Le mot qui fait peur (1)

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Disons charitablement qu'il s'agit d'une interprétation toute personnelle

Pour les partisans de la Charte, l'ennemi à abattre serait le multiculturalisme. Hélas, jamais ennemi ne fut plus mal défini!
Avant de conspuer le multiculturalisme, encore faudrait-il savoir de quoi l'on parle. Or, ce mot recouvre plusieurs concepts différents.
Au sens premier, il qualifie la diversité culturelle qui existe dans toutes les grandes villes occidentales, où se côtoient plusieurs groupes ethniques et linguistiques.
C'est évidemment le cas de Montréal, qui abrite plusieurs minorités importantes - des descendants des Écossais aux Italiens, aux Arabes, etc. Le multiculturalisme est donc l'une des caractéristiques de Montréal.
Au sens plus particulièrement «canadien» du terme, le multiculturalisme renvoie à la stratégie que Pierre Elliott Trudeau avait utilisée pour faire passer sa Loi sur les langues officielles dans le reste du Canada.
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Les moins de 40 ans ne le savent pas, et bien des plus vieux l'ont oublié, mais cette loi qui faisait du Canada un pays officiellement bilingue (au moins dans ses institutions fédérales) a déclenché, à l'époque, un immense scandale.
Trudeau, en effet, plaçait la langue du quart de la population sur le même pied que l'anglais: du favoritisme! En plus, il y avait très peu de francophones à l'ouest du Manitoba.
Si les Canadiens anglais d'ascendance britannique étaient assez favorables à cette loi, qui avait le mérite de distinguer le Canada des États-Unis, tous les groupes ethniques du pays, des Allemands de Vancouver aux Ukrainiens de Regina, étaient aux barricades.
Les Canadiens français, disaient-ils, ne sont qu'un groupe ethnique comme les autres! Ne sommes-nous pas tous des immigrants?
Comme prix de consolation, Trudeau leur a offert une forme de «multiculturalisme» qui consistait à subventionner diverses manifestations culturelles des groupes ethniques, sans par ailleurs donner de statut officiel à leurs langues.
Le mot est resté associé à Trudeau, et a pris avec le temps une connotation très négative. Selon une interprétation paranoïaque qui a large cours, l'ancien premier ministre avait voulu cyniquement diluer la spécificité du Québec dans le «multiculturalisme».
En réalité, sa loi sur le «multiculturalisme» n'était qu'une stratégie pour rendre électoralement possible la loi à laquelle il tenait vraiment, celle sur les langues officielles... qui allait donner au français un statut enviable et inciter des générations de Canadiens anglais à apprendre le français.
Si ce n'était pas directement un gain pour le Québec, c'était une extraordinaire conquête de la langue française, et une victoire pour les francophones, qui voyaient s'ouvrir les portes de la fonction publique fédérale.
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La loi sur le multiculturalisme est devenue pratiquement inopérante, à mesure que les groupes ethniques allophones s'assimilaient. Il y a belle lurette que le fédéral ne subventionne plus les spectacles de danse ukrainienne!
Il existe une troisième version du multiculturalisme: celle qui voudrait que toutes les cultures présentes au pays se valent, et que la société d'accueil n'ait aucun droit particulier.
C'est cette vision simpliste qui a pavé la voie aux «accommodements déraisonnables» qui se sont produits au Canada anglais ces dernières années.
On a vu par exemple une ancienne ministre néo-démocrate approuver un projet d'implantation de tribunaux familiaux islamistes à Toronto et, plus récemment, les autorités de l'Université York accueillir favorablement la demande d'un étudiant qui refusait de côtoyer des femmes.
Ce multiculturalisme dévoyé a toutefois peu d'adeptes au Canada anglais, en dehors des cercles académiques en proie au «politically correct». On l'a vu par le tollé de protestations qui a accueilli la position de York dans les médias et les réseaux sociaux anglophones.
On parle souvent, enfin, du multiculturalisme relativement à l'immigration. Mais le modèle d'intégration des immigrants au Canada anglais est-il vraiment différent de celui du Québec?
La suite jeudi.


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