Le Fonds des générations au coeur de la valse des milliards

Le programme géré par la Caisse de dépôt et placement se profile déjà comme un futur enjeu électoral pour le gouvernement Couillard

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Un enjeu des prochaines élections générales ?






Le ministre des Finances, Carlos Leitão, s’est présenté comme le « porteur de bonnes nouvelles » lorsqu’il a déposé son 4e budget à l’Assemblée nationale mardi.


 

Celui-ci prévoit un « réinvestissement » non négligeable en éducation et en santé, qui ont subi de lourds dommages lors de la guerre menée contre le déficit budgétaire au cours des trois dernières années. Il a aussi annoncé la suppression rétroactive de la taxe santé et, en prime, une légère baisse d’impôt générale pour 4,3 millions de contribuables québécois.


 

Après avoir déploré qu’à la suite de «  trois ans de démolition, on [ait] droit à un budget de rafistolage »,les partis d’opposition ont exposé leurs divergences de vues au sujet de l’avenir du Fonds des générations, dans lequel le gouvernement compte déposer pas moins de 2,5 milliards de dollars au terme de l’année fiscale.


 

Le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, s’est dit « favorable au dépôt annuel d’une somme dans le Fonds des générations ». Cependant, « ce fonds doit être mieux investi dans la croissance économique du Québec, qui est anémique sous les libéraux »,a-t-il fait valoir au lendemain du dépôt du budget. « Mais on pense que ça doit rester au fonds »,a-t-il précisé.


 

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a dit qu’il « n’exclurai[t] pas, à court terme, d’utiliser une partie des versements au Fonds des générations » pour « au moins remettre les 800 $ [que les libéraux ont] pris dans les poches des familles » depuis le printemps 2014.


 

Les libéraux ont crié à l’hérésie.


 

Anniversaire


 

Dix ans après le premier versement au Fonds des générations, qui vise à réduire le poids de la dette quant au PIB, ce dernier est encore en place. Alimenté par des redevances sur l’eau, les redevances minières, la taxe sur les boissons alcooliques et autres sources, il vient de franchir un cap symbolique : 10 milliards. Ce montant fructifie entre les mains de la Caisse de dépôt et placement, et les agences de notation y voient une politique responsable.


 

« Je suis agréablement surpris qu’il soit encore là »,dit Marcelin Joanis, professeur d’économie à Polytechnique Montréal, qui militait pour le remboursement de la dette avant même la création du Fonds. « On a maintenu les versements sans déroger, et il faut vraiment saluer ça. Ce n’est pas toujours le cas : les gouvernements n’ont pas toujours une cohérence temporelle, comme on dit dans notre jargon. Mais le Fonds fonctionne comme prévu. »


 

Cependant, l’accroissement du Fonds et sa taille devenue impressionnante représentent pour M. Joanis un « risque politique ». Car le Fonds n’est, dans les faits, protégé que par une loi de l’Assemblée nationale. Un gouvernement qui voudrait un jour modifier sa mission et puiser dans le Fonds aurait toute la marge pour le faire. « Sur la question de tirer profit sur les écarts de rendement, j’achète. […] Mais le risque le plus tangible, c’est sa taille croissante. Au départ, il était petit. » Le Fonds entre dans une phase test, selon lui.


 

De façon concrète, l’objectif du Fonds est de générer des rendements supérieurs aux coûts des nouveaux emprunts du gouvernement québécois. La seule année où cette stratégie a raté, c’est 2008, une année désastreuse pour l’ensemble des gestionnaires et des marchés. Cette année-là, la Caisse avait enregistré un rendement de –22,4 % (mieux que l’ensemble des déposants de la Caisse), alors que les coûts des nouveaux emprunts avaient augmenté de 4,5 %. De manière générale, l’écart est positif et se situe entre 5 et 9 %.


 

Vider le Fonds


 

Lors de la campagne de 2012, le Parti québécois avait pris l’engagement de vider le Fonds des générations pour appliquer ses 5,5 milliards directement au remboursement de la dette. Il a changé d’idée. Après l’élection, il a plutôt décidé de ne retirer qu’un milliard et, plutôt que d’abolir le Fonds, il a annoncé un élargissement des sources qui l’alimentent.


 

Si le Fonds n’est pas appliqué directement au remboursement de la dette, les agences de notation telles que Moody’s et DBRS le perçoivent comme une sorte d’équivalent.


