6 janvier 2005
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"LE CHUM 2010", EN GARDANT LA TÊTE FROIDE... en ce ... 1er janvier 2005
Médecin à l'hôpital St-Luc, j'y travaille à l'urgence (en psychiatrie) depuis plus de 30 ans. J'ai 64 ans, et ne "verrai donc pas la terre promise" , (sinon peut-être comme "usager" ...); ce qui me permet, donc, une certaine objectivité. La clientèle de cette urgence est locale, lourde et très « typée ». D'entrée de jeu, j'ose dire "ce qui ne se dit pas", "rectitude politique" et autres bons sentiments obligent : surchargée d'itinérants, de toxicomanes, de démunis, de séropositifs, très peu mobile, elle justifie un hôpital, elle mérite son hôpital sur place, mais pas un CHUM qui exige plus de diversité.
En janvier 99, Bernard Landry (Ministre des Finances) prenait par devers moi cet engagement que je relayais aussitôt au Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) : « Arrivez-nous avec un projet bien ficelé et vous aurez le CHUM le plus gros, le plus beau, celui qui formera les meilleurs médecins». Et Lucien Bouchard, de New York, de renchérir quelques semaines plus tard : 1,5 milliard ! Dans un grand revirement, les médecins du CHUM enfin se ralliaient rapidement autour du concept de site UNIQUE et NEUF : tout le monde se mettait au travail, le projet naissait, se "ficelait"...
Et puis, l`enlisement... le « nés pour un petit pain » nous rattrapait...
Après tout ce qui s'est dit et écrit, quelques mises en perspectives et autres précisions restent à ajouter au dossier déjà constitué dans la presse.
1) Quiconque regarde une carte de Montréal doit bien constater que les deux gares de triage sont en 2004 des incongruités au coeur d'une ville de trois millions d'habitants. Ces deux sites sont donc appelés à être occupés tôt ou tard. Ce qui, tôt ou tard, exigera dépollution, égoûts, aqueduc, rues, amélioration des voies d'accès, etc.
Pourquoi ne pas intégrer cette inévitable nécessité à un projet d'envergure emballant, porteur d'avenir et de progrès?
Et puis, on fait tout un plat de la dépollution; mais il s'agit de sites où ont travaillé sans drame des centaines de personnes depuis cent ans. Et où il ne s'agit pas d'aménager un potager et un verger mais bien de couler du béton étanche.
2) On nous dit que 5% du trafic ferroviaire implique des substances dangereuses : toxiques ou explosives. Trop risqué pour un hôpital scellé, climatisé, hermétique, mais pas pour les milliers de logements familiaux que nous propose le maire de l'arrondissement, et pour les autres déjà disséminés tout au long du parcours de la voie ferrée : consultez la carte ? Sans doute veut-on y parquer des vieux ! Non mais sans blague...!
De toutes façons, si ce genre de trafic au milieu d'une population est si dangereux, il aurait dû être dirigé ailleurs depuis des lunes : il n'y a pas de "droits acquis" à l'encontre de la santé et de la sécurité publique.
3) Les soi-disant "représentants des usagers", "les malades", (élus par liste, autoproclamés : moi-même" usager", je ne les connaissais même pas et n'ai jamais vu l'ombre d'une consultation; belle imposture !), donc s'inquièteraient de la disparition de services locaux si le CHUM est construit à Outremont : leur approche du problème est confondante de naïveté!
En effet, de deux choses l'une : ou bien la clientèle locale est première servie dans ses besoins ordinaires et alors elle envahit et monopolise le CHUM qui y voit sacrifiée sa vocation d'institution de pointe : un gaspillage et un ratage fabuleux; ou bien l'accès de cette population y est contingentée pour préserver la vocation spécifique du CHUM... et la population locale est mal servie, s'empile et stagne à l'urgence : elle est trahie.
La solution est pourtant évidente et ce, depuis le début : conserver au centre-ville, en plus du CHUM de 700 lits sur un site unique neuf à Outremont, un hôpital de quartier qui assume pleinement la demande de premier et deuxième niveau, les cas de troisième et quatrième niveaux étant, comme ceux de tout le Québec, référés au CHUM au besoin.
Construire une structure hospitalière universitaire de pointe aussi complexe et coûteuse en fonction d'une clientèle locale serait une aberration scandaleuse, une honte !
4) Les plans du CHUM St-Luc sont ceux d`un ramassis hétéroclite de bâtiments disparates, neufs ou rafistolés, posés sur le lit d'une ancienne rivière et sur un métro, à côté d'une autoroute dans un quartier d'affaires où la circulation est déjà trop dense et le stationnement ultra rare et ruineux.
Il faut être de mauvaise foi pour croire qu'un tel plan se réalisera sans "surprises", à moindres coûts, et plus rapidement que celui d'un bâtiment neuf pensé de façon intégrée depuis le début et qui pourra naître, en travaillant jour et nuit au besoin, sans les contraintes de l'hôpital actuel qui devra continuer à vivre sa vie simultanément sans bruit soir et nuit, sans poussière, avec accès préservé en tout temps, etc., etc.... Les ingénieurs et architectes «évaluateurs de projet" spécialisés d'une grande société d'État, que j'ai questionnés et fait questionner, en ricanent en coeur (mais en silence : carrière oblige).
