Le milieu universitaire inquiet des réformes d’immigration envisagées par Québec

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Les universités ont surtout peur de perdre les sous des universitaires étrangers


Près de trois mois après avoir suspendu un populaire programme d’immigration destiné notamment aux étudiants internationaux, le gouvernement Legault envisage finalement de restreindre cet accès. Cette mesure inquiète fortement le milieu universitaire, qui y voit une perte d’attractivité ainsi qu'un risque de fuite des cerveaux.




Dès la rentrée scolaire, le recteur de l’Université de Sherbrooke, Pierre Cossette, qui est également président du Conseil d'administration du Bureau de coopération interuniversitaire (BCI), a écrit au ministre de l’Immigration Simon Jolin-Barrette.


Au nom de ce regroupement d’universités québécoises, il a fait part, dans une lettre qu'a pu lire Radio-Canada, des craintes du milieu universitaire à la suite de la suspension du Programme d'expérience québécoise (PEQ), début juillet. Ce moratoire visait les étudiants internationaux souhaitant passer par cette voie accélérée pour immigrer de manière permanente dans la province.



La suspension temporaire du PEQ porte déjà atteinte à la crédibilité de nos établissements universitaires; nous avons reçu plusieurs signaux à cet égard au cours des dernières semaines.


Extrait de la lettre de Pierre Cossette adressée à Simon Jolin-Barrette


Cette suspension doit se conclure le 1er novembre, mais aucune information n’a été officiellement communiquée aux universités, explique Pierre Cossette. Cette lettre est d’ailleurs restée sans réponse et le cabinet du ministre n’a pas répondu aux demandes de Radio-Canada.


Le gouvernement Legault veut « resserrer les exigences au PEQ » 


Radio-Canada a cependant appris que les règles d’accès au PEQ devraient être resserrées à partir du 1er novembre. Dans un mémoire rédigé par Simon Jolin-Barrette et présenté au Conseil des ministres mi-septembre, le ministre propose une modification des « conditions de sélection » en raison d’une « popularité croissante » de ce programme.



Il n’est plus possible de sélectionner l’ensemble des résidents temporaires sans considérer le domaine de formation dans lequel ils ont étudié ou l’emploi qu’ils occupent.


Extrait du mémoire de Simon Jolin-Barrette


L’objectif, mentionné dans ce document, est de limiter le volume de demandes reçues, une possibilité qui n'a rien pour rassurer le milieu universitaire.



Peu importe les cibles [du gouvernement], on pense que les gens qui passent par une diplomation dans une université québécoise sont les mieux placés pour s’intégrer. Ils ont vécu le Québec et ils n’ont même pas besoin de faire reconnaître leur diplôme, affirme Pierre Cossette.


Quelqu’un qui étudie et vit ici, qui parle français, qui est installé dans la communauté a pourtant plus de chances de rester au Québec, dit Philippe LeBel, président de l’Union étudiante du Québec. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, on ne comprend pas.


« C’est une inquiétude », clame Philippe Clément, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec.



On veut rendre l'accès plus restrictif à un programme qui fonctionnait bien. L’accès au PEQ sera donné de manière inéquitable.


Philippe Clément, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec.


Au contraire, reprend Pierre Cossette, il serait préférable de favoriser l’accès à l’immigration des étudiants. « On minimise le risque et on maximise les chances de succès, car ils se sont déjà adaptés à leur milieu. »



De plus, ajoute-t-il, il ne faut pas restreindre l’accès au PEQ en fonction du domaine de formation. « Des gens ont des parcours qui ne sont pas toujours prévisibles. Un ingénieur devient un gestionnaire, un historien devient un directeur. Il ne faut pas sous-estimer les compétences culturelles et l’intégration », dit-il.


Le PEQ est « un avantage compétitif » pour le Québec, dit le BCI


Tous dénoncent par ailleurs le manque de communication et de consultation de l’équipe de Simon Jolin-Barrette. « C’est fait derrière des portes closes », souligne Philippe Clément. « Tout est fait catimini, en se cachant », ajoute Philippe LeBel.


Le président du BCI craint de son côté un impact sur le recrutement, mais aussi sur la capacité de retenir ces étudiants dans la province. S’ils n’ont plus accès au PEQ, ces cerveaux qui veulent s’installer de manière permanente au Québec devront alors utiliser d’autres voies, avec des délais nettement plus longs.


« Notre capacité de recruter des étudiants internationaux est favorisée s’ils savent qu’ils ont accès à ce programme », spécifie-t-il, en évoquant le départ vers d’autres provinces, où les délais sont bien plus courts.



Ce qui serait triste, c’est que des étudiants soient formés dans des universités québécoises, mais puisqu’on n’a plus ce système, ils s’en vont travailler dans d’autres provinces.


Pierre Cossette, recteur de l’Université de Sherbrooke


« On perdrait notre avantage compétitif [avec le PEQ] par rapport au reste du Canada », évoque-t-il, en rappelant l’attrait des universités québécoises dans le monde.


Le nombre d'étudiants internationaux a d'ailleurs bondi ces dernières années, jusqu'à dépasser la barre des 45 000 l'automne dernier.


Une « inquiétude » chez les étudiants internationaux


Selon ces intervenants, une « inquiétude » serait née au sein de la population étudiante.


Pierre Cossette a d’ailleurs mentionné dans sa lettre le « risque de perdre des immigrants hautement qualifiés et motivés », en expliquant avoir « constaté une hausse des demandes d’information » sur les possibilités d’immigration vers les autres provinces.


« Des étudiants sont déjà venus nous voir et ils se désolent de cette situation et de la suspension du PEQ », précise Philippe Clément.




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