Si les Québécois avaient déjà peur de la réaction du Canada dans l'éventualité où ils portaient un gouvernement indépendantiste majoritaire au pouvoir, imaginez leur état d'esprit ce matin ?
Ils sont sûrement nombreux à s’interroger sur les motivations et la facilité avec laquelle un tireur - qu'on dit déjà fou - armé d’un AK-47, a pu s’approcher de leur première ministre élue.
Comment les forces de l’ordre - la GRC, le SCRS, la SQ et le SPVM - pourront justifier un tel laxisme alors qu’elles connaissaient l’existence au Québec de groupements "partitionnistes" et d’extrémistes anglophones?
***
Compte tenu des craintes intrinsèques propres à une société colonisée, élire deux femmes chefs de partis dont l’une d’elles comme première ministre semble être le maximum de changements que les Québécois pouvaient accepter cette fois-ci.
Un autre message est clair, les Québécois souhaitent que les étudiants paient leur juste part du financement des universités et ne veulent pas payer la taxe santé de 400$ par famille. Il s’agit pourtant de deux mesures régressives comme j’en ai fait la démonstration dans de nombreuses chroniques. Allez comprendre cette contradiction!
Qu’adviendra-t-il de l’augmentation projetée des tarifs d’électricité ? Nous serons probablement retournés en élections d’ici là.
Même si le Parti Québécois sera confiné à la gouvernance provinciale parce qu’il est minoritaire, il pourra tout de même faire la promotion de son option indépendantiste et la clarifier suffisamment pour que les Québécois puissent manifester leurs choix dès qu’ils seront rappelés aux urnes, probablement d’ici deux ans.
Ils auront alors eu l’occasion de réfléchir un peu plus longuement sur le type de société dans laquelle ils souhaitent vivre.
Dans un cadre fédéral qui leur imposera de plus en plus la vision du ROC comme le leur proposent la CAQ et le PLQ?
Ou dans un Québec souverain où ce sont eux qui décideront des priorités?
Dans ce dernier cas, ils devront alors surmonter leurs craintes légitimes et accepter que leur vie puisse être chambardée parce que leurs choix collectifs iront à l’encontre de ceux que veut leur imposer le reste du Canada.
Justement ceux que leur proposent la CAQ et le PLQ avec la bénédiction du journal The Gazette.
***
Sur le même sujet :
Un pari risqué
La fin de l’histoire et les derniers québécois
De Québec à Tuscon
Le point de rupture
Octobre 1970
L’accident de René Lévesque, destin ou complot contre un premier ministre ?
René Lévesque : «top secret»

Featured bccab87671e1000c697715fdbec8a3c0

Louis Lapointe534 articles

  • 888 879

L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





Laissez un commentaire



9 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    7 septembre 2012

    Cet attentat et les déficiences en sécurité autour non seulement de la Première ministre mais aussi des simples citoyens venus se réjouir de son élection, me laissent dubitative sur la compétence de nos corps de police. Comment se fait-il qu'on puisse circuler dans nos rues puissamment armé, vêtu d'un peignoir et cagoulé par-dessus le marché? Comment se fait-il qu'on puisse pénétrer si facilement, accoutré de cette façon, dans un lieu où se trouve la nouvelle Première ministre? Près de la scène où elle se trouve? Comment se fait-il que les gardes du corps aient emmené Mme Marois vers l'endroit où était le tueur?
    Tout se passe comme si personne n'avait étudié la configuration de l'endroit, comme si on n'avait pas jugé bon de sécuriser l'endroit.
    Il y a des corps de police qui devront répondre de ces lacunes.
    De plus, n'oublions pas que le soir du 4 septembre, Jean Charest et Robert Dutil étaient tous les deux chargés de la sécurité publique au Québec, et ce jusqu'à l'entrée en fonction du nouveau gouvernement. Ce sont eux, les responsables de ce qui n'a pas fonctionné.

  • Jean-Louis Pérez-Martel Répondre

    7 septembre 2012

    Entre la réalité politique et le souhait de libération nationale
    Le magnicide raté contre Madame Marois ne fait que révéler les contraintes collatérales de la division sociale et politique du peuple canadien-français qui, en otage permanent de politiciens opportunistes, carriéristes et démagogues, est incapable de décider de sa LIBÉRATION NATIONALE.
    JLPM
    _____________________
    Note. Mon article La politique mercenaire contre l’État, clarifie cette mainmise antidémocratique œuvrant contre la majorité silencieuse canadienne-française, la seule qui peut libérer le Québec de l’emprise exercée par la caste politique et des traîtres infiltrés dans l’appareil de l’État.
    http://www.vigile.net/La-politique-mercenaire-contre-l

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    7 septembre 2012

    Hélas!... Les médias sont toujours les mêmes!
    Mme Dussault est en mission commandée pour qu'on balaie sous le tapis le sujet des médias anglos racistes!
    Hier encore, elle a amené en renfort Alain Dubuc, contre Josée Legault. À chaque fois qu'elle allait développer la simple explication d'un esprit fragile à un bombardement raciste contre le Québec français, l'un ou l'autre parlait par-dessus Josée pour affirmer ex-cathedra qu'il y allait du moindre civisme de ne pas accabler les médias purement sataniques. Avant 2 semaines!... Ce doit être le temps requis pour l'oubli dans le populo... Deux semaines de trêve (unilatérale!) Le temps d'une enquête policière en conflit d'intérêt? De funérailles civiques qui rassureront la masse sur la main mise de la Première ministre? Son nouveau cabinet ayant tant de priorités, va-t-il s'embourber dans le problème (la problématique, diront les "in") du terrorisme canadien?... Bon"matin" diront les ignorants du "good morning"... l'acculturation va bon train!

  • Michel Guay Répondre

    6 septembre 2012

    Bain doit être jugé comme terroriste et pas comme un simple criminel de droit commun . Nous devrons nous liguer pour qu'il en soit ainsi.
    MICHEL

  • Laurent Desbois Répondre

    5 septembre 2012


    Dix oppressions au Canada, dont certains sont reconnus comme génocides, en deux siècles d’histoire commune!!!
    Quitte à vous surprendre, Chuck Guitté exprimait la vérité et la perception d’Ottawa, lorsqu’il parlait des commandites, lors de la commission Gomery : « Nous étions en guerre! ».
    http://www.ledevoir.com/politique/canada/73173/commission-gomery-charles-guite-un-modele-a-suivre
    Quand René Lévesque prit le pouvoir le 15 novembre 1976, Roméo Leblanc était ministre de Trudeau et il avait dit que face aux séparatistes que le Conseil des ministres du Canada devenait un ''war room''.
    Ottawa et les anglais ont toujours été en guerre contre la nation Québécoise!
    1. En 1970, lors de la crise (sic) d’octobre;
    2. En 1940, la crise de la conscription, Camillien Houde, maire de Montréal, est interné dans un camp de concentration en Ontario ;
    3. En 1917, la crise de la conscription, 1er avril 1918 à Québec où l’armée canadienne a ouvert le feu sur ses propres citoyens et tuée quatre personnes dans la foule et fait plus de 70 blessés ;
    4. En 1900-1920, lors de l’élimination des droits des francophones en Ontario, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, etc.…
    5. Entre 1870 et 1930, l’exil de millions de Québécois aux États-Unis (13 millions en 1980);
    6. En 1885, lors du massacre des Métis et la pendaison de Louis Riel;
    7. En 1837-38, lors des patriotes;
    8. En 1759-1800, lors de l’occupation militaire;
    9. En 1759, suite à la prise de Québec, Wolf à fait éliminer plus de 30% de la population du Québec lors de ces génocides, en plus des violes et des pillages;
    10. En 1755-1763, lors de la déportation des Acadiens.
    Les 10 pires moments de l'histoire du Québec
    http://www.youtube.com/watch?v=G6j85oXCyqU&feature=share

  • Laurent Desbois Répondre

    5 septembre 2012

    Ne nous leurrons pas leurs maîtres et nos ennemis n’ont jamais été mous!!!
    Voir « Loyalisme et fanatisme », Petite histoire du mouvement orangiste canadien,
    par Pierre-Luc Bégin, Les Éditions du Québécois, 2008, 200 p. (ISBN 2923365224).
    Les Orangistes sont le bras canadien du KKK… contre les nègres blancs Francophones!!!!
    Il y avait des liens entre les orangistes et le KKK. Ils s’échangeaient des listes de membres. Il y a aussi une grosse différence…. Le KKK a été déclaré illégal à l’USA, mais les Orangistes sont toujours actifs et légal au Canada. Ils utilisent maintenant des noms plus acceptables, voir Heritage Front et Reform Party.
    Pierre-Luc Bégin: Conférence sur les orangistes
    http://video.google.com/videoplay?docid=-1332834420313016581#
    http://www.youtube.com/watch?v=UIYj-ByoVSU

  • Archives de Vigile Répondre

    5 septembre 2012

    Je pense que la fameuse vidéo montrant monsieur Charest à la résidence de monsieur Desmarais a aidé monsieur Charest parce que les Québécois aiment voir qu'un homme est assez influent pour graviter autour des riches et puissants de ce monde.
    Les Québécois aiment un winner sans aucun doute.

  • Louis Horvath Répondre

    5 septembre 2012

    Entendons-nous. Il y a beaucoup de causes à ce nouveau rendez-vous raté. La peur en fait partie mais elle est loin d'en être la cause principale.
    Premier en lice je retiens les mass médias, qui aujourd'hui sont la propriété de seulement quelques individus. Une situation périlleuse s'il y en avait une. Et avec raison. Aucun de ces mass médias n'a fait mention qu'il y avait 20 partis présents à l'élection provinciale de 2012; les débats eux aussi ont été sévèrement limités; la couverture médiatique a été anormalement large pour un des partis (la CAQ) pendant qu'elle était inexistante pour un parti qui avait autant de raisons d'être promu (ON); bon nombre de médias ont pourfendu les mouvements sociaux en les dénaturant et en rapportant la taille et l'envergure incorrectement; en ouvrant des chaînes avec un biais politique important, calqué sur la tendance républicaine de nos voisins au sud; la chaîne de Radio-Canada forcée à respecter des décrets gouvernementaux avant de respecter son audience ... et on en passe. Les mass médias, consommés quotidiennement par des millions de Québécois, forment l'opinion citoyenne plus qu'ils n'informent - ils ne laissent pas les citoyens tirer une conclusion à partir d'une série d'événements factuels mais suggèrent une interprétation et négligent souvent de proposer des solutions alternatives. Ils prennent sur eux d'encadrer le débat. Ainsi, dans le cas du plan nord, la question de vouloir ou non ce projet a été remplacé par la question des redevances minières. On peut vouloir augmenter les redevances minières ET stopper le plan nord en même temps!
    Il existe aussi la question de l'éducation et d'une culture politique médiocre. La grande majorité des québécois ignorent les enjeux entourant non seulement la création d'une république Québécoise mais aussi ceux entourant des sujets de la vie quotidienne. Quelle est la position des partis sur les grands sujets? À qui profite ces positions? Qui les représente localement? Et plus loin, comment parler politique avec quelqu'un d'autre! On sent, au Québec, qu'il existe une grande lacune à ce niveau; la crainte de la confrontation est grande et la crainte de ne pas être entendu l'est plus. Et pourtant, une partie de cette éducation politique doit revenir aux politiciens, qui préfèrent lancer des slogans et des idées sans profondeur pour épater la galerie. Une partie de cette éducation politique doit revenir aux mass médias qui se contentent de transférer les éléments choisis du dossier de presse des grands partis. Beaucoup plus vendeur. Or beaucoup profitent de l'ignorance politique des Québécois et ont peur de perdre ce privilège.
    Se rajoute au problème le grave cas de l'analphabétisme. Selon des chiffres récents, 49% de la population éprouve de sérieux problème dans la compréhension d'un texte. Or il est clair qu'un individu qui peine à lire et à écrire est hypothéqué politiquement; il est plus vulnérable à des arguments verbaux qui requièrent une lecture approfondie et de l'argumentation qui, on l'a vu, ne sont pas disponibles via les mass médias. Ce n'est pas une question d'élitisme. C'est une question de justice sociale. Un citoyen a le droit de s'impliquer dans la réflexion politique de son pays sans qu'on tente d'influencer son choix ou qu'on abuse de ses difficultés de lecture et d'écriture. C'est une urgence nationale qui passe, comme toujours, comme une anecdote. Il est inconcevable qu'en 2012 il y ait tant de problème d'analphabétisme. C'est à en pleurer.
    De son côté, les ténors de l'économie à tout crin n'en finissent plus de faire valoir leur position qu'un Québec indépendant est un Québec pauvre. Il faut s'entendre, clairement, il y a des choix à faire lorsque l'on cherche l'indépendance. Mais il faut dire ceci : cette position économique est celle des propriétaires des mass médias. C'est aussi celle de la grande majorité des politiciens. La preuve, ils continuent à couper dans les taxes et les impôts aux plus nantis et se retournent pour dire à la population que les coffres de l'état son à sec. En créant de l'anxiété économique et en jouant du trémolo sur le besoin d'engager l'austérité financière, ils altèrent volontairement la perception politique. Les mass médias, favorables à l'idée de la privatisation de la santé et de l'éducation, ne se gênent pas pour entretenir une atmosphère de panique. J'ai vu plus d'une fois des gens ordinaires refuser d'entendre parler du programme de Québec Solidaire et de Option Nationale, convaincus que nos coffres étaient à sec pendant qu'ils défendaient la construction d'un amphithéâtre en PPP.
    Que ce soit les mass médias, l'éducation politique médiocre, l'analphabétisme ou l'hégémonie de l'économie, il reste clair pour moi que le problème, ce n'est pas autant la peur de s'engager dans l'indépendance qu'une culture du colonisé qui nous colle à la peau! On l'a vu, le 4 septembre, les Québécois ne sont pas "équipés" pour changer. Nous avons besoin de mesures légales pour assurer une couverture convenable des débats dans les mass médias, un système d'éducation SOLIDE qui permette au citoyen de raisonner et d'échanger sur ses idées, des cours d'appoint pour ceux d'entre nous qui éprouvent des difficultés avec la langue et finalement une séparation CLAIRE des besoins des citoyens et de ceux de la grande entreprise. Ce sont des étapes nécessaire à notre décolonisation.
    J'ai l'intime conviction que mes concitoyens Québécois sont prêts à changer de mentalité et passer à quelque chose de différent. Suffit de les inviter à prendre un café ou un thé et d'en parler ensemble.
    Louis Horvath

  • Archives de Vigile Répondre

    5 septembre 2012

    Je me répéterai, en reproduisant ici, l'articulet que j'ai écrit ce matin et envoyé à trois media, considérant qu'il est plus que temps que le peuple québécois prenne conscience qu'il n'a pas d'adversaires mais des ennemis.
    le voici:
    L’attentat.
    Il visait la mort non seulement de Pauline Marois, mais de centaines d’indépendantistes. Si le feu allumé par le terroriste (oui! oui!, je sais, il ne portait pas le carré rouge) avait envahi l’intérieur du Métropolis, la panique aidant, l’événement aurait pris la dimension d’une catastrophe nationale.
    À moins que le premier geste courageux de notre nouvelle Première ministre, son appel au calme ait été entendu, même dans cette circonstance.
    Andrée Ferretti.