5) Du côté du personnel, vivre durant six ou sept autres années (des années de plus à cause des «surprises» : on doit faire dans du vieux et du vivant!) encore dans la construction va être l'enfer. Sans compter que les stationnements vont disparaître au diable vauvert.
6) L'expansion ne se pourra faire qu'à coût d'expropriations, en concurrence avec l'UQUAM, le quartier chinois et celui des affaires, dans un éparpillement acrobatique...
Alors que sur le site Outremont, il sera facile d'ajouter avec le temps, par exemple, une hôtellerie pour les malades venus de loin, une autre pour les chercheurs étrangers invités, des centres de recherche privés, etc.
7) La ville de Montréal a toujours refusé à St-Luc un stationnement étagé au motif que ça aurait trop augmenté la circulation sur la rue Sanguinet. Et un CHUM de 10 000 personnes, y a plus rien là tout d'un coup?
8) Les voies d'accès : la «20 » est bien une autoroute, mais n'est plus soir et matin ( ...et accidents divers ), et ce de pire en pire, une «voie rapide» : je l'emprunte (Beaurepaire-Montréal-Beaurepaire) deux fois par jour depuis 21 ans et parle en connaissance de cause: coincé là dedans... Je m'y suis déjà retrouvé (à ville St-Pierre) coincé entre un char d'assaut, un bateau, une locomotive (sic) et un bulldozer!
Puisque l'on impute les coûts de voirie au projet Outremont, il faudrait donc en toute équité ajouter au projet St-Luc les coûts de la réfection des échangeurs Dorval, Lachine (la 13), ville St-«Pierre (pont Mercier), Turcot et ceux de la construction de la 30 (les camions en transit!).
De plus, la moindre manifestation ferme les rues avoisinantes.
9) Le bric-à-brac de blocs disparates proposé par le projet CHUM St-Luc est si peu inspirant que son financement privé risque de devoir compter encore longtemps sur la vente de barres de chocolat...
On peut reprocher beaucoup de choses à nos grands financiers, mais certainement pas d'avoir su voir grand et avec raison comme leurs succès le prouvent. Ils ont de la vision. Alors pourquoi refuser qu'ils en aient aussi pour un projet qui doit être une fierté nationale pour le demi-siècle à venir?
10) Les médecins qui s'opposent au projet Outremont le font essentiellement par peur de "se retrouver avec rien du tout face à McGill" : "Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras", se disent-ils en bon colonisés perdants. Mais le gouvernement qui tolérerait ça se suiciderait.
De plus, naïvement, beaucoup à St-Luc triomphent de Notre-Dame ! Pathétique!
11) Le CA du CHUM ? Flottant sans leadership sur le monstre qui persiste à fonctionner tant bien que mal bien plus «malgré» que «grâce à» lui («on s'arrange comme on peut» est la règle) sa médiocrité en fait un bien misérable guide : l'origine corporative de ses membres, les intérêts sous-jacents, les plans de carrière, etc. n'en font pas un corps très indépendant face «au Ministère» auquel peu osent déplaire. Pathétique!
12) Quant à l'Agence (ex-Régie régionale), ses statistiques sont souvent non fiables, elle n'a pas vocation à gérer l'enseignement et la recherche universitaires, et elle n'est plus indépendante du gouvernement. Sa pensée en est plutôt... bornée.
13) Le Gouvernement, enfin, serait encore à la merci d'une fonction publique qui persiste à croire qu'il y a trop de médecins au Québec et que ceux-ci travaillent mal!
Espérons que notre ministre et ses collègues ne se laisseront pas piéger par ces gens-là.
14) Le véritable scandale, typique d'une nation pas encore vraiment décolonisée, est qu'à Québec (où d'ailleurs nombre de fonctionnaires bien au chaud dans la pureté ethnique de leur environnement rêvent à un site unique bilingue pour Montréal! Sans blagues !) on se sent obligé de partager à 50/ 50 le budget McGill vs Université de Montréal alors que la contribution respective des deux au Québec est de 10% vs 40% en médecins.
L'argent pour le CHUM Outremont est là, si on a le courage de le répartir équitablement. Rappelons que nos "Anglos" ne comptent que pour 9% , et nos "Allos" pour 10% de notre population!
15) Le projet Outremont est sis dans un quartier à demi anglophone et allophone. Mais une telle Cité de la santé, de par sa masse et sa qualité critiques, ne pourra que le franciser et non l'inverse.
Un gain à terme.
16) Pour le prix d`un gros barrage, est-ce un investissement de moindre portée ?
Si finalement on choisissait piteusement de nous ratatiner encore une fois, si finalement le CHUM St-Luc était choisi, il est évident pour qui que ce soit qui voit au-delà du bout de son nez que le véritable hôpital universitaire québécois, pour l'étranger, sera définitivement le CUSM; qui vantera son bilinguisme (et, même ça, c'est souvent une pure façade : « You have to talk to me in English, we are in Canada here !", me sert-on trop souvent !) dans un Montréal bilingue pour un Québec bilingue.
Le Gouvernement vient d'ailleurs de lui livrer, à titre de RUIS (Réseau universitaire intégré de santé) l'Ouest de la Montérégie, l'Outaouais, le Témiscamingue, l'Abitibi et le Nunavik : le quart du Québec !
A cette idée, j`enrage ...froidement ! Et vous, citoyens ?
Georges-Étienne Cartier, MD, CSPQ (Psychiatrie ), LL.L
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