Gouvernement Harper

Le bulletin québécois

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Plus le nouveau Canada s'élabore sans le Québec, plus il y acquière le statut de puissance occupante - {Vigile}

Du premier ministre Stephen Harper en descendant, le cabinet conservateur a refusé de se mêler de la querelle québécoise sur la place du drapeau canadien à l’Assemblée nationale cet automne, et cela, malgré les appels du pied de plusieurs ténors libéraux fédéraux. L’histoire a démontré que l’unifolié n’avait pas besoin de défenseurs fédéraux.
Des Francs-Tireurs à Tout le monde en parle, le ministre du Patrimoine, James Moore, est un des rares ténors du cabinet de Stephen Harper à se manifester autrement qu’en coup de vent en sol québécois. Pour cet émissaire d’un gouvernement qui n’a pas d’atomes crochus avec la culture, les relations avec le milieu culturel sont néanmoins cordiales. C’est déjà beaucoup dans les circonstances actuelles.

Réintégré au Conseil des ministres après le scrutin de 2011, Maxime Bernier s’écarte moins des sentiers battus du Parti conservateur que pendant son purgatoire comme simple député. Il a néanmoins clairement affiché ses couleurs dans le dossier du bilinguisme des futurs officiers du Parlement. À la fin de l’année, le gouvernement s’est résigné à donner son accord de principe à un projet de loi néodémocrate qui stipule que les titulaires de ces postes devront être bilingues.

À reculons, le ministre des Finances, Jim Flaherty, s’est tout de même finalement entendu avec Québec sur un règlement du dossier de la TPS/TVQ qui respecte la volonté québécoise de continuer à percevoir les deux taxes. Il s’est également plié, sans trop rechigner, à un jugement de la Cour suprême qui a anéanti son projet d’une commission nationale des valeurs mobilières.

Plutôt que de déchirer sa chemise en réaction à des reportages qui prédisaient le sabotage par le gouvernement Marois du projet de libre-échange Canada-Union européenne, le ministre du Commerce international, Ed Fast, n’a pas perdu de temps pour faire le suivi du dossier avec ses nouveaux homologues. Bien lui en a pris puisque le gouvernement péquiste est aussi partant pour ce traité que son prédécesseur libéral.

Quand un premier ministre souverainiste se déplace à l’étranger, c’est le ministre fédéral des affaires étrangères qui dicte le comportement de la diplomatie canadienne. La relative discrétion des Lawrence Cannon et Jean-Pierre Blackburn — respectivement en poste en France et à l’UNESCO — lors de la visite de Pauline Marois laisse entendre que le ministre John Baird entend éviter un retour aux querelles publiques de drapeaux sur la scène internationale.

L’aversion du gouvernement Harper pour les guerres de drapeaux — que ce soit à l’Assemblée nationale ou à l’étranger — détonne par rapport à l’attitude de ses prédécesseurs libéraux. Ce changement de ton tient à une série de raisons qui incluent une évidente nécessité politique.
Sans auditoire digne de ce nom — le plus récent sondage CROP/La Presse place le Parti conservateur en 4e place dans les intentions de vote québécoises à 13 % —, le potentiel d’influence positive du gouvernement Harper est à peu près nul au Québec. Chaque fois qu’il ouvre la bouche sur un sujet sensible, il est plus susceptible de jeter de l’huile sur le feu qu’autre chose.

Collisions à répétition
Dans l’ensemble, le parcours québécois de Stephen Harper est jonché de débris des collisions à répétition entre son gouvernement et l’opinion publique québécoise. À ce chapitre, le bilan s’est encore alourdi en 2012.

Électorat québécois et conservateurs fédéraux s’entendent pour ne pas s’entendre sur une longue série de sujets, souvent fétiches aussi bien pour le parti au pouvoir que pour le Québec, mais pour des raisons diamétralement opposés.

Les problèmes vont de l’agacement qu’inspirent ici les élans monarchistes conservateurs à l’indignation que suscitent son activisme répressif en matière judiciaire, son jusqu’au-boutisme au sujet de registre des armes à feu ou encore son action à contre-courant dans le dossier des changements climatiques. Ce ne sont que quelques exemples.

Si le gouvernement Harper semble s’accommoder plutôt sereinement de ce que le courant électoral ne passe pas avec le Québec, c’est qu’il a réussi à devenir majoritaire sans son appui en 2011. C’est un exploit qui pourrait devenir récurrent dans la foulée de l’ajout de plus de deux douzaines de sièges fédéraux en Alberta, en Colombie-Britannique et en Ontario à partir du scrutin de 2015.

Mais s’il résiste à la tentation de tirer un profit politique à peu de frais sur le dos du Québec dans le reste du Canada, c’est que les stratèges conservateurs savent qu’un élan de fièvre référendaire pourrait transformer la faiblesse chronique du parti gouvernemental en sol québécois en talon d’Achille électoral.

Le gouvernement Harper ne gouverne pas moins avec un œil sur le thermomètre de la souveraineté que ses prédécesseurs libéraux. La prudence la plus élémentaire lui dicte, autant que faire se peut, de ne pas souffler sur des braises que bon nombre de ses orientations politiques alimentent déjà.
Chantal Hébert est columnist politique au Toronto Star.


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