Le biais de François Legault

Chronique de Louis Lapointe

François Legault a proposé, hier, un plan pour améliorer le système d’éducation au Québec. Contrairement aux nombreuses critiques qu'il a reçues, je trouve que ce dernier n’embrasse pas assez large et ne va pas assez loin dans ses propositions.
Non pas que je les partage toutes, mais, j'avance plutôt qu'une vraie discussion sur notre système d’éducation aurait au moins commandé que son groupe soit plus critique à l’endroit d’un autre ordre, l’Université, qui a démontré, au cours des dernières années, qu’il peinait à bien gérer les fonds publics qui lui étaient versés.
Il est tout aussi étonnant qu’un ancien ministre de l’Éducation ait omis de remettre en question la principale source de bureaucratie dans le réseau de l’éducation, le ministère de l’Éducation des Loisirs et des Sports (MELS).
À cet égard, je donne souvent l’exemple de la Finlande comme modèle dont le Québec pourrait s’inspirer. Un état qui, contrairement au Québec, jouit de sa pleine souveraineté.
«En Finlande, il n’y a pas d’école privée, pas de commission scolaire, pas de droits de scolarité à l’université et les impôts des contribuables sont élevés.
Pour un nombre d’élèves équivalent, le budget que la Finlande consacre à l’éducation est le même que celui du Québec. Seule différence, à la fin des années 1980, la Finlande a réduit de 5000 à 500 le nombre de ses fonctionnaires au ministère de l’Éducation, créant des postes supplémentaires de spécialistes et d’enseignants dans les écoles et les classes de Finlande.
Ce n’est pas tout, pour s’assurer que tous les enfants aient mangé à leur faim lorsqu’ils sont assis sur les bancs d’école, la Finlande fournit gratuitement à tous les écoliers des repas complets. La preuve qu’on peut se donner plus de services en ayant moins de structures.
***
Il y a certainement des avenues à explorer de ce côté sans sabrer dans les services de l’État. Si les chevauchements de programmes avec le gouvernement fédéral nous coûtent une fortune, ceux dans nos propres services n’ont pas pour autant raison d’être. Se mettre la tête dans le sable n’améliorera certainement pas la situation. Nous pouvons sûrement faire mieux. Voilà pourquoi nous voulons être indépendants.
» Plus de services, moins de structures, un choix logique !

Les plus perspicaces se demanderont sans doute pourquoi François Legault limite sa critique aux ordres primaire et secondaire, prompt qu’il est à donner un chèque en blanc aux universités, suggérant même de nouvelles hausses «modulées» de droits de scolarité dans des domaines où de nombreux professeurs pratiquent couramment le double emploi, notamment l'administration et le génie.

«Bien que la tâche normale d’un professeur soit constituée de 4 cours par année, par le jeu des dégrèvements d’enseignement, elle avoisine les 2.75 cours par année. Le calendrier universitaire ayant trois sessions, les professeurs d’université enseignent donc en moyenne moins de 1 cour par session, donc moins de trois heures par semaine. En comparaison, leurs collègues des Cégeps en donnent dix par année.
(…)les universités devraient s’inspirer davantage du modèle collégial pour l’enseignement au premier cycle. De la sorte, plus de professeurs enseigneraient au premier cycle, donneraient plus de cours, gagneraient un salaire raisonnable pour la prestation qu’ils fournissent et ne seraient plus payés pour de la recherche qu’ils n’effectuent pas. (…)
Enfin, on devrait interdire le double emploi à ceux qui ne font pas de recherche. S’ils n’ont pas le temps de chercher, ils ne devraient pas se chercher de clients sur leur temps d’emploi sous prétexte du rayonnement universitaire. Les meilleurs salaires devraient être versés aux meilleurs chercheurs et professeurs qui consacrent tout leur temps à la poursuite de la vraie mission universitaire, peu importe leur âge ou l’avancement de leur carrière.
Compte tenu des iniquités qu’elle suscite et lorsque l’on sait que la masse salariale des professeurs d’université du Québec est de plusieurs centaines de millions de dollars, il serait donc tout à fait logique de revoir la tâche des professeurs et l’évaluation qui en est faite avant même de songer à investir de nouvelles sommes d’argent provenant des droits de scolarité des étudiants.
» Quelle crise des universités?