 

« Si un futur gouvernement décidait de modifier l’approche et utilisait le Fonds des générations pour autre chose que la diminution de la dette, comme les dépenses de programmes, nous serions obligés d’exclure le Fonds de notre analyse du poids de la dette »,a dit au Devoir cette semaine Travis Shaw, vice-président des finances publiques à l’agence de notation DBRS. Quiconque entend ces propos doit comprendre qu’il n’en résulterait pas forcément une décote. Mais l’appréciation de DBRS, visiblement, serait différente.


 

La débâcle généralisée de 2008 sur les marchés avait incité l’OCDE à recommander au gouvernement d’abandonner le concept. « L’argent qui coule vers le Fonds depuis quelques années aurait dû être appliqué directement au remboursement de la dette et devrait l’être au cours des prochaines années aussi »,avait écrit l’organisme en 2010.


 

Le Fonds est quand même une bonne idée, dit Robert Hogue, premier économiste à la Banque Royale. « Tant et aussi longtemps que les rendements sont supérieurs aux coûts d’emprunt…,dit-il. Jusqu’ici, la Caisse de dépôt et placement a connu du succès. On se croise les doigts pour que ça se poursuive pour les générations à venir. »


 

Originaire du Québec, mais installé à Toronto depuis maintenant 27 ans, M. Hogue affirme que la réputation fiscale du Québec se redresse depuis quelques années. « Il y a encore des inquiétudes [à Bay Street] sur l’ampleur de la dette par rapport à la taille de l’économie, mais la tendance des dernières années est perçue comme très positive. »


 

Le rapport de la dette brute du Québec (207 milliards) comparativement à son produit intérieur brut est présentement de 52,7 % et diminue depuis deux ans. Québec veut qu’il descende à 45 % d’ici 2025-2026. En Ontario, il était l’an dernier de 46,3 %. « Quand Québec a créé le Fonds des générations, le niveau de la dette était élevé, pas juste en termes absolus, mais en termes relatifs par rapport à la taille de l’économie »,dit M. Hogue.


 

L’argent du Fonds des générations est géré par la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui compte une trentaine d’autres déposants comme la Régie des rentes, les employés du secteur public, la CSST, etc. Selon le budget déposé mardi, la politique de placement du Fonds est plus conservatrice que le portefeuille de référence moyen de l’ensemble des déposants. Celle du Fonds des générations, par exemple, prévoyait au 1er janvier une allocation de 45,5 % dans les actions, 38,5 % en obligations et 16 % en placements sensibles à l’inflation (immeubles, infrastructures, etc.).


 

Aurait-il été préférable de consacrer les sommes au développement économique, au financement des services publics, aux infrastructures ? L’usage du Fonds et sa mission reviendront dans le débat public, estime Marcelin Joanis. « La prochaine campagne électorale va être intéressante à ce sujet-là. Les partis vont-ils se positionner ? Faire des propositions ? Il y a des signaux selon lesquels certains partis pourraient vouloir changer un peu la vocation du Fonds. »




Une malédiction pèse-t-elle sur les budgets Leitão d’après-austérité?


Il s’agit du « budget de l’espoir retrouvé »,a résumé le ministre Carlos Leitão après avoir desserré l’étau budgétaire mardi. Les invités du cocktail organisé dans le restaurant Le Parlementaire mardi soir étaient tout sourire, ravis d’avoir tourné le dos à la « rigueur budgétaire » sans pour autant avoir succombé au « chant des cigales dépensières ». Puis, le « boeuf de Matane » et les « fat cats » de Bombardier sont sortis de l’ombre pour jouer les trouble-fête.



Le fantôme de l’ex-collecteur de fonds Marc-Yvan Côté a surgi comme le bonhomme Sept-Heures pour une deuxième année consécutive durant la semaine du budget. L’ex-ministre libéral avait été arrêté par l’Unité permanente anticorruption (UPAC) au petit matin du 17 mars 2016. Avec Nathalie Normandeau et cinq présumés complices, il avait volé la vedette au 3e budget Leitão. Le fantôme de l’ex-collecteur de fonds a refait le coup cette année. Le Journal de Montréal a dévoilé des courriels laissant entendre que l’homme banni à vie du Parti libéral du Canada a joué un rôle occulte dans l’organisation de la campagne de Philippe Couillard à la chefferie du Parti libéral du Québec en 2013 — ce que nie catégoriquement M. Couillard.

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