Nous ne devrions pas critiquer trop vite la tiédeur de nos élus envers la cause du français en Québécitude, car s’il est une aptitude dont témoigne leur vocation politique, c’est bien celle de percevoir très précisément la nature de l’entité qu’ils représentent.
Si la société ne se conçoit plus que comme un sac de bille, c’est-à-dire, comme un cadre administratif qui contient une quantité X d’individus de toutes les couleurs, quel peut être le critère le plus déterminant dans le choix de la langue d’usage commun?
Ce sera le souci d’offrir l’outil de communication, le plus commode, le plus profitable, le plus opérationnel pour le plus grand nombre. En contexte nord-américain, (et même, globalement, occidental), c’est en anglais que les affaires se font. La langue anglaise constitue donc un atout indispensable pour tous ceux qui aspirent à la réussite.
Dans une société où prévaut l’idéologie de la diversité considérée comme une vertu en-soi, et donc, où il est inadmissible de prétendre faire reposer la cohésion collective sur une unité de mémoire et de filiation culturelle, la seule valeur commune véritable, ne peut être que celle de la poursuite du bénéfice matériel.
Un politicien qui ose affirmer que, dans de telles conditions, il sera longtemps possible d’accorder un statut privilégié à la langue française, ne rend pas service à ses électeurs francophones. Il risque de de les condamner à être en décalage, à devenir des citoyens de seconde classe, parce qu’ils n’auront pas saisis comment leur situation particulière s’intègre dans le grand tableau (the big picture).
Ainsi le discours social, le discours sur le vivre ensemble, a des conséquences. Et peut-être nos politiciens en ont-ils conscience. On ne peut pas à la fois promouvoir l’idée d’une neutralité d’État favorable à la prospérité et à la bonne entente entre toutes les multitudes, et imposer l’usage d’une langue, tous simplement parce qu’elle constitue la dernière caractéristique culturelle d’une communauté en pleine désintégration identitaire.
Parce que, si nous nous imaginons que ça nous définit identitairement quand nous ajoutons le qualificatif francophone à l’appellation de Québécois, c’est que nous ne comprenons plus l’esprit de notre propre langue, et donc que nous l’avons déjà perdue. Car ce faisant, nous avouons que la langue que nous parlons ne correspond plus pour nous qu’à une fonction, et qu’elle n’implique pas plus d’intime parenté avec la France et la civilisation dont elle est issue, qu’elle ne le ferait pour un Haïtien, un algérien, un vietnamien…
Ainsi, oui, le discours sur l’identité, le discours sur la perception qu’une Nation a d’elle-même, le choix des mots employés, a des conséquences. Oui, il y a un coût pour l’adhésion d’un État à une doctrine idéologique. Dans le cas de la Québécitude, le prix à payer pour faire advenir la «société idéale», c’est la minorisation de la nation canadienne-française et la destitution de la langue française au rang de langue seconde (le patois que les «ethniques» parlent à la maison et entre eux).
C’est comme ça. Rendu à ce stade, c’est même faire preuve d’irresponsabilité que de nier l’évidence. Car ce qui n’est peut-être pas complètement vrai aujourd’hui, le sera très certainement pour nos enfants. La Québécitude a choisi de ne ressembler à rien pour ressembler à tout le monde et les« francophones de souche» ont choisi de ne ressembler à rien, autrement dit, de renoncer à leur légitimité existentielle, pour ressembler à la Québécitude. Y-a-t-il une autre option?
Pas si le dialogue est impossible entre ceux qui comprennent un peu la langue que je parle!
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