Ottawa — C’est un débat où la politique semble peser aussi lourd que la science. Le Canada a officiellement annoncé lundi qu’il reportait à une date ultérieure indéterminée sa soumission finale à la Commission des limites du plateau continental concernant les pourtours du territoire qu’il revendique en Arctique. Des données scientifiques supplémentaires sont nécessaires, ont expliqué les fonctionnaires, mais le résultat escompté est déjà connu: Ottawa veut réclamer comme sien le pôle Nord.
Le Canada a adhéré à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer le 7 décembre 2003. À titre de signataire, il avait dix ans pour soumettre ce qu’il considère comme son territoire. Il s’agit de cartographier le plancher océanique pour déterminer jusqu’où va le prolongement naturel du plateau continental canadien et d’analyser l’épaisseur de la couche de sédiments. Il faut aussi prendre diverses considérations légales en ligne de compte.
États-Unis et Danemark
Résultat: le Canada revendique 1,2 million de kilomètres carrés dans la zone atlantique. Il devra, a-t-il reconnu, négocier avec les États-Unis et le Danemark certaines portions proches du Labrador et de la Nouvelle-Écosse. Le Canada prévoit avoir un différend avec la France, qui pourrait revendiquer — à tort selon lui — du territoire à cause des îles Saint-Pierre-et-Miquelon.
En ce qui concerne l’Arctique, le Canada a seulement soumis des données préliminaires indiquant son intention de déposer une revendication future. Quand? Mystère. «Nous ne pouvons pas prédire avec précision combien de temps cela prendra. Ce n’est pas une course», a soutenu Hugh Adsett, le directeur général des affaires légales au ministère des Affaires étrangères.
Un des scientifiques a fait valoir que la collecte de données dans le Nord est difficile parce que les zones ne sont accessibles que six à huit semaines par année. Mais l’explication est peut-être tout aussi politique. La semaine dernière, le Globe and Mail a révélé que le premier ministre Stephen Harper avait lui-même demandé aux fonctionnaires de refaire leur soumission pour l’Arctique, estimant que le territoire revendiqué n’était pas assez étendu. Est-ce ce qui s’est produit? «Je ne peux pas discuter des secrets du cabinet», s’est borné à répondre M. Adsett lundi.
Les scientifiques disent avoir besoin de recueillir davantage de données, mais la conclusion à laquelle ils arriveront est déjà toute trouvée. «Nous croyons que les données scientifiques démontreront que la dorsale de Lomonossov est le prolongement naturel du plateau continental canadien, que le pôle Nord fait partie de cette dorsale et qu’il peut donc être revendiqué comme faisant partie du plateau continental canadien», a expliqué M. Adsett tout en répétant inlassablement que «Notre objectif est d’obtenir le plus large plateau continental possible et d’obtenir les données pour cela».
C’est d’ailleurs le mot d’ordre du ministre des Affaires étrangères, John Baird. «Nous sommes résolus à faire en sorte que toute la population canadienne bénéficie des formidables ressources qui existent dans le nord de notre pays.»
Mission russe
La Russie revendique elle aussi le pôle Nord, elle qui y a planté son drapeau à l’été 2007. M. Baird assure que «le Canada va se battre pour affirmer sa souveraineté dans le Nord», mais qu’il «sera un bon voisin ce faisant».
Un pays applique toutes ses lois jusqu’à 22 kilomètres au-delà de ses côtes et a le contrôle exclusif de toutes les ressources naturelles jusqu’à 370 kilomètres des côtes. Le but de cet exercice international est de déterminer si son territoire s’étend au-delà. Le Canada y a consacré 200 millions de dollars jusqu’à présent.
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