Si la gestion des ordres primaire et secondaire doit être revue, du MELS jusqu’aux conseils d’établissements en passant par les commissions scolaires, il faudra aussi revoir, sans complaisance, la gestion des universités. Une opération qui aurait dû être faite par le gouvernement avant même de songer à augmenter les droits de scolarité.
Un biais à l’égard des universités que François Legault partage non seulement avec le gouvernement actuel, mais également avec de nombreux collègues et anciens collègues ministres et personnels de cabinets qui évitent de trop critiquer leur gestion, espérant probablement pouvoir y terminer leur carrière comme professeur ou administrateur.
Sinon, comment expliquer une telle complaisance à l'égard d'un réseau qui s'est vu autoriser à augmenter substantiellement les droits de scolarité de ses étudiants sans au moins faire la démonstration que les subsides déjà versés étaient bien gérés?
Une décision étonnante de la part d’un gouvernement qui souhaitait, il y a un an à peine, un effort de rationalisation plus grand de la part de l’administration publique.
D’autant plus controversée, que les universités nous ont prouvé, au cours des dernières années, qu’elles n’étaient pas les établissements publics les mieux administrés.
À lire sur le même sujet: Tout ça pour ça!

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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6 commentaires

  • Jocelyn Boily Répondre

    15 avril 2011

    Entièrement d'accord avec les propos de Tétraède
    L'ex ministre de l'éducation Legault n'a rien fait à la barre du ministère de l'éducation
    Maintenant il veut augmenter le salaire des professeurs, leur enlever la sécurité d’emploi et abolir les commissions scolaires c’est fou. On va redonner l'arbitraire patronale sans se soucier des vrais besoins des élèves.
    Je suis persuadé qu’au Québec nous avons les méthodes appropriées pour améliorer le français à l’école, que nous avons les ressources humaines nécessaires pour les appliquer en autant qu’on applique une saine gestion et une utilisation rationnelle des outils.
    Je ne crois pas que c’est en abolissant les commissions scolaires que notre système d’éducation s’en portera mieux.

  • Louis Lapointe Répondre

    14 avril 2011

    Bonjour l’Engagé,
    Votre commentaire sur les problèmes que peuvent engendrer les évaluations, sujet également abordé par Tétraèdre, m’amène à faire la remarque suivante sur les évaluations de professeur d’université, un domaine que j’ai bien connu comme administrateur et comme avocat.
    J’ai été pendant plusieurs années représentant patronal sur des comités d’évaluation de professeurs d’université. Dans le réseau de l’Université du Québec, les professeurs réguliers sont évalués par leurs pairs et se voient accordés leur permanence aux termes des deux premières évaluations qui sont effectuées aux deux ans.
    Par la suite, l’évaluation devient en quelque sorte une simple formalité sans graves conséquences, sauf le cas où elle conduit à l’obtention d’une promotion à la classe supérieure, l’équivalent de professeur titulaire.
    Dans certains départements, l’évaluation par les pairs, même lorsqu’elle est une simple formalité, est devenue un jeu politique entre différentes factions. Dans un tel contexte, un bon professeur pourrait subir de la part de ses pairs un procès qu’il ne mérite pas parce qu’il a eu le malheur d’avoir trop d’ambitions, d’être trop contestataire ou tout simplement d’être dans le mauvais camp, alors qu’un moins bon professeur qui a choisi le bon camp pourrait passer son évaluation comme une lettre à la poste.
    Le même genre de problème existe avec les comités de sélection lors de l’embauche des professeurs, des comités où j’ai également siégé.
    L’évaluation et la sélection lors de l’embauche sont des opérations subjectives qui peuvent conduire à de drôles de résultats qui sont difficiles à contester par l’une ou l’autre des acteurs, les professeurs, l’administration et le syndicat sauf si la démonstration est faite qu’il existait une « chapelle » formée contre le professeur qui en a été victime.
    J’ai plaidé de nombreux griefs sur le sujet, certaines causes que j'ai plaidées ayant même fait jurisprudence, notamment le fait que l’assemblée départementale est un tiers aux fins de la convention collective, de la loi et de la réglementation, dont le mandat est déterminé par les parties, l’Université et le syndicat.
    Tout cela pour vous dire que l’embauche, l’évaluation, la permanence ne sont pas des sujets faciles à baliser et qu’on nage souvent dans les jeux de coulisse lorsqu’un professeur ou son département sont controversés.
    L.L.

  • L'engagé Répondre

    14 avril 2011

    J'en ai contre l'évaluation: des évaluations menées par des gens qui gèrent une institution d'enseignement comme une entreprise ne feraient que niveler par le bas et il me semble impossible de tenir réellement compte « de la performance » des élèves pour évaluer les profs. Par exemple un prof sévère et expérimenté peut faire échouer un élève en sachant que le faire passer conduira ce dernier à de graves problèmes que ni l'élève ni les parents n'anticipent. Un tel prof serait-il évalué comme le professionnel qu'il est?
    Par ailleurs, nous sommes en ce moment complètement soumis aux dictats des sciences pédagogiques, lesquelles sont les moins expertes, tellement la discipline nage dans bouillabaisse épistémologique, pour donner des critères et des méthodes sur l'évaluation des profs.
    Legault, n'ayant pas pris connaissance de ces faits pourtant élémentaires, ou n'en prenant pas acte, montre qu'il est tout à fait digne d'avoir dirigé le MELS.

  • Archives de Vigile Répondre

    14 avril 2011

    = Legault et ses amis fédéralistes prennent le système d'enseignement du Québec pour une entreprise privée et non pas pour une institution nationale
    = généraliser l'insécurité d'emploi serait désastreux pour les enseignants et pour les élèves, car les enseignants éviteraient alors toutes les initiatives marginales suscitant la créativité
    = faire évoluer des enseignants par des non enseignants est aussi bête que de faire évaluer des médecins par des gars de la construction.
    = détruire les grands ensembles unificateurs comme les commissions scolaires serait un désastres vers le chaos généralisé qui reviendrait de faire de chaque école une mini commission scolaire incompatible avec les millier d'autres . Ce serait très vite l'anarchie
    = étant enseignant je connais ce débat terrible ou les entrepreneurs à la Sirois tentent de s'accaparer des écoles pour former des robots obéissants pour leurs entreprises au lieu de former des enfants dans toutes les sciences pour finalement les laisser choisir librement une option au cégep puis à l'université
    = Les propositions de Legault sont très dangereuses pour la suite et la cohésion de la Nation Québecoise et vouloir acheter les enseignants avec un 20% relève de la supercherie
    = je me réjouis de ces décisions précises de Legault car je sais qu'elles ne tiendront pas la route sauf pour l'ADQ et Harper
    TÉTRAÈDRE

  • Louis Lapointe Répondre

    13 avril 2011

    Bonjour Gilles,
    Je partage votre analyse concernant le fond de certaines propositions de François Legault. Si nous prenons la peine de les étudier, elles ne devraient probablement pas résister bien longtemps à l’analyse.
    Toutefois, une franche discussion avec François Legault nous amènera rapidement sur le terrain de la nécessité de la souveraineté. Bien sûr, des mesures comme celles en vigueur en Finlande pourraient améliorer la situation, mais cela ne sera pas suffisant pour rendre notre État totalement optimal. http://www.vigile.net/Les-vraies-raisons-du-depart-de
    À mon avis, la seule façon de voir le problème de l’efficience de notre État, le Québec, est de le regarder sous la loupe de l’indépendance. http://www.vigile.net/L-opportuniste
    Pour le reste, de mauvaises idées seront toujours de mauvaises idées, l’indépendance ne les rendra pas meilleures et les mauvais conseillers donneront toujours de mauvais conseils. Jean Charest l’a appris à ses dépens en 1998, ayant confié à Charles Sirois la responsabilité du recrutement des candidats du PLQ.
    Comme vous le suggérez, comment une étoile filante pourrait-elle accoucher d’autres choses que d’étoiles filantes ?
    L.L.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 avril 2011

    Je voudrais être plus substantiel, excusez-moi du peu. Ce qui me trouble dans l'offensive de François Legault, ce sont d'abord ses idées bien sûr. Mais encore plus, le gars assis aux côtés de françois Legault.
    Quant à son caquetage... François Legault s'est fait ramasser par l'ex présidente de la CEQ Lorraine Pagé ce matin chez Christiane Charette. Et elle a établi clairement, selon moi, que les idées de Legault ne tiennent pas la route, parce que ses propositions s'attaquent au cadre, au lieu de se concentrer sur le coeur du problème.
    L'exemple que vous donnez ici de la Finlande devrait inspirer Legault. Mais je ne pense pas que cela influence beaucoup l'énarque libéral Sirois qui est atteint d'économite aigüe, et qui semble-t-il a une influence déterminante sur les orientations de Legault. Ça ça m'inquiète si ces propositions devaient avoir de l'avenir.
    Heureusement ces idées risquent de se sublimer assez rapidement pour devenir qui sait, un cumulonimbus de plus, dans le monde des étoiles filantes...