Le budget du cynisme retrouvé

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«Les vases brisés par l'austérité sont légions»





Selon le ministre des Finances, Carlos Leitao, son quatrième budget présenté mardi serait celui de «l’espoir retrouvé». Aussi jolie soit-elle, la formule frôle néanmoins l’aveu d’un espoir perdu. Perdu par la faute même de trois longues années d’austérité.


Affamer les services publics au nom du sacro-saint déficit zéro ramait pourtant à contre-courant des sociétés les plus avancées. Qu’à cela ne tienne, le premier ministre s’est entêté. Pour reprendre sa propre formule messianique, c’est ainsi qu’il aurait «littéralement sauvé le Québec».


La réalité est que les vases cassés par l’austérité sont légions en éducation, en santé et dans les services sociaux. Or, plus on affaiblit les services directs à la population, plus la privatisation gagne du terrain. Impossible de l’ignorer tellement ça crève les yeux et le porte-monnaie de la classe moyenne, des moins nantis et des plus vulnérables.


Disons-le crûment. Si le gouvernement a pu engranger des surplus et «réinvestir», ce n’est pas dû à son génie comptable. C’est parce qu’il a suffisamment «désinvesti» dans les services publics pour se constituer un trésor de bonbons préélectoraux.


Des bonbons qui, de toute évidence, pleuvront encore plus au budget de l’an prochain. Comme par hasard, à quelques mois de l’élection générale.


Le demiard de Donalda


Le sans-gêne spectaculaire avec lequel le gouvernement «redonne» une fraction de ce qu’il a coupé en éducation et en santé, prend les Québécois pour de bien grands naïfs.


C’est comme si Séraphin redonnait un demiard de mélasse à Donalda après l’avoir privée de galettes pendant trois ans pour mieux gonfler ses sacs d’or au grenier.


Pis encore, pendant qu’il revient à une augmentation de 4,2 % en santé après trois ans de disette où il ne couvrait même plus les coûts de système, le ministre Leitao se prive en même temps de plus de 400 $ millions en éliminant la taxe santé de manière rétroactive.


Les perdants


Dans ce mauvais film qu’on nous rejoue en boucle depuis vingt ans, du déficit zéro de Lucien Bouchard à l’austérité de Philippe Couillard, de nombreux Québécois continuent d’en sortir perdants.


Quant aux prochaines générations, le dommage fait par des années de compressions les privera de services publics accessibles. Bye bye l’«équité intergénérationnelle»! Message: prenez votre mal et vos listes d’attente en patience.


Bref, ce budget est celui du cynisme retrouvé. Aux relents politiques vaguement sado-maso, il dit aux Québécois: «je vous ai fait mal pour votre bien et vous aimerez ça encore plus quand j’arrêterai de frapper».


Le problème est qu’au Québec, le déficit zéro en est venu à tenir lieu de religion collective. Comme pour toute croyance, tenter même d’en débattre passe pour de l’hérésie.


À force de se prosterner devant le veau d’or des agences de notation, le Québec sort peut-être du «rouge», mais à quel prix pour la qualité de vie de ses citoyens? Au-delà des curés bien-pensants de la Grande-Allée, la vraie question, c’est bien pourtant celle-là.




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