Le meilleur des PPP

17. Actualité archives 2007


Nous sommes allés en Angleterre pour savoir si ce serait une bonne idée de construire le CHUM et le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) en PPP, comme Québec envisage de le faire. Ce que nous y avons vu nous a convaincus que non. C'est une formule qui, lorsqu'on l'applique à des hôpitaux, présente beaucoup d'inconvénients et très peu d'avantages.
Toutefois, certaines caractéristiques du modèle PPP méritent considération. «Le processus des PPP a amené beaucoup de discipline», souligne Ian Wootton, associé chez PricewaterhouseCoopers et porte-parole du PPP Forum, l'organisme qui défend les intérêts du secteur privé. D'autres interviewés, dont Gaurav Singh, analyste chez Standard & Poor's à Londres, nous ont dit la même chose.


Et c'est vrai à tous points de vue. Les fonctionnaires doivent déterminer leurs besoins avant et non pendant la construction. Les ministres ne peuvent plus faire d'annonces à partir d'estimations sommaires. Et les entrepreneurs sont payés seulement à la fin du projet, ce qui est une bonne motivation pour terminer à temps.
C'est cette discipline, et non la lourdeur et la rigidité des PPP, qu'il faut insuffler aux projets du CHUM et du CUSM. Souvenez-vous du rapport ahurissant que le vérificateur général du Québec a publié sur le secteur de la santé en juin dernier. Neuf chantiers, neuf dérapages. La différence entre les coûts annoncés au départ et la facture finale allait de 19 à 204%!
Un centre d'hébergement qui devait être agrandi au coût de 5,6 millions s'est terminé par une construction neuve de 16,1 millions. Un projet de 4,4 millions a coûté 360 000 dollars de plus parce qu'on avait oublié de budgéter le troisième étage. «De fait, pour les projets que nous avons examinés, les demandes de majoration des budgets prévisionnels ont toutes été acceptées», note le VG.
Le problème, encore une fois, ne vient pas du mode conventionnel, mais de l'incroyable manque de rigueur avec lequel il a été utilisé. Le rapport présente d'ailleurs plusieurs recommandation pour éviter de tels désastres.
D'abord, s'assurer d'avoir un gestionnaire de projet dès le début. «C'est essentiel et primordial, on améliore nos chances de succès autant au niveau des budgets que des échéanciers», dit le vérificateur général adjoint, Gilles Bédard. Ensuite, bien évaluer les besoins. Et finalement, bien analyser les risques pour éviter les mauvaises surprises.
La nomination d'un directeur exécutif, Clermont Gignac, pour aider les deux hôpitaux universitaires à préparer leur projet, est un pas dans la bonne direction. Les dossiers d'affaires que prépare l'Agence des PPP aussi, puisqu'ils permettront de mieux cerner les projets avant d'aller en appel d'offres.
Cependant, rien n'interdit de faire preuve d'autant de rigueur en mode conventionnel. Le conseil du Trésor planche d'ailleurs sur un cadre de gouvernance qui pourrait être appliqué à tous les grands projets publics et qui reprendrait plusieurs éléments du dossier d'affaires utilisé par l'Agence des PPP.
L'autre caractéristique des PPP qui mériterait d'être retenue, c'est cette idée de confier l'entretien de l'hôpital au groupe qui le construit. La formule présente un double avantage. D'abord, elle incite l'entrepreneur à bâtir un édifice de qualité, puisque c'est lui qui devra le garder en bon état. Ensuite, elle empêche le gouvernement de rogner sur l'entretien. C'est même le plus grand avantage des PPP, considère l'économiste Andrew Lloyd-Kendall. «On sait aujourd'hui que si l'environnement est agréable, les gens sortent beaucoup plus rapidement. Et ils attrapent probablement moins de maladies nosocomiales.» Même des gens qui sont très critiques envers les PPP, comme l'économiste Jon Sussex et le spécialiste du bâtiment Malcolm Hollis, trouvent que c'est une bonne idée.
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Québec a déjà eu l'intelligence d'opter pour un «PPP léger», pour reprendre l'expression du ministre Couillard, en ne transférant pas l'entretien ménager et les autres services auxiliaires au secteur privé. Il peut faire encore mieux en s'occupant du financement.
Le gouvernement, comme on le sait, obtient toujours un meilleur taux d'intérêt que le secteur privé. Toutefois, c'est un avantage assez minime, comme l'a découvert le gouvernement britannique en finançant lui-même quelques PPP. «On parle de 0,1 à 0,4% sur le coût total du projet», dit Ian Wootton, dont la firme a participé à deux de ces expériences.
Ce qui fait une différence importante ici, c'est l'exemption de taxes dont jouit la Corporation d'hébergement du Québec - la division immobilière du ministère de la Santé. Le secteur privé, lui, n'a pas droit à cet avantage fiscal. Si c'est lui qui possède les édifices, ceux-ci coûteront plus cher à construire.
Mais si nous croyons que Québec doit rester propriétaire de ses hôpitaux universitaires, c'est surtout pour que ceux-ci aient les coudées franches. Pour des établissements qui veulent se maintenir à la fine pointe, c'est indispensable.
On peut comprendre que le gouvernement Charest soit intéressé par les partenariats avec le privé. Tous les pays le sont. Le prolongement des autoroutes 25 et 30, ainsi que la construction du CHSLD Champlain, en Montérégie, sont des bonnes façons d'expérimenter la formule. Mais il faut absolument éviter d'imposer un tel carcan au CHUM et au CUSM.


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