Si Pauline Marois avait été en mesure de torpiller les projets de Gilles Duceppe, elle l'aurait sans doute fait depuis longtemps. Il faudra chercher ailleurs l'auteur de la fuite qui a révélé l'utilisation irrégulière des fonds de la Chambre des communes par le Bloc québécois.
Il est cependant bien difficile de croire que Mme Marois est sincèrement «désolée» des malheurs de son rival, même si la faute qui lui est reprochée semble bien bénigne. L'ombre menaçante de M. Duceppe planait depuis trop longtemps pour qu'elle ne soit pas soulagée de le voir mis hors de combat.
Le grand gagnant de la fin de semaine est cependant François Legault, qui est maintenant débarrassé de son plus dangereux adversaire potentiel. Certes, il faut se méfier des sondages qui évoquent des scénarios hypothétiques. L'étoile de M. Duceppe aurait sans doute pâli au contact de la réalité, mais la crédibilité du discours caquiste sur le changement sera d'autant plus grande que rien ne changera dans les autres partis.
La démonstration de la résilience de Mme Marois, que tout le monde semble découvrir avec ravissement, n'est plus à faire. Au cours des trente dernières années, la chef du PQ a effectué plus d'allers-retours aux enfers que n'importe quel politicien québécois de sa génération. Combien ont pris leur retraite deux fois et dû faire trois tentatives avant de devenir chef?
Plus que le courage de la [«dame de béton»->44711], la population risque malheureusement de retenir que le PQ a encore une fois fait étalage de son incapacité de maintenir la discipline que l'on est en droit d'attendre d'un parti qui aspire à former le gouvernement.
M. Legault a tort de dire que ses divisions l'empêchent d'offrir une opposition efficace. Depuis trois ans, le PQ a donné bien plus de fil à retordre au gouvernement Charest que l'ADQ ne l'avait fait en 2007-2008. Précisément, pourquoi ne pas lui permettre de continuer son bon travail?
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La mise hors de combat de M. Duceppe devrait assurer à Mme Marois une certaine tranquillité d'ici les prochaines élections. Il n'y a pas d'autre candidat de cette stature qui puisse l'inquiéter sérieusement. Maintenant qu'il a lancé un appel à l'unité, Bernard Drainville, qui aurait pu devenir le candidat des anti-Duceppe, est condamné à prendre son mal en patience.
Les raisons qui ont provoqué cette nouvelle crise n'ont pas disparu pour autant. À moins d'aller à la racine du mal, l'hémorragie risque simplement de se poursuivre plus discrètement au fil des semaines et des mauvais sondages.
Dans la lettre ouverte qu'il publie aujourd'hui même dans Le Devoir, Bernard Landry cite toujours la «gouvernance souverainiste» comme la principale source de division. Mme Marois s'y accroche depuis trop longtemps pour l'abandonner du jour au lendemain, mais elle semble vouloir démontrer plus de résolution dans la préparation d'un éventuel référendum.
Maintenant qu'elle est sécurisée sur son leadership, elle pourrait aussi se montrer plus ouverte à la discussion sur les questions de stratégie. Après l'actualisation des études de la commission Bélanger-Campeau, elle a annoncé hier qu'elle présiderait un nouveau comité stratégique sur la souveraineté, composé d'élus et d'experts, qui sera chargé d'élaborer «un plan d'action et les moyens à mettre en oeuvre» pour réaliser la souveraineté, à la lumière des expériences de 1980 et 1995.
Au congrès d'avril dernier, Mme Marois avait tout mis en oeuvre pour faire battre une proposition de l'association de Crémazie, représentée par Lisette Lapointe, qui réclamait précisément la formation d'un tel comité. En rétrospective, elle se serait évité bien des ennuis en l'acceptant dès le départ.
Déjà, à tort ou à raison, la population semble penser que François Legault est le plus apte à offrir un «bon gouvernement». Si les souverainistes ne sont pas convaincus que le PQ est le plus apte à réaliser la souveraineté, où ira-t-il chercher ses votes?
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Marc Laviolette est considéré par plusieurs comme un électron libre qui a érigé la contestation en mode de vie et qui a au surplus des comptes à régler avec Mme Marois depuis qu'elle a retiré son statut au SPQ Libre.
La fronde déclenchée par M. Laviolette a peut-être fait long feu, mais la chef du PQ devrait se préoccuper des raisons qui ont amené le monde syndical à se jeter aveuglément dans les bras de Gilles Duceppe.
«Un tel déni du mouvement syndical, du monde du travail, c'est du jamais vu», a lancé le président de la CSQ, Réjean Parent. La rhétorique ne doit pas faire perdre le sens de la perspective: même si les mots «travailleurs» et «syndicats» n'apparaissent pas dans la version 2011 du programme péquiste, la CAQ ou le PLQ ne sont certainement pas de plus grands amis des syndicats.
Le PQ n'a pas intérêt à être perçu comme l'instrument des centrales syndicales, mais il n'est pas nécessaire de se les mettre à dos non plus. Mme Marois a commis une (autre) erreur en prenant ses distances à l'égard d'un projet de loi sur les briseurs de grève présenté par un de ses propres députés.
La racine du mal
Dans la lettre ouverte qu’il publie aujourd’hui même dans Le Devoir, Bernard Landry cite toujours la « gouvernance souverainiste » comme la principale source de division.
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