La capacité d’une société à dégager un consensus sur un sujet difficile sans trop de déchirements comporte un caractère hautement précieux. Il y a un coût à la division, un coût à l’échec.
C’est le cas de l’épineux dossier de la neutralité religieuse de l’État chez nous. Cela fait environ 10 ans que ça traîne. Le dossier a divisé la population. Les tentatives des gouvernements de régler quoi que ce soit ont toutes échoué.
Sous les gouvernements libéraux, les tentatives furent trop timides. Pauline Marois, avec la Charte des valeurs, a voulu aller trop loin, trop fort, trop vite et finalement... de façon trop électoraliste. La constante, c’est l’échec.
Occasion bousillée
La plus grande déception de Gérard Bouchard face à la volte-face de son ex-collègue Taylor, c’est de voir l’occasion gaspillée. Une occasion de dégager un consensus large à la fois parmi les partis représentés à l’Assemblée nationale et dans la population, c’était ça qui était précieux.
Dans la journée de mardi, Charles Taylor et Philippe Couillard ont changé la donne. Taylor a détruit l’image de son propre rapport comme point de ralliement potentiel. Le premier ministre, trop content, a saisi l’occasion pour détruire au bulldozer le rapport Bouchard-Taylor et toute autre velléité d’encadrer les signes religieux.
La recherche d’un consensus? Finie. C’est pourtant l’un des rôles de tout premier ministre d’agir en rassembleur sur des sujets sensibles. C’est d’ailleurs ce qui lui avait valu beaucoup d’éloges après l’attentat de Québec. Sa main tendue avait d’ailleurs trouvé écho chez les oppositions qui avaient à leur tour mis de l’eau dans leur vin dans l’objectif de trouver un terrain d’entente.
Des occasions comme celles-là ne se représentent parfois pas à court terme. Celle-ci est à l’eau. J’ai senti que c’est ce qui attriste le plus Gérard Bouchard.
Changement majeur
Le virage opéré cette semaine marque à mon avis l’abandon par le gouvernement du Québec de cette approche appelée interculturalisme qui se trouvait à la base du rapport Bouchard-Taylor. Le Parti libéral du Québec sous Philippe Couillard glisse vers une adhésion complète au multiculturalisme canadien.
Derrière ces grands mots se trouve une réalité concrète: le multiculturalisme voit la société comme une mosaïque où l’on juxtapose les cultures en ne valorisant que la diversité. L’interculturalisme valorise la diversité, mais dans le cadre de l’existence d’une majorité avec des valeurs et une culture auxquelles les nouveaux arrivants vont tenter de s’intégrer. La culture dite majoritaire va évoluer grâce à l’apport des personnes immigrantes, mais ne sera pas niée.
En passant, je dois rappeler au premier ministre que l’idée que le Québec n’adhère pas au multiculturalisme canadien n’est pas une affaire de péquistes. C’est d’abord sous Robert Bourassa dans les années 1970 que le Québec a commencé à jeter les bases de sa propre politique en matière d’immigration et d’intégration.
Philippe Couillard rompt donc avec une approche qui a guidé les gouvernements du Québec autant libéraux que péquistes depuis quelques décennies. Cet interculturalisme fut l’un des fondements du rapport Bouchard-Taylor... rapport que le premier ministre conspue maintenant.